Interview

TRANS SIBERIAN ORCHESTRA (2011) - Al Pitrelli (guitare)

Tout d'abord, un grand merci à Philippe et Nadine pour avoir fait cette interview pour notre webzine (http://www.lepavotenrage.org). C'est parti !

Si la rue de la Paix est connue dans toute la France comme étant la plus chère du Monopoly, elle n'a jamais franchement été réputée être un haut lieu de la culture hard rock.
Inutile de préciser que, dans le métier de chroniqueur ordinaire, il est fort rare d'avoir à s'y rendre pour réaliser une interview, surtout dans un hôtel jouxtant la place Vendôme.
Mais c'est qu'aujourd'hui n'est pas un jour comme les autres : aujourd'hui, Trans Siberian Orchestra (TSO en abrégé) est à Paris, du moins ces deux membres fondateurs : Paul O'Neill et Al Pitrelli. Et c'est ce dernier, également membre de Savatage et ancien guitariste de Megadeth, qui a eu la gentillesse (et la patience) de répondre à nos questions.

Bonjour et merci beaucoup pour cette interview ! Et commençons par la question que tout le monde a dût vous poser aujourd'hui…


Oh ! Est-ce qu’il faut vraiment que je donne la réponse alors ?

... pourquoi n’y a-t-il aucun concert prévu à Paris dans votre prochaine tournée ?

Al Pitrelli : Je vais donner la réponse à la question que tout le monde se pose : je n’en ai fichtrement aucune idée !
Mais je devine que ça a à voir avec le label.
Nous étions tous nerveux à l’idée de venir ici, parce que ça fait si longtemps… Depuis que TSO a démarré, il y a quinze ans, nous ne sommes jamais venus ici. C’est la ville où sont nés tous les plus grands musiciens, européens et en général, et nous savons à quel point Paris est le lieu où viennent tous les grands musiciens et tours les artistes. Tous les grands compositeurs ; les Queen, les Scorpions…
Venir ici ? Ok mais avant soyons sur que tout est parfait. Soyons sur que tout ce que nous faisons est bon.
Je suis vraiment désolé que nous ne venions pas ici, parce que quand j’ai commencé à jouer avec Alice Cooper, en 1988, nous sommes venus en France et j’ai adoré. J’aime Paris, j’aime toutes les villes de France : Lyon, Nancy… J’aime ce pays ! Les gens, la culture, les magasins… Aussi je n’ai pas vraiment de réponse, désolé. Je ne veux pas vous désappointer, mais il y a vraiment une bonne raison pour laquelle nous ne venons pas ici.


Les Français pourront toujours venir vous voir à Londres ou Bruxelle… Ce n’est pas si loin.

Al Pitrelli : C’est vrai! A près tout je viens de New York, c’est moi qui fait le plus long voyage !

La tournée prévoit un show chaque soir dans une ville différente, pendant plusieurs semaines. Vous allez être épuisés !

Al Pitrelli : Tu sais, c’est quand je ne travaille pas que je me fatigue. Quand je m’ennuie, je tombe malade. Quand je travaille, c’est là que je me sens vivant ! Quand j’ai une guitare à la main, en train de jouer avec Orchestra. C’est là que je me sens vivant, que je me sens le mieux, quand je sais que c’était une bonne journée.
Ce que je pense, c’est que la meilleur partie de la journée, c’est quand on fait quelque chose. Je veux dire « que ferons-nous aujourd’hui » ? Que ferons-nous les uns pour les autres aujourd'hui ? Qu’allons-nous créer ? Quand je fais quelque chose. Quand quelqu'un sourit ; quand un gosse de dix ans joue de la guitare parce qu'il m'a vu en jouer, ou peut être du violon.
Qu'est ce qui c'est passé aujourd'hui qui a changé quelque chose ?
Si j'ai réussi à changer quelque chose, c'est une bonne journée ! Quand je ne suis pas en train de travailler je me demande : « qu'est ce qui se passe là ? » C'est un mauvais jour. C'est dans ces moments là que je me sens endormi, que je suis fatigué. Alors oui c'est dur mais j'ai l'habitude de bosser dur tous les jours ; aussi je reste en forme et je peux faire mon boulot tous les jours. J'aime ce que je fais.

Noël tous les jours, en quelque sorte ?

