Interview

SYMPHONY X (2011) - Michael Romeo

C’est avec une joie, un honneur et un trac immense que j’ai interviewé Michael Romeo lors de son passage à Lyon avec SYMPHONY X.
C’est dans le backstage du Ninkasi que le virtuose de la six cordes s’assoit à ma table pour nous dévoiler les secrets de leur dernier album « Iconoclast ».


SDM: Bonjour Michael et merci de me donner un peu de ton temps. Vous êtes finalement de retour sur la route et sur scène, est-ce que tout se passe bien ?

Michael ROMEO: Oui la tournée est super, le public est génial et comme l’album est sorti dans l’été nous pouvons jouer plus de nouveau morceaux.

Vous êtes ici pour votre nouvel album, « Iconoclast », qui est sorti il y a quelques mois. Comment a-t-il été reçu ?

Tout ce que j’ai vu a été bon. Les ventes ont été bonnes… tout en fait. A chaque album, on essaye de faire quelque chose de différent, de mieux, de mettre vraiment tout ce qu’on a. Les ventes suivent, les fans aussi donc oui, tout est bien.

Question que l’on vous pose souvent : nous avons attendu cinq ans entre « The Odyssey » et « Paradise Lost », et quatre pour avoir « Iconoclast ». Vous avez beaucoup tourné mais est-ce que l’écriture a pris un peu plus de temps que d’habitude ?

Un petit peu oui, juste parce qu’il y a beaucoup de matière, nous ne pensions pas au début que cela deviendrait un véritable double album de 67 minutes. On a continué d’écrire et écrire et quand c’est fait, c’est fait, donc oui il y a plus de matière cette fois. Et l’autre truc c’est que les derniers enregistrements ont demandé du temps, surtout à cause de la tournée. C’est difficile, surtout pour moi, d’écrire dans le bus, il y a trop de distractions, tu ne peux pas te concentrer. Donc d’habitude on tourne pendant quelques années, et la dernière tournée a été assez longue, et ensuite on va prendre le temps de faire l’album, ce qui prend à peu près un an. Donc trois ans de tournée, et un an pour l’album, vu que l’on doit travailler aussi sur sa sortie, la pochette, la promotion, donc ça prend à peu près quatre ou cinq ans.
Je pense que le prochain album, ce qu’on va essayer de faire c’est d’écrire pendant les creux. Genre quatre ou cinq mois d’un truc et un mois à la maison ou deux, peu importe, et de cette façon, on pourrait aller plus vite, et on a déjà des petites choses qui sont prêtes, plutôt que de partir de zéro, pour le prochain album. Si tout va bien, il n’y aura pas… cinq ans ou un truc de ce genre.

Vous avez récemment signé pour Nuclear Blast. Ressentez vous des changements à ce niveau ? Peut être plus de liberté ?

Oui tout a été super avec eux, il y a des domaines qui ne nous avaient pas trop réussis par le passé, il y a des améliorations sur certains points. Ils ont été là, et savent quoi faire et notre relation avec est assez cool ouais. Tout s’est bien passé et je pense que ça a été une bonne chose pour nous.

La musique de SYMPHONY X évolue toujours et musicalement, il y a beaucoup de similitudes avec « Iconoclast » et « Paradise Lost » mais il sonne plus agressif, plus sombre. Etait-ce un choix ? Ou avez-vous juste laissé venir la musique ?

D’habitude, avant de commencer à écrire, j’ai peut être quelques riffs... Mais on n’est pas trop sûr de la direction qu’on va choisir et on va parler. Nous voulons que chaque album soit différent et assez tôt, sur « Paradise Lost », on a parlé de faire ce genre de chose, l’œuvre de Milton, une musique un peu plus sombre, peut-être une section orchestrale, un peu plus menaçant et cette notion de paradis et d’enfer, de bien et de mal, le conflit, ce genre de choses. Et une fois qu’on sait quelle direction ça va prendre, tout se met en place, on travaille sur des riffs, donc plus sombre sur « Paradise Lost », et on travaille sur les paroles avec Russell pour essayer de trouver ce qui colle bien à tout cet univers de bien et de mal.
Pour « Iconoclast » ça a été pareil, assez tôt, j’avais, quelque chose comme deux ou trois airs, bruts, mais sans vraiment de directions. Et même chose, on commence à parler des idées. Et je sais pas trop comment c’est venu, j’écoute beaucoup de musiques de films aussi, j’aime tout ces films comme… Matrix et c’est comme ça qu’est venu l’idée de ce lien entre l’homme et la machine, ça pouvait être le truc. Et j’ai commencé à travailler sur des nouveaux riffs, avec des sons et des idées différents, et avec le groupe on en a parlé et on s’est dit que ça serait cool. Quelque chose de plus impitoyable, plus mécanique. Même les guitares, le son des guitares est un peu plus énervé, le synthé, où on utilise souvent un son d’ensemble de cordes, quelque chose d’organique, là c’est plutôt l’opposé, un son plus synthétique avec des textures mécaniques. Et pareil pour les paroles, on a essayé de suivre cette ligne directrice de l’Homme contre la machine, la technologie, ce genre de truc. Et une fois que l’idée est là, on sait tous quel est le but, et tout se met en place.
On ne va pas essayer d’être plus ci ou plus ça, c’est juste : Qu’est ce qu’on peut faire musicalement et textuellement qui semble cool et marrant. C’est comme ça que ça s’est fait.

