Chronique

DEWOLFF - TASCAM TAPES / Electrosaurus Records 2020

Dewolff n’a rien à faire dans ces pages et pourtant Dewolff a tout à y faire. C’est l’histoire d’un groupe qui a commencé sans vouloir même être un groupe. Quelque part en Hollande deux frangins fans de Metallica et un pote clavier ont commencé cette aventure étrange d’un groupe de rock psychédélique. Donc non, c’est pas du Metal et ça n’essaye même pas d’en être, alors que les gars assument d’avoir eu envie de faire de la musique avec ça comme origine. Et, depuis leur premier essai jusqu'à ce conceptuel Tascam Tapes, ils n’ont cessé de rendre leurs productions plus éthérées. Au point de composer ce dernier opus à l’aide d’un 4 pistes cassettes qu’ils utilisaient pendant la tournée de l’album précédant (en fait deux Tascam vu que les deux étaient pétés, donc avec deux pétés on en fait un qui marche, suffit de désosser).

Pourquoi un magnéto cassette hors d’âge ? Pour réduire le temps de production et garder la spontanéité du processus créatif. Mélange de boucles de boite à rythme, de re-re faites en studio « après », de prises bricolées dans des hôtels, backstage, de compos qu’ils avaient parfois oubliées en rentrant après la tournée… ajoutez à ça des collages plus ou moins calculés de bouts de ces chansons après coup, même si parfois certains morceaux sont dans leur version finale, le tout est une forme de collage d’éléments bruts. Coût estimé de l’opération : 50 dollars… En fait moins ou peut être plus, après tout, même s’ils avaient déjà acheté les instruments et payé les chambres d’hôtel le coût réel est quasi impossible à définir. Donc on ne saura jamais « combien », mais le côté carte postale brute ramène très loin en arrière niveau feeling d’écoute et le sticker sur l’album est un argument de vente en soi : « cet album a coûté 50 dollars mais ils sonne comme un truc à un million » pour traduire à la truelle. Alors certes, en rentrant ils ont nettoyé (fait nettoyer par un petit génie du son, comme ils l’avouent eux-mêmes) les bandes, retravaillé tout ça, mais la chose sent la route, la jam et le feeling d’un truc qui leur brûle les doigts et doit sortir. Dans ce disque, il y a tout parce qu’il n’y a presque rien et que ça le fait quand même.

Entre électro pop, soul old school, blues, country mode Johnny Cash première période avec un micro dans la pièce pour tout capter et une voix qui hypnotise, Dewolff n’a vraiment rien de Metal, enfin pas plus que Wolmother, Led Zeppelin sur le 3ème album ou Monster Magnet sur les morceaux les plus lights. C’est juste de la très bonne musique, violente exclusivement par son intensité émotionnelle et intérieure.

Alors, pourquoi, si c’est bon au point de se retrouver ici avec une chro dithyrambique alors que c’est apparemment hors sujet, attendre aussi longtemps pour en parler ? C’est sorti il y a deux mois, j’ai la galette depuis 3 et depuis que le truc est annoncé je l’attendais. Et puis… Déjà interview demandée et... ratée (pas de réponse, souci de mail le truc qui arrive jamais mais bim, ce coup-ci pas de bol et c’est total de ma faute j’ai pas relancé au bon moment ni de la bonne façon, votre serviteur est un con). Frustration. Dans la foulée, pas de concert ni de photos (le photographe tire encore la gueule d’avoir raté ça par MA faute), cause pareil les deux demandes étaient dans le même mail… et le temps que ça passe… Bah c’est passé et ça fait chier. Et de l’avis de tous ceux qui étaient là, cette énergie palpable et magnétique que ce disque retranscrit à merveille était bien là en live, imparable directe et sauvage. Bref quand tu rates l’interview et le concert, autant y aller, autant rater la chro, après tout c’est presque un forfait.

Dans l’intervalle le monde s’est arrêté. Leur tournée aussi, et comme beaucoup de groupes en tournée et travaillant à flux tendu en autoprod, les types se retrouvent dans une panade totale. On peut pas faire grand‘chose, on est tous dans la mouise… Mais avouons que là, quand j’écoute ce disque je me dis qu’il est parfait même et surtout dans ce moment de flottement étrange. Et que même si les mecs vont sûrement réussir à trouver une solution pour enregistrer la suite à distance, chacun de chez eux, en sortant un truc de dingue (vu qu’avec un 4 pistes et quelques jams entre deux portes, ils ont sorti cette petite merveille). Eh bien, disons que même si en effet ils sont là non pas pour la musique qui n’est ni punk ni Metal ni prog, ils ont ce truc de DIY qui les place à la hauteur, voire au-dessus de beaucoup de musiciens de hardcore, dans la démarche. Jetez une oreille, ça vous emmènera sur une belle route, et ça fait du bien pour toutes les raisons que vous savez. Alors certes perso je sais que j’ai sûrement trop attendu. Mais étrangement, je ne trouve pas de meilleur moment pour l’écouter que maintenant. Parce c’est un ovni, et que ça fait du bien de se balader en ovni bordel !
 
Critique : Thomas Enault
Note : 9/10
Site du groupe : Page Facebook du groupe
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