Al Pitrelli : Oui. Mais du boulot.

L'enfance, c'est le principale sujet de vos opéras rock, or c'est un thème difficile ; certains écrivains disent même que c'est le plus difficile de tous. Comment décririez-vous la façon dont vous en parlez ?

Al Pitrelli : L'enfance ? Mon enfance ?
Tu as besoin d'un permis pour conduire une voiture ; tu as besoin d'une licence pour pratiquer la médecine ; tu as besoin d'une licence pour avoir une arme ; toutes choses que tu ne peux pas avoir quand tu es enfant. Tu sais, j'ai des enfants moi aussi.
Mon enfance a été très simple : en 1964 j'avais deux ans et j'ai vu les Beatles à la TV. Et ça a été la fin de mon enfance. A partir de ce moment, je n'ai plus eu qu'une idée en tête : jouer de la guitare, être dans un groupe et créer quelque chose. Pas être une rock star, note bien. (Parce que, pour être honnête je n'aime pas les rock star.) Etre un musicien. Etre un artiste. Voyager dans le monde, me coucher un petit peut plus tard, me lever un petit peu plus tard, laisser mes cheveux pousser un petit peu plus tard, avoir quelques tatouages... Me tenir devant la tour Eiffel, et pas seulement la voir en carte postale...
Et donc de 1964 à 2011 j'ai eu une seule idée en tête : de faire ça et d'être un artiste. Donc je n'ai pas vraiment eu d'enfance, et si tu demande à ma mère elle te répondra « my god ! » Et malheureusement, mes enfants n'ont pas eu une enfance avec moi. C'est un sacrifice que j'ai fait. Je l'ai fait, et je n'étais pas à la maison quand j'aurais du y être. C'est le mauvais côté. Le bon côté, c'est que tout est allé bien.
Est-ce que cela répond à ta question ?

Et pour Noël ? Puisque vous avez fait trois opéras rock sur Noël...

Al Pitrelli : Noël, c'est toujours Noël ! Et maintenant ce n'est pas différent, parce que je me sens toujours comme un enfant, après toutes ces années, à apporter aux gens de toute la terre ces cadeaux que nous avons-nous mêmes créés.
Si vous croyez à Noël comme une fête religieuse célébrant la naissance de Jesus-Christ, la naissance d'un homme quoi qu'il ai put se passer après... Légendes...Si vous êtes religieux, c'est une fête religieuse célébrant la naissance d'un homme. Mais bon !
C'est d'abord un magnifique jour férié, où tout le monde arrête de travailler et que tout le monde célèbre.
L'autre chose derrière Noël, c'est que c'est le jour où tout le monde se dit : faisons quelque chose, soyons un peu plus gentil que d'habitude aujourd'hui. Faisons quelque chose pour ceux qui sont moins fortunés. Pour ceux qui ont besoin d'une maison, de nourriture, d'un endroit pour dormir, d'un manteau neuf... Quoi que ce soit !
C'est le vrai esprit de l'enfance. Pensons à notre prochain ; pensons à nos amis, à notre famille. Arrêtons nous et faisons quelque chose de bon. C'est une chose importante. Je suis impliqué dans l'organisation.
En fait, Noël n'a pas beaucoup changé durant les 50 ans de ma vie. C'est juste « arrête toi un instant, et pense à être quelqu'un de bon, de bien ». Moi j'ai juste besoin d'une guitare. Et je pense à des gens comme mon fils ainé qui eux ont une arme, parce qu'il est dans l'armée américaine. Et je préfère être en compagnie en train de jouer plutôt que d'être dans le désert avec un fusil.
Aussi, à chaque Noël je pense à mon fils qui est quelque part faisant quelque chose que j'aimerais mieux qu'il ne fasse pas...


A propos de l'album Beethoven's last night, pourquoi avoir choisi la vie de Beethoven, justement ? Ce n'est pas un sujet aussi ordinaire que Mozart, par exemple...