Sur « Paradise Lost », vous avez utilisé beaucoup d’orchestrations, de chœurs, que l’on retrouve sur la chanson « Iconoclast ». Est-ce pour faire une transition entre les deux albums ? Ou ces similitudes viennent du fait que c’est la première chanson que vous avez écrite et qu’il y a donc quelques restes de « Paradise Lost » ?

Je pense que cette chanson est venue assez tôt quand nous avons mis en place cette idée de l’Homme et la machine. Les quelques chansons qu’on avait à peu près faite étaient brutes, mais quand on a parlé de l’Homme et la machine, ça a donné cette chanson. Je me rappelle qu’une fois qu’on avait établie cette idée, j’ai commencé à travailler sur cette chanson peut être un jour ou deux, et ça s’est fait assez vite, c’est arrivé comme ça, et tout le monde a dit, « Ouais c’est le son de l’album ».
L'un d’entre nous, Russell je croisa dit que ça devrait être la première chanson de l’album, et j’étais plutôt « Ah… je sais pas, c’est une chanson assez longue ». Mais comme il a dit, quand on l’a réécouté, il y a des trucs plus orchestraux mais aussi ce son mécanique. Et on s’est dit, ouais, ça pourrait être une chanson passerelle, donc oui mettons la en premier.

Peut-on dire que « Iconoclast » est un vrai concept album ou juste des chansons indépendantes avec un thème récurrent ?

Pour moi un concept album est fait d’une histoire avec un début et une fin. C’est assez dur de fixer les limites, je veux dire… oui elles sont toutes liées, mais elles ont leur identité propre. C’est la même chose pour « Paradise Lost », chaque chanson a son identité comme sur « Iconoclast » où on a l’Homme, la machine, la technologie mais par exemple l’une sera plutôt une chanson sociale, comment on interagit, comment la technologie entre en compte. Une autre chanson comme « Iconoclast » parlera plutôt de l’Homme contre la machine, la guerre, ce genre de truc, la science fiction, « Terminator ». Donc tout ce qui a un lien avec ça, fonctionne.

Donc les paroles sont en partie fantastiques, mais y-a-t-il une critique de notre société. Par exemple « Children of the faceless God » qui serait une critique de Facebook, la télévision, ce genre de chose ?

Oui exactement, c’est ce que je te disais, il y a un peu de tout, science fiction, ça peut aussi être un regard sur la société, et cette chanson est de ce type. On essaye de trouver le plus de chemins possibles avec ce sujet (d'angle d'attaques du sujet). Mais ouais c’est exactement ce dont parle cette chanson.

La pochette représente exactement l’ambiance, l’atmosphère des chansons, du concept. Comment avez-vous travaillé avec Warren Flanagan ?

C’était très simple, on est devenu amis avec « Paradise Lost ». Il est très impliqué dans l’industrie cinématographique, il fait des artworks pour des films et d’autres trucs, et j’adore les films aussi. Chaque fois qu’on parle c’est à propos de films. Pour « Paradise Lost », on a commencé à parler de tout, de « L’exorciste » à « The Omen » jusqu’au « Seigneur des Anneaux », d’enfer et paradis, du bien et du mal, ce genre de chose. Et pour « Iconoclast », la conversation a été assez courte, il m’a dit « Hey les gars vous faites quoi ? », et je lui ai répondu qu’on allait probablement faire l’Homme contre la machine, un truc un peu plus agressif, plus sombre. Et on a immédiatement commencé à parler de… « Matrix », « I-Robot » des trucs de science fiction, « Terminator », et toutes ces idées sont venues. Et j’ai su qu’il commençait à imaginer des visuels, de voir ce qu’il pourrait faire avec ça. Il a envoyé ses idées et c’était à chaque fois mieux. Il est très talentueux, très créatif.

