Interview

CRESCENT (2021) - Ismaeel Attalah (Chant / Guitare)

Trois ans après le superbe « The Order Of Amenti », les Egyptiens de Crescent et leur blackened death nous reviennent avec un nouvel album. « Carving the Fires of Akhet » est tout aussi bon que son prédécesseur et devrait voir le groupe exploser au niveau international. Rencontre avec Ismaeel Attalah, leader et chanteur-guitariste du groupe.

« Comment avez-vous pensé cet album par rapport au précédent ? »


« L’idée directrice était de ne se mettre aucune limite. »

« Avec cet album vous revenez à vos sources black. »

« Tout à fait. Ce n’est pas dû au hasard. C’est ce que nous voulions. »

« Crescent c’était toi et Amr depuis vos débuts en 1998. Amr est parti l’an dernier. J’imagine que cela a été difficile pour toi. Est-ce que cela a changé quelque chose dans la conception du disque ? »

« Non. C’est triste que Amr soit parti. Il y a eu des changements dans sa vie personnelle et dans son travail qui faisaient qu’il n’avait plus assez de temps pour le groupe. Mais même s’il n’est plus là c’est comme s’il faisait encore partie de Crescent. Il est comme une ombre au-dessus de nous. Nous avons trouvé Julian, un super batteur allemand. Julian n’avait pas entendu les démos de l’album. Il a fait du super travail. J’ai été subjugué par sa façon de jouer. Je lui ai dit que s’il voulait changer des choses il pouvait le faire mais à part un ou deux trucs il est resté fidèle à ce qui avait été écrit. Il a été fabuleux. »

« Le disque précédent avait été enregistré en France. J’imagine qu’à cause de l’épidémie de Covid celui-ci a été enregistré chez vous, au Caire ? »

« Exactement. Les guitares et les voix ont été faites au Caire. Le reste en Europe. »

« The Order of Amenti » l’album précédent était très sombre. Ce nouveau disque l’est tout autant mais différemment. »

« Tu as raison. La production des deux albums est différente. Victor Bullock qui a produit ce disque a fait un travail de fou. Il a apporté un super son aux guitares et à la batterie. Il aime le son organique. C’est peut-être cela qui change le plus, un son plus organique que par le passé. »

« La pochette de l’album représente une image célèbre de la mythologie égyptienne. Que représente-t-elle exactement ? »

« L’idée vient de Youssef le guitariste. Cette pochette est inspirée de l’une des plus anciennes reliques égyptiennes. Elle était et reste très importante historiquement. Elle représente le roi et une cohorte de sujets. L’album parle de la relation entre les humains et le roi. On a voulu recréer cette œuvre d’art dans un style baroque. Khaos Diktator l’a fait de la plus belle manière qui soit. »

« J’imagine que tous les égyptiens connaissent cette image ? »

« Tous ceux qui s’intéressent à la mythologie égyptienne la connaissent. Nombreux ont été les gens qui ont aimé l’aspect réaliste que nous avons donné à cette image. »

« Tous les morceaux de l’album s’articulent autour de cette image ? »

« C’est exactement cela. Tous les morceaux du disque parlent d’Histoire mais aussi de religion, de politique. Nous parlons du fait que les choses, souvent, tournent mal à cause des hommes. »

« Il y a comme toujours dans votre musique des éléments de musique égyptienne. »

« Je ne ferai jamais de compromis à ce niveau-là. C’est ce que nous sommes. C’est notre ADN. Cela vient naturellement. Cela fait plus de vingt ans que je suis dans le metal extrême mais la musique traditionnelle égyptienne est également très importante pour moi. »

« Je sais que tu n’aimes pas le metal oriental, le fait d’amener un côté exotique au metal. »

« C’est vrai. On ne veut pas un son « dansant ». Il y a par exemple des groupes de metal oriental qui mettent des danseurs sur scène. Nous ne ferons jamais cela. Nous voulons quelque chose d’authentique. Tout le monde est libre de faire ce qu’il veut mais je n’aime pas ce côté exotique dans la musique. »

« Les morceaux de l’album sont longs. »

« Un morceau c’est comme une peinture. Lorsque tu finis une peinture tu n’as pas besoin d’amener de nouveaux éléments. Cela arrive naturellement. Il n’y a donc rien de prémédité sur la longueur d’un morceau. Si un titre est long c’est parce que sa structure veut cela. »

« Les vocaux font très black. »

« Cela est arrivé durant l’écriture. J’ai senti que telle ou telle partie devait amener des vocaux black. C’est aussi le reflet d’une humeur particulière. C’est pareil pour la guitare ou la batterie par rapport aux blastbeats. »

« La vidéo de « As nu Enshrines Death » est superbe

« Moanis Salem qui l’a réalisé est graphiste. Il a fait un super boulot. »

« L’album vient tout juste de sortir et vous avez reçu partout dans le monde de supers critiques. J’ai l’impression que cet album est celui qui va permettre à Crescent d’atteindre un nouveau palier. »

« Je l’espère. Avec le Covid on flippait un peu de la façon dont la promo se ferait. Notre label Listenable a super bien bossé. »

« Il y a dans le disque des covers de Dissection et Bolt Thrower. »

« Ce sont des bonus-tracks que tu trouveras dans la version digipack. Elles ne seront pas sur la version vinyle car nous voulons conserver la meilleure qualité musicale pour celui-ci. Si nous les avions mises cela aurait fait une durée trop longue pour un vinyle et comme on le sait une durée trop longue d’un vinyle impacte la qualité du son. »

« Ce sont deux groupes très importants pour toi depuis les tous débuts de Crescent. »

« Très importants, c’est vrai. Crescent était un groupe de covers de Dissection lorsque nous avons débuté. Ce groupe a eu un super impact sur moi. Ce morceau parle de Dieu donc collait parfaitement avec la thématique du disque. Quant à « For Victory » de Bolt Thrower on a choisi ce titre car sortir cet album ressemble à une petite victoire. »

« Ce disque est encore une fois chez Listenable. Vous semblez très bien chez eux. »

« Absolument. On se fait confiance avec ce label. On grandit avec eux. Crescent et Listenable c’est comme une équipe qui fonctionne bien. »

« Tu m’avais dit il y a deux ans au Caire que l’on apprend beaucoup grâce à la mythologie. N’as-tu pas l’impression que cette crise du Covid montre que nous n’apprenons rien du passé ? »

« Je suis totalement d’accord avec toi. Nous devons apprendre du passé et nous ne le faisons malheureusement pas. C’est dramatique de voir que l’Histoire se répète éternellement. La planète se venge de la façon dont nous, humains, la traitons. »

« En tant que citoyen égyptien comment as-tu vécu la pandémie ? »

« Cela a été difficile mais j’ai un boulot et je n’ai eu aucun problème avec mon travail. Je bossais de chez moi. Le Covid a permis, je l’espère, aux gens de réfléchir. Cela a été une solitude positive pour moi ces mois-là. Bien sûr je ne pouvais pas voyager mais j’avais du temps pour réfléchir, penser. Il y a eu beaucoup de morts du Covid en Egypte. »

« Vous avez le projet de tourner bientôt ? »

« J’espère que cela va être possible. L’Egypte est sur la liste des pays avec restriction dans le monde. Nous espérons jouer dans les festivals européens l’an prochain. On est très heureux de cet album et on veut vraiment le défendre sur scène. »

« Et à part les tournées d’autres projets à venir ? »

« Oui. Il y a l’idée de réenregistrer le premier album « Pyramid Slaves » car il était sorti en auto-production. On aimerait le refaire avec une plus grosse production. »
 
Critique : Pierre Arnaud
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