Chronique

AETHER REALM - REDNECK VIKING FROM HELL / Napalm Records 2020

Le troisième album du groupe américain de melodic death metal Aether Realm, « Redneck Vikings from Hell », qui sera dans les bacs le 1er mai chez Napalm Records, est composé de 11 titres, tous assez différents les uns des autres. Le premier titre éponyme démarre sans perdre de temps, on entre direct dans le vif du sujet, avec un mélange de folk nordique, de banjos aux sonorités du Bayou et de guitares ultra rapides : déjà beaucoup d’informations dès les premières secondes ! On a là un mix féroce et facétieux d’influences texanes et vikings – pour un groupe se présentant sur sa page Facebook par « WE ARE NOT FROM FINLAND », cette fois-ci le ton est donné : les pays et musiques nordiques font partie des influences des musiciens mais ils revendiquent leur origine américaine. « Goodbye » est le premier single déjà issu de cet album, accompagné d’un clip. Il s’agit d’un hymne énergique assez facile d’accès, aux riffs et refrains mémorisables, plus FM que d’autres titres. Ce n’est pas forcément le morceau le plus représentatif de l’album, mais peut-être celui qui peut attirer de nouveaux auditeurs, un public différent de celui des deux premiers albums un peu plus conceptuels. Les passages instrumentaux mélodiques remarquables sont un peu moins mainstream vers la fin du titre, mais je reste tout de même un peu perplexe. Le troisième titre, « Lean into the Wind », me parle davantage, avec un très beau début au violon immédiatement suivi d’une voix tonitruante, le combo melodic death, hurlements et blasts de batterie est très efficace, la voix black additionnée de paroles parlées en fond et les répétitions instrumentales donnent une impression de martèlement, de tourbillon. Le son se distord avant un refrain en chœur lent et passant dans les tons mineurs, et le titre s’achève sur un air de piano accompagné du bruit du vent : ce morceau est plus sophistiqué et élaboré dans sa composition que le précédent, et sa richesse et sa complexité font plaisir à entendre. Le quatrième titre, « Hunger », propose encore une nouvelle ambiance, avec ses allures d’hymne puissant, rapide, aux paroles épiques, capable de parler aux fans d’Amon Amarth ou de Sabaton. Les petites mélodies électro derrière donnent une tonalité joyeuse et une ambiance fantasy au titre, qui est un peu trop folk festif pour moi, mais ça tient bien la route, surtout quand vers les deux tiers du titre arrive un excellent solo de guitare. La virtuosité du guitariste vire d’ailleurs un peu à la démonstration sur la fin au détriment de l’émotion mais cela reste très bien exécuté.

Le cinquième titre, « Guardian », est la ballade émotive de l’album. Voix tristounette et un peu monocorde, début assez plat, paroles un peu bateau (ou drakkar, palam pam psh), une rengaine comme quoi le narrateur sera toujours là pour son ami, sera son gardien et son refuge, rien de bien inédit à vrai dire… Un titre répétitif et cliché dont je ne suis pas mécontente de voir la fin arriver. Heureusement que le suivant, « One Hollow Word », me sort de cette torpeur molle, puisque le quart d’heure américain neurasthénique laisse place à une alternance de voix de tête et de chœurs plus graves, sur un tempo effréné, soudain interrompu par une plage musicale faite de harpe vers deux minutes, qui est un interlude féerique, aussitôt suivie par une montée en puissance instrumentale s’achevant en explosion avec le retour du chant. J’apprécie l’alternance entre les hurlements death prenants et les moments plus reposants consacrés aux instruments traditionnels tels que la guitare classique et la flûte. Le titre suivant, « She’s back », démarre de façon très rapide, du death thrash avec une instru épique en fond. C’est la chanson la plus rapide et courte de l’album, assez dansante malgré tout, avec quelques effets cosmico-magiques grâce à la guitare électrique, et un emploi particulièrement ludique des instruments pour créer des ambiances et raconter des histoires. La huitième chanson de « Redneck Vikings from Hell » est « Slave to the Riff », et il s’agit du deuxième single issu de l’album, tout juste sorti. Dès les premières secondes il nous envoie sa brutalité symphonique dans la face, pas de temps à perdre avec une intro ! Des passages power sympho sont immédiatement suivis d’un solo de guitare sèche flamenco, avant un retour à une déferlante voix, guitare, basse et batterie, repris par des chantonnements beaucoup plus calmes. Viennent ensuite la guitare et la basse très techniques agrémentés de sons gutturaux proches d’une voix metalcore, avant une outro en diminution du son jusqu’à l’extinction : un titre schizophrène mais curieusement homogène quand même, grâce à l’art de la construction d’Aether Realm !

Le début du titre suivant, « Cycle », est plutôt prog / post-rock, avec son chant très calme : en écoutant Aether Realm j’ai souvent l’impression d’écouter trois ou quatre groupes différents, ou alors qu’ils sont neuf et non quatre dans le groupe ! Vers la moitié du titre l’ambiance change radicalement et le ton devient plus diabolique, avant une fusion progressive avec l’effet de tranquillité du début. Ce morceau parvient à être tantôt black / death, tantôt prog / minimal, sans rupture, avec un vrai art de la continuité et de la variation, et en cela est franchement intéressant et agréable. L’avant-dernier titre, « TMHC », propose un début instrumental très expressif, puis un chant black au débit impressionnant et à l’articulation bondissante, ponctués d’airs folks épiques, partant en instrumentaux célestes qui promettent des moments exceptionnels en concert – un jour… Le morceau est rapide, inventif, l’accord entre les instruments, la voix principale et les chœurs est très réussi, avec un mélange quasiment indéfinissable de folk viking, de néo-metal, de black, de prog et de death : l’impression obtenue diffère d’une minute à l’autre avec ce groupe, qui doit être la terreur des playlists de blind tests ! Cette chanson s’arrête de façon abrupte et nous laisse pantelants, donne envie d’en écouter encore… Sauf que le « encore » n’a absolument rien à voir, avec le dernier titre qui arrive, « Craft and the Creator », qui débute avec de la guitare sèche espagnole mélancolique, jouée en tapping, et qui donne l’impression d’être au coin d’un feu, et ce pendant les deux premières minutes sur les onze de cette pièce finale. La guitare électrique, accompagnée de basse et de batterie, vient ensuite rejoindre la guitare folk en alternance, dans une sorte de dialogue entre deux versions et visions d’un instrument. Un peu avant 6 minutes un passage orchestral fait prendre un virage fantasy grâce au clavier, avant de devenir totalement épique avec le retour de la guitare. Ce morceau est une fresque et je dois dire que j’adorerais en voir un clip, afin de savoir à quoi le groupe l’associe comme images et univers, plutôt que d’y projeter seulement mes propres idées. Ce titre final est très ambitieux, qui crée un drôle de contraste avec certains titres plus accessibles et calibrés radio ou YouTube : y a-t-il dans ce troisième album une volonté de brasser plus large, de vouloir plaire à tout le monde ?

Même si ma réception de cet opus a été plus mitigée et circonspecte par moments que celle totalement convaincue par « Tarot » de 2017, il vaut vraiment la peine de se pencher dessus, avec une priorité pour les morceaux les plus élaborés et caractéristiques du style death mélodique inspiré et technique teinté de folk et de prog, aux influences multiples, d’Aether Realm. Impossible de ne pas trouver de la richesse dans ces compositions !
 
Critique : Elise Diederich
Note : 7.5/10
Site du groupe : Page Facebook du groupe
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