Il a donc une totale liberté…


Oui c’est ça, il nous connait et une fois qu’il a su ce qu’on voulait faire, les vibrations, la personnalité de l’album il cerne tout de suite et il démarre et en général, trouve le truc parfait.

Concernant « Prometheus (I am alive) ». Si ma mémoire est bonne, il s’agit du Dieu qui a apporté le feu aux hommes. Est-ce que la chanson représente l’Homme qui a apporté la connaissance aux machines ? Et doit en payer le prix ?

Oui un peu, mais en fait on pensait plus à Frankenstein, le Prométhée moderne. Donner la vie. Créer quelque chose qui devient indépendant. Voilà dans les grandes lignes ce que c’est.

L’album se termine par « When all is lost », sur laquelle on n’a pas de synthé mais un piano, quelque chose de plus humain, triste et mélancolique. Cela signifie t-il pour vous que l’humanité perdra face aux machines ?

Et bien, en fait nous ne pensons pas aussi loin. On cherche à trouver quelque chose qui pourrait marcher dans une chanson. Est-ce que je pense que… les machines vont devenir vivantes ? Non… C’est intéressant mais pour cette chanson, vu que la plupart des morceaux étaient durs, agressifs, et on sentait qu’on avait besoin d’un morceau plus progressif, plus intimiste, avec un genre de chanson piano-voix. Mais on a essayé de suivre ce cap, avec la technologie et tout ça, alors comment avoir une chanson comme ça ? Et on s’est dit : et si c’était la fin… La destruction de tout ce qu’on a, laisser ça à nos enfants, ce genre de trucs. De chercher ce qui correspondrait au sujet, et irait avec la musique. Et musicalement parlant une chanson comme ça devait être sur l’album.

Justement, concernant le piano, en temps que compositeur principal, comment ça se passe ? Tu joues du piano aussi ? Ou écris-tu les lignes à la guitare et tu transposes ensuite ?

Je joue du piano depuis je j’ai douze ans à peu près, mais je ne suis pas comme Michael, mais je peux trouver comme ça des idées basiques, il écoute et il dit « Ouais je vois exactement », puis il se l’approprie, mais en fait quelque chose de bien… Moi je fais tout mal, eux le font bien (rires).

La plupart des idées viennent de toi, donc comme interagis-tu avec le reste du groupe ?

Généralement ça se passe comme ça : on se réunit, tous ensemble, et on essaye de trouver des idées pour l’album, la direction globale, c’est la première étape. Sur cet album ou « Paradise Lost » c’était du genre : « Voila la direction, musicalement on peut faire quelque chose de cool avec ça, textuellement on peut faire un truc avec ça… ».
Je prends les premiers mois pour trouver des idées de base pour les chansons, mettre ensembles quelques riffs, des structures de base, juste faire des démos avec une boite à rythme, un synthé, tout ce que j’ai sous la main pour exploiter l'idée, faire quelques mixages, différentes démos pour les gars puis en parler. Et quand on commence à enregistrer, on commence à expérimenter aussi, c’est ce qu’on a fait cette année. Habituellement les démos sont assez solides, assez bien réfléchies. Donc quand on se réunit, au moins les idées de base sont présentes : là le riff d’intro, là le couplet, puis le refrain. Ensuite ça donne des « Jason a fait une plage de batterie, ça devrait être un deuxième refrain » ou des trucs comme ça, donc ok, faisons un deuxième refrain. Donc pendant qu’on enregistre, on écrit encore, on essaye de nouvelles idées. Les démos sont de bonnes bases et là tout le monde s’y met et construit autour d’elles jusqu'à ce qu'on ait fini.

Russell Allen a participé ces dernière année à la trilogie « Allen-Lande » ainsi qu’aux Avantasia. As-tu déjà pensé à un autre projet ? Ou Symphony X reste ton occupation première ?

Et bien… L’écriture c’est beaucoup de travail pour moi, j’ai pas beaucoup de temps libre… Je fais quelques trucs à côté, on va m'inviter à faire un solo ou autre chose... et c’est cool. Mais… voilà, beaucoup de temps est passé à écrire, tourner et ce genre de truc donc…non.

On arrive à la fin de cet interview, donc, merci beaucoup de m’avoir consacré un peu de temps. Je te laisse les derniers mots si tu veux dire quelque chose.

Merci beaucoup et merci aux fans. Comme on disait, les critiques ont été bonnes ainsi que les fans qui ont accroché. Il y en a toujours quelques un qui disent « Ouais c’est peut être trop différent » ou ce genre de truc, mais avec le temps, comme tout, ça finit par plaire. Chaque album est différent, faire la même chose encore et encore c’est lassant.


 
Critique : SBM
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