Al Pitrelli : Beethoven a eu une vie incroyable. Ce n'est peut être pas l'histoire la plus populaire, mais la plus intrigante, surement ! Elle oblige à se poser des questions d'un certain niveau.
L'histoire de Beethoven est fascinante, parce qu'il a sans doute été le tout premier heavy metal rock star. Pourquoi ? Sombre ! Lourd ! Dure. Personne ne savait qu'il était sourd ; c'est pourquoi son histoire est terrible.
Combien connais tu de rock star qui sont sourd ? Le fait qu'il ait eu un frère mort en bas âge et qui portait le même nom que lui est tout ce qu'il y a de plus vrai. Et Paul a été vraiment brillant en écrivant cette histoire parce que tu vois, 90% de tout cela est vraiment arrivé, et les 10% restant auraient pu arriver.
C'était notre façon de rendre hommage à ce grand maitre de la musique. Tu sais, s'il avait fumé des cigarettes et joués de la guitare, peut être qu'il n'aurait pas été différent de nous.
C'est une histoire magnifique, et Paul est un as d'avoir écrit ça. Et je suis fier de ce qu'il a fait, et d'y avoir contribué.

Beethoven aimait la liberté, comme toi.

Al Pitrelli : Qu’est ce que tu veux dire ?

Et bien un jour, il croisa l'empereur allemand, et le poète Goethe, qui marchait avec lui, s'inclina et salua ; mais Beethoven refusa et leur tourna le dos. Je pense que tu aurais fait comme Beethoven...

Al Pitrelli : Je pense aussi ! Je comprends, parce que nous avons tous notre caractère... Je ne suis pas lié, je ne suis pas obligé de faire preuve de courtoisie...
Et sa musique... Je suis presque sur que, s'il avait vécu aujourd'hui il aurait choisi d'êtres des nôtres plutôt que de rester dans l'histoire comme le grand maître... Tu sais, je suis presque sûr que Keth Richard vivra pour toujours, par sa musique. Parce qu’il est Keth Richard.

Mais pourquoi, dans l'histoire, Mephistopheles le diable, veut absolument sa dernière symphonie ?

Al Pitrelli : Je ne sais pas... C'est une bonne histoire.
Ce devait être le dixième printemps. « Ou iras-tu », « que vas-t-il se passer après », c'est un aspect de l'histoire de Paul. Pourquoi est-ce que le diable la veut tant ? Tu sais, il y a une vieille maxime qui dit que « la plus belle ruse du diable c'est de nous faire croire qu'il n'existe pas. »

Oui, c'est de Baudelaire.

Al Pitrelli : Exact ! Et donc, je ne sais pas ! Tu sais, être un artiste suppose qu'on pense. Et il y a trois type d'art.
Il y a le mauvais art. Juste bricoler un machin.
Il y a le bon art. Vraiment difficile à faire. Parce qu'il doit faire ressentir une émotion que l'on a déjà ressenti, la transmettre. Si j'écoute un disque de rock, ça me ramène à quand j'étais enfant. Si je regarde un tableau, il me rappelle quand j'étais un enfant en train de construire une cabanne, ce genre de chose. Des choses qui engendrent en vous une émotion.
Le Grand art est presque impossible, parce qu'il doit te faire ressentir une émotion que tu n'as jamais ressenti auparavant ; et c'est exactement ce que Paul et moi essayons de faire. Nous essayons de créer de l'art. Nous essayons de créer quelque chose qui feront remuer quelque chose en vous.
A quoi est-ce que tu penses, quand tu reviens d'un de nos concerts, que tu es dans le train, ou en train de conduire pour rentrer chez toi ? A quoi est-ce que tu penses ? Ca te rends heureux, ça te rends indifférent, ça te fais pleurer ? Ou peut être que cela te poussera à embrasser encore une fois ton enfant pour lui souhaiter bonne nuit…

Et un exemple de “grand art” ?

Al Pitrelli : Pour moi, quand je me tiens devant la tour Eiffel. Tu sais, la nuit dernière, je l’ai vu alors qu’on me ramenait de l’aéroport. Et je ne l’avais pas vu de nuit depuis des années – dix ans, depuis la dernière fois où j’étais là. Et c’était tellement beau de nuit… J’ai juste crié « stop ! » Et je suis juste resté là à la regarder. La lune était particulièrement belle hier, en plus…
Tu sais, je vis à New York city, et je vois les gratte-ciels tous les jours, et ils sont magnifiques. Mais quand je me tenais devant la tour Eiffel, j’ai réalisé quelle œuvre d’art c’était. Et je me suis senti vraiment subjugué.
Quand je suis allé au Louvre, il y a vingt deux ans de cela, et que j’ai vu Mona Lisa. Quand je me tenais devant Notre Dame, à Milan. Quand j’ai vu le film the Godfather pour la première fois. A chaque fois je me suis senti particulièrement… quelque chose. La première fois que j’ai vu les Beatles. La première fois que j’ai vu une Jaguar XK. Ou une Mustang 1964.
Enfin ! L’art c’est l’art. C’est juste, tu vois ça et « whaaaa ! »
La première fois que j’ai vu ma petite amie sourire. Ces choses qui simplement te coupent le souffle.

