Interview

KRAGENS (2005) - Renaud Espeche

Ce nouvel album marque le pas il est beaucoup plus sombre et puissant mais aussi beaucoup plus mélodique. Comment avez vous fait pour faire cohabiter ces deux univers différents ?

Il n'y a pas de méthodologie pour arriver à ce résultat, c'est juste notre feeling qui nous guide au moment ou on écrit les morceaux. Il est vrai que c'était une période ou on écoutait beaucoup de métal extrême, et en même temps des groupes mélodiques voire prog comme Symphony X ou Beyond Twilight. Tu vois le lien qui pourrait exister entre Arch Enemy et Stratovarius...? Hé ben c'est nos différentes amours metalliques qui créent une consanguinité musicale totalement assumée ! Le côté sombre, c'est plutôt Cédric, qui adore les ambiances morbides...Bref, effectivement la personnalité de Kragens s'appuie sur la mélodie et la brutalité.

Tu t’es vachement développé au niveau du chant extrême, comment as tu travaillé pour en arriver là ?

Petit à petit, depuis « Dying », j'ai bossé de nouveaux placements éraillés pour avoir une palette large, me permettant de satisfaire les volontés tyranniques de nos deux guitaristes ! Il n'est pas trop difficile pour qui sait écouter son corps de dévier sur des voix plus Black ou Death. Il n'empêche que j'ai des limites, je préfère donc collaborer avec des pros comme Julien Truchan de Benighted pour que les voix sonnent comme il se doit.

La production est réellement monstrueuse elle reflète bien la puissance du groupe, vous devez en être fiers non ?

Oui, on est surtout heureux de ne s’être pas planté en choisissant Tue Madsen pour le mix. Tue a un passé prestigieux, de The Haunted à Mnemic, c’est un précurseur du métal moderne. Ce n’est pas par snobisme qu’on est parti chez lui au Danemark, il était vital pour les morceaux de Seeds Of Pain de pouvoir s’épanouir grâce à une production ad hoc. Et c’est réellement un choc pour le groupe d’écouter sa propre musique à un tel niveau, c’est vraiment un cadeau après de si longs mois de travail.

Qu’attendez vous vraiment avec ce nouvel opus ?

En premier, en relation avec ta dernière question, je dirai la satisfaction du travail bien fait. Ensuite, la reconnaissance des pros et du public. Il faut savoir que cet album nous fait jouer en Allemagne ou en Italie, c’est vraiment un travail au niveau européen, pas « français ».

Les textes me paressent encore plus sombres plus personnels ; ai je visé juste ?

Tu as un bon sens de l’analyse ! Cédric et Ludwig les deux guitaristes compositeurs ne m’ont pas laissé le choix, l’ambiance suicidaire de certains titres ne me poussait pas vers le « Happy Metal »…J’ai exploré la noirceur et sa cruauté de l’esprit humain, en me basant sur le thème des relations entre l’oppresseur et de la victime. La base de mon inspiration pour beaucoup de titres est le terrorisme : « Seeds Of Pain », « Danger Of Death », « Darkness », « I Choose To Die », « Over The Deadline »… » The Last » est un texte sur les sentiments que peut avoir le dernier représentant d’une espèce sur terre. « Reconquista » porte sur la bataille contre la sous culture et donne dans le prosélytisme « Metal ». Enfin « Sonderkommandos Defy » parle bien sur des internés dans les camps de la mort que les SS obligeaient à travailler dans les chambres à gaz. Bref, pas grand-chose pour rire, mais que des sujets qui me touchent.

J’ai l’impression que vous avez beaucoup travaillé sur les refrains pour les rendre accessibles et faciles à retenir ?

C’est une constante pour moi de créer des gimmicks sur les refrains, c’est ma manière « Old School » de composer. Je ne crois pas avoir fais plus d’effort sur cet album, qui recèle des mélodies que j’adore, comme les refrains de « The Last » ou « Darkness ».

Choose to die est le titre qui montre le plus les extrêmes du groupe entre passage résolument power trash, d’autres bien death mélodique mais surtout une ambiance très power ballade qui surprend et prend aux tripes ?

