Chronique

SOLEFALD - WORLD METAL - KOSMOPOLIS SUD / Indie recordings 2015

Conclusion :
Vous n'êtes pas prêt. En fait, personne ne peut se déclarer suffisamment aguerri pour encaisser du premier coup cette production. Cornelius et Lazare, plus dandy que blackmetaleux, ont écrit une pièce qui pousse l'avant-garde à un niveau supérieur, et mélangent les influences les plus improbables pour donner à leur musique un cachet unique.

Du black-metal avant-garde, il reste toujours cette volonté de théâtraliser la musique, mais le métal n'est plus le seul élément du tableau. Les norvégiens ouvrent ainsi la voie du world metal. La première écoute est difficile, mais Kosmopolis est un plat gastronomique à apprécier comme œuvre d'art.

Point paradoxal, la touche extrême étant moins prononcée, il est possible que vous finissiez par penser que cet album est probablement un des plus accessibles de la branche progressive et extrême. En fait, c'est même certains !

Tracklisting

I. World Music with Black Edges
(Kosmopolis Sud)
II. The Germanic Entity
(Kosmopolis Nord)
III. Bububu Bad Beuys
IV. Future Universal Histories
(Umgangskrigen)
V. Le Soleil
VI. 2011, or a Knight of the Fail
(Toteninsel)
VII. String the Bow of Sorrow
(Solefald, 15.9.1995)
VIII. Oslo Melancholy
(Den Norske Sumaren)


Critique : Weska
Note personnelle : 10/10


Comment en est-on arrivé là au juste?

Fantaisiste, excentrique, décalé voir même abstrait, cet album de Solefald est hors normes. Cela méritait donc de bousculer un peu l'ordre des choses et de vous dire où on va avant de sombrer dans l'analyse.

Le concept world metal
Solefald a longtemps produit plusieurs formes de black metal, coincé entre avant-gardisme, mélodique et symphonique avec l'attachement que l'on connaît aux scandinaves pour les viking et folk en général. Mais avec Kosmopolis, le duo explose les frontières géographiques et musicales.

Incarnation suprême de ce melting pot, le premier titre mets les oreilles à l'épreuve avec des enchainements de percussions tribales très afro et de mélodies rock progressives des 70's. Au fur et à mesure, on voit se dessiner du metal folk et industriel puis des lignes des lignes de Drum'n Bass, enfin encore un synthé électro qui joue également de la boîte à rythme.

L'art est le fanatisme qui oblige à la diplomatie

Tout ses mélanges titillent les oreilles, et c'est en aucun cas arrangé par le chant clair aigue doublé qui sonne très quitch à côté du grunt qui est à la limite du hip hop. Et pourtant, malgré le tournis dans lequel on est pris, l'ensemble est magnifique, parfaitement cohérent et minutieusement bien produit. Il y a des mélodies, du rythme, de l'énergie et un grand sens de la mise en scène théâtrale avec des doupes paroles anglais / norvégien.

Cela reste tout de même de la musique extrême et une oreille avertie reconnaîtra en toile de fond l'esprit du black metal haut de gamme. Et dès que cette touche est plus prononcée comme à la troisième minute de "The Germanic Entity", le duo nous balance une mélodie de boîte à musique et une dubstep tonitruante. Voilà qui rend fou !

Très sérieux ou Très décalé, mais toujours génial!
En apparence, les ambiances de Solefald sont soit sérieuses, black avant-garde, soit absolument déjantées. C'est ainsi qu'en restant théâtral, le groupe propose "Le soleil", une transe poétique récitée à la fois en norvégien et en français qui est totalement ridicule à la première écoute. Pourtant comme une chatouille, c'est agréable et on y revient. Versant débile avec "Bububu Bad Beuys" qui propose un riff black métal cinglant dans un décor électro absurde intégralement chanté en onomatopée, ou presque. Encore une fois, cela fait mouche !

A l'opposé, "String the Bow of Sorrow" en fin l'album pose une ambiance Kosmopolis Nord. Le black metal symphonique est épique, mais assez direct, sous un visage particulièrement dramatique avec des chants qui rappellent vraiment ICS Vortex (Arcuturus). Une franche réussite.

Lire entre les lignes
Le trauma norvégien

L'album se conclut sur des sonorités maussades, ce qui le doigt sur deux évènements qui ont marqué le groupe. String the bow of Sorrow fait référence au décès de la mère d'un des deux membres. Et dans les paroles c'est cet évènement qui a rendu encore plus insupportable la tuerie d'Anders Brevic qui a secoué la Norvège en 2011. Cet attentat au nom de l'anti-multiculturalisme et de l'anti-socialisme avait causé la mort de 77 jeunes militants. Le 11 septembre norvégien.

Hey Andrew Lacoste I say welcome to Hell
Playing killer games in your solitary cell
Mr. Coward what went wrong with your head
A murderer of children, and still you aren't dead


C'est donc le titre "2011, or a Knight of the fail" qui le précède et sur lequel Solefald pose des paroles acerbes. Le duo s'attaque aussi aux événements qui ont suivi comme la stigmatisation de la communauté musulmane ou encore l'instrumentalisation politique et médiatique qui ramène à un élément clé de la culture universelle du métal : la lutte contre la manipulation des masses et la liberté de penser différemment. Si cet album avait été composé en 2015, il se serait certainement appelé :

JE SUIS KOSMOPOLIS et je suis indépendant

Le message est clair, la Norvège n'est pas un pays de nazi. Dès le premier titre, le groupe cri haut et fort qu'on descend des émigrants africains, tant que niveau musical que dans le texte, et cela même avant de parler de l'identité germanique. L'extrémiste et son instrumentalisation ça nous emmerde. Alors laissez-nous continuer d'écouter Burzum et de faire du black métal.

Laver l'honneur de la Norvège et celui du métal m'apparaît comme le thème caché de World Metal et Kosmopolis. Je suis heureux de voir qu'en tant de crise, un groupe de black metal sait mettre de côté le 666 et le blabla sur le folklore païen pour rappeler que le métal est une musique contestataire, pacifique et humaniste. Cela ne peut que forcer mon adhésion. Messieurs, chapeau bas !

A découvrir : l'EP Kosmopolis Nord, musique froide et atmosphérique, mais sans métal !
 
Critique : Weska
Note : 9.5/10
Site du groupe : Page facebook du groupe
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