Et maintenant, Night Castle… L’histoire est plus longue que d’habitude. Comment est-ce que vous les élaborez ?

Al Pitrelli : Paul ! C’est Paul qui écrit les histoires. Paul a une façon de raconter une histoire et de captiver les gens… Je ne lis pas. Je ne suis pas un bon lecteur. Je peux évidemment, mais ça m’ennuie. Si j’essaye de lire un livre, je vais vite me dire « quelle barbe » ! Je suis les idées, mais je n’arrive pas à me concentrer. Mais les histoires de Paul je peux les lire tu sais. Si à un moment je me sens perdu dans l’histoire, il me suffit de tourner la page pour voir où je suis et ce que je suis en train de faire. Si je suis perdu dans une jungle ou sur une île déserte ou quelque part près d’un océan, je ne me demande pas « mais qu’est ce que je fous là ? » Je sais que je suis là où Paul veut que je sois.
L’histoire est magnifique. Si elle est si longue c’est parce que vois tu, c’est aussi un grand chanteur, et il a commencé par écrire les chansons ; elles font partie de l’histoire. L’histoire c’est fait plus longue, et finalement il l’a fini. Et après il s’est dit « bien, maintenant expliquons qui sont les personnages ! Tu sais, vingt deux chansons c’est un gros album.
Nous voulions que notre album sois parfait. Le mieux que nous puissions faire, aussi près que possible de la perfection. Nous ne ferons jamais un album bâclé. Parce que avec Orchestra nous avons acquis la réputation d’être un vraiment, vraiment bon groupe de rock, avec de grandes chansons. D’ordinaire, on fait souvent un album avec trois vraiment bonnes chansons dessus, et le reste bon mais sans plus. Nous, nous voulons un album de 22 chansons avec 22 grandes chansons. Tu vas me dire, comme tout le monde, mais nous nous le faisons vraiment. Aussi nous allons faire de notre mieux pour cet album, et veiller à ce que le CD ne coute pas trop cher pour que les gens qui n’ont pas trop de moyens puissent l’acheter. C’es pour l’art, pas pour l’argent.

Le Erasme que rencontre le lieutenant dans Night Castle, est ce que c’est celui du XVème siècle ? Celui qu’on surnomme le « prince des humanistes » ?

Al Pitrelli : Oui. Paul est Presque un historien, il en sait un rayon dans ce domaine ; et il garde beaucoup de choses en mémoire. Quand nous étudions l’histoire, nous ne voyons plus le présent ni l’avenir sous le même œil…

Et pour toi, qu’est ce que ce personnage représente ?

Al Pitrelli : Je pense que c’était un pauvre type ! (rire) Non, je ne veux pas te donner la mauvaise réponse. Mais pour moi… la sagesse, la vérité, la connaissance ; l’intégrité probablement… Les réponses… à certaines des questions. Paul en dirait beaucoup de choses !

Il y a beaucoup d’allusions à la musique classique dans vos albums ; tu aime ça ?

Al Pitrelli : Je l’aime bien. J’aime le blues et le jazz par exemple. La musique classique, j’ai appris à l’aimer, et maintenant, j’ai une sorte d’affection pour.

Et si un jour tu as le choix entre un concert de blues, une representation d’opéra ou un concert de rock, que choisirais-tu ?