C’est la surprise de l’album, Ludwig avait ce titre en magasin, on en a terminé la composition en 2 heures un soir, avec une guitare sèche. Je me suis dit pour la part ballade : il faut restituer cette ambiance feu de camp émotionnelle, et je crois qu’on a réussi. C’est pour ça que je tenais à enregistrer les couplets en une prise, et bien fatigué après une journée de session, à 11 heures du soir. C’est un des meilleurs morceaux composés par Ludwig, qui nous gratifie d’un solo magnifique.

Vous n’avez pas eu trop peur de dérouter les fans du premier album en leur proposant un album aussi brutal ?

A vrai dire oui, mais on a pris le risque. Il fallait résolument que notre inspiration, notre feeling ne soient pas cadrés par des considérations extérieures, du marketing…Finalement, côté business ça nous a réussi. Chris Boltendahl, le chanteur de Grave Digger qui officie en tant que Directeur Artistique de Locomotive Music en Allemagne nous a tous de suite fait une proposition qu’on ne pouvait pas refuser. Cette signature a été suivie d’une autre, au Japon sur Gencross (Wasp, Kayser, Circle To Circle…). Notre label français, Thundering Records est toujours aussi motivé derrière nous, bref le Kragens 2005 à l’air de plaire ! Désolé pour les fans qui apprécieront moins, c’est une question de goût qui ne se discute pas.

Avez vous des propositions de tournée pour ce nouveau bébé ?

Oui, la dernière proposition avec God Dethroned en Headliner a été malheureusement annulée. Mais on est sur le coup de la tournée européenne d’Hypocrisy en Avril.

J’ai pu remarqué que sur scène vous étiez encore plus soudés, qu’il existe une réelle unité, une osmose même, comme si vous tourniez depuis 30 ans ?

C’est vrai que notre objectif sur scène est de restituer l’impact de notre musique, qui nécessite une implication physique élevée. Il nous faut donner l’image d’un commando qui attaque. Chacun a ça en tête, ça donne une homogénéité certaine. A part ça, Denis (Basse) et moi on joue ensemble depuis 1981…

Le fait d’avoir autant d’expérience dans le monde de la musique te fait il anticiper certaines propositions concernant le groupe, les tournées, les obligations ?

C’est certes un plus. C’est toujours un atout de savoir maîtriser un maximum le business, surtout en Anglais. On perd moins de temps aussi, par rapport à des débutants, c’est sur qu’on connaît beaucoup de monde impliqué dans le business métal à haut niveau, forcément ça aide !

Les solos du père Ludwig sont époustouflant, il apporte un côté lyrique parfois hyper jazzy dans votre musique, la rendant encore plus unique. Qu’en penses tu, et n’as tu pas peur de perdre ce côté là avec son départ ?

Quand un membre de l’équipe n’est plus là, tu perds naturellement ses qualités, mais aussi ses défauts. Un musicien c’est à la fois des doigts qui jouent juste mais aussi une tête bien faite et bien remplie. Ce cocktail parfait est difficile à dénicher ! Le troisième album sonnera sûrement plus direct et plus brutal, la virtuosité ne sera plus pour Kragens un élément aussi important. En tous cas, même si manifestement ce côté « Jazzy » te plait, nous nous le regretteront pas…Gilles Giachino (Medusa, Trunk) remplace Ludwig maintenant, le virage est amorcé vers un métal martial très direct.

Peux tu nous expliquer les raisons du départ de Ludwig ?

Ce n’est pas un départ, d’un commun accord nous avons voulu cesser notre collaboration. Je ne rentre pas dans les détails, je pense que ma réponse plus haut est assez claire !

Bon maintenant ton dernier mot pour conclure ?

J’espère que la France sera aussi réceptive à notre musique que l’ont été l’Allemagne, l’Espagne ou l’Italie, pays ou on a décroché des samplers, interviews et chroniques sur des médias très importants. Et bien sur nous attendons la réaction du public en France, que les ventes soient bonnes, pour nous permettre de continuer. Merci pour ton soutien sincère de vrai fan de metal. A bientôt sur scène !!!!!!!!!!
 
Critique : Guillaume
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