Al Pitrelli : Je ne sais pas, ça dépend… Quel jour ? En semaine ou le week end ? Si c’est en semaine, je vais à l’opéra. Vendredi soir, au concert de blues. Et samedi, je vais voir ACDC en live !!
Si je n’avais plus à aller nulle part j’en prendrais juste un de chaque, et je me ferais la semaine idéale... Et j’irais chaque soir voir quelque chose de différent. Si je pouvais j’irais voir Carmen le lundi, et le mercredi Chikarya. Vendredi, c’est bien pour voir Metallica. Et dimanche peut être the Who, juste au cas où !
La musique est toujours la musique, souviens t’en. Douze notes. C’est tout. Mozart et Beethoven utilisaient ces douze notes. La neuvième symphonie de Beethoven ou l’album Paranoïd de Black Sabath ont ces mêmes notes. Je suis un fan des douze notes.
Les combinaisons. Les catégories et théories derrière mathématiques et musiques, c’est ça qui fait sonner Beethoven si différent de Black Sabbath. Je suis un fan des douze notes. Quel musicien à jamais pu s’en passer ? Les possibilités en sont infinies.
Je peux amener un poulet à un cuisiner Français. Je peux amener le même poulet un cuisinier américain. Même ingrédient. Qu’est ce que nous aurons ? A Paris j’aurais un coq au vin – j’adore le coq au vin ! – et aux Etats-Unis, un poulet grillé souce barbecue ! Et avec le même poulet. Et est-ce que les deux ne sont pas délicieux ?
Les gens passent trop de temps à se poser des questions à propos des différents styles. On se soucie trop de cinq ou six religions différentes. Chrétiens, bouddhistes, juifs, musulmans… Peu importe ! Il n’y en a qu’une de religion. Ne soit pas un salaud. Sois quelqu’un de bien. Sois juste, sois bon. Sois aimant, ait de la considération pour ceux qui t’entourent. Ne joue de sales tours, à personne. Ca c’est une bonne religion.
Est-ce que nous avons vraiment besoin de tout le temps nous embêter à chercher qui est catholique, qui est musulmans, qui est protestant ? Est-ce que nous avons vraiment besoin de toujours tout classifier ?
Musicalement, je pense qu’Eminem est brillant. Je pense que Freddy Mercury aussi était brillant. Est-ce qu’ils sont comparables ? Non. Est-ce qu’ils sont tous les deux formidable ? Oui. Douze notes.

Mais, par exemple, tu aimes les Carmina Burana ? O fortuna est en bonus de Night Castle…

Al Pitrelli : Bien sur. Quelle puissance a cette musique !

Pourtant, les Carmina Burana sont généralement considérés comme un rejet de la musique de Beethoven, que Carl Off jugeait trop sophistiquée, trop compliquée…

Al Pitrelli : Carl Off… Il trouva un manuscrit, avec des mélodies très puissantes, composées par un moine du moyen-Age. Ok, un drôle de moine, mais Jesus-Christ lui meme était passablement étrange ! (Fredonne un air des Carmina Burana) Cet air peut être un opéra, ou dans un concert d’Ozzy Osborne. Il a été joué pour les jeux olympiques, pour de nombreux films, pour des publicités. Cet air capte l’oreille de tout le monde, peut importe pourquoi. Douze notes. Je ne comprends pas un mot de latin, mais je comprends cette chanson.

De même, dans la chanson “The Mountain”, vous avez repris l’air “dans le hall du roi de la montagne”, de Peer Gynt.

Al Pitrelli : J’aime Paul. C’est mon grand frère, mon meilleur ami, mon patron et mon associé. Il est aussi très, très bon pour récupérer des airs et les modifier juste un tout petit peu pour faire que ça marche. Parce que l’une des particularités de TSO, c’est que nous influençons les gens, dans le sens que nous exposons la jeune audience à la musique classique.
Ils écoutent « dans le hall du roi de la montagne », d’une manière différente mais ils l’écoutent. Ils écoutent le mariage de Figaro, d’une façon différente mais ils l’écoutent. A la flûte enchanté de la Reine de la nuit, de Mozart ; à la cinquième et à la neuvième de Beethoven, à la 25ème symphonie de Mozart… Nous exposons les jeunes audiences à notre vision des grands compositeurs.
Parfois dans l’assistance, avant le début des concerts les enfants sont (sort son téléphone et pianote dessus, l’air blasé). Et je commence à jouer, et eux (cesse de pianoter et lève la tête, l’air surpris et intéressé). Et ils rangent leurs téléphones et se mettent à écouter. Peut être qu’ils aiment, peut être qu’ils n’aiment pas, ça m’est égale. Ce qui compte, c’est qu’ils posent leurs téléphones, pour deux heures ou cinq minutes. Et peut être qu’après le concert ils diront : “je veux faire ça, je veux apprendre à jouer de la guitare, à jouer du violon, à jouer du piano… De la batterie peut être. Il n’y en aura peut être que cinq dans toute l’assistance, peut importe. Ils se lanceront dans un groupe de rock, et pas dans les jeux vidéo !
C’est le pouvoir de la musique, c’est le géni de mon ami Paul. Si nous pouvons changer une vie, donner à un gosse l’envie de prendre une guitare comme quand j’ai vu les Beattles et pris une guitare, ce qui a changé ma vie, alors c’est une bonne journée. Nous avons fait quelque chose, construit quelque chose. Quelque chose a changé, quelqu’un a souris…
Toujours les mêmes douze notes !

Et si, comme dans Beethoven’s last night, un jour Mephistopheles vient et te dit : “tout ça contre ton âme ? »

Al Pitrelli : Je vais te dire, ne sois jamais effrayé ; je ne me suis jamais effrayé de savoir d’où je venais et où j’irais après. Quelqu’un veut échanger tout cela contre mon âme ? Non. Je veux faire mon temps sur cette planète. Parce qu’à la fin de mes jours, quand je partirais pour de bon, je veux que mes enfants soient fiers de moi.

Ils le seront.

Al Pitrelli : Je l’espère… Pour moi, c’est la différence entre le mal et l’enfer. Le mal vivra toujours. L’enfer, c’est d’être oublié. C’est ça pour moi la damnation éternelle. « Mon père a fait ci, mon père a fait ça… » Moi et mon ami Paul, en vieillissant nous avons compris certaines choses. Alors, si le diable veut me faire danser, il ne dansera pas avec moi. Je ne danse pas !

Et pourquoi est ce que c’est l’ouverture de Figaro qui célèbre la rencontre de Mozart et Beethoven ?

Al Pitrelli : Parce que Mozart vint pour voir Beethoven et lui dit : « tu peux le faire, le monde a besoin de cette musique. Tu vivras pour toujours à travers ta musique, pas par ton corps. Ta musique, elle, vivra pour toujours. »
La pire, la plus dure des critiques, la seule dont j’ai peur, c’est : « comment les temps jugeront notre musique ? Que disent les temps des groupes qui n’ont eu qu’un moment de gloire ? On oublie. Qu’est ce que les temps ont dit des Beatles, de Beethoven ? Je crois qu’on le sait plutôt bien… Que diront les temps futurs de TSO ? J’aimerais être sûr que nous leurs laissons suffisamment de choses pour en discuter, quoi qu’il arrive.
Mozart avait annoncé à Beethoven que sa musique vivrait pour toujours. Il vivrait pour toujours, et serait érigé come une référence, et changerait des millions de gens qui écouteront à sa musique, et il les touchera et les affectera avec sa musique. S’il avait été oublié (comme le diable lui proposait en échange du salut de son âme) c’est là qu’il aurait vraiment été damné.

Est-ce que tu me permets de parler pour le diable ?

Al Pitrelli : Of course…

Est-ce que tu connais l’histoire du temple d’Ephèse ?

Al Pitrelli : No.

C’était un temple magnifique, l’une des sept merveilles du monde. Et un jour un type l’a brûlé. Et quand on lui a demandé pourquoi, il a répondu qu’il ne voulait surtout pas être oublié, et que c’était le seul moyen qu’il avait trouvé pour devenir célèbre. Alors les gens d’Ephèse ont interdit qu’on prononce à nouveau son nom, mais maintenant on le trouve plus souvent dans les livres d’histoires que ceux des architectes du temple. Alors il a aussi gagné, en un sens…

Al Pitrelli : Dingue ! On aura appris quelque chose aujourd’hui. Mais l’heure tourne… Une dernière question ?

Déjà quelque chose de prévu pour le prochain album ?

Al Pitrelli : Oui, après cette tournée nous y travaillerons. Ca aura quelque chose à voir avec un ballet je crois. Paul a encore toute une liste d’idée ! Aussi je pense que nous serons très occupé pendant quelques temps encore, et c’est ok. Comme je le disais, j’aime être occupé !

Au revoir et merci pour tout !

Al Pitrelli : My pleasure! J’espère que c’était intéressant pour toi. Au revoir
 
Critique : Lionel
Vues : 2317 fois