Chronique
FREAK INJECTION - DADDY IS THE DEVIL / Dark Tunes 2020
Habituellement la première écoute d’un album implique de se frotter à des chansons inconnues, cette fois avec Daddy is the Devil de l’excentrique groupe français Freak Injection, sorti ce 24 avril chez darkTunes, ce n’est pas une dizaine de titres que je m’apprête à découvrir, mais les versions studio de pas mal de morceaux qui m’ont déjà énormément plu sur scène. Eh oui, même si le groupe est jeune et nous révèle ici son tout premier album, j’ai déjà pu voir le quatuor (et leurs inséparables mascottes) quatre fois en concert en à peine plus d’un an. Comme je sais déjà à quel point l’univers rock / électro indus déjanté et chatoyant de Charlie, Fernand, Kevin et Hector est fabuleux sur scène, la question que je me pose est la suivante : que donne l’écoute de la musique de Freak Injection « toute nue », sans les paillettes, les boas en plumes, les masques de loups SM et les peluches licornes dans le champ de vision ? C’est parti pour un voyage en douze étapes dans ce complexe d’Œdipe diabolique en rose et noir.
Une intro intrigante, bourdonnante et urbaine nous met en condition pour Freaky Doll : s’il m’est d’abord étrange d’entendre la voix de Charlie un peu lissée, un peu moins brute qu’en concert, le temps de replacer un peu tous les instruments et de m’habituer à l’ensemble et je me mets à apprécier davantage le son. Le titre est impertinent, électro-pop à la Dead Sexy, avec un ton légèrement provoc’, vers le milieu les cris répétés puis les effets électroniques m’évoquent Prodigy, avec cette musique super rapide en fond, tandis que la voix susurrée un peu creepy à la fin du titre me rappelle certaines outros des Tétines Noires. Il ne manquerait plus qu’une petite mélodie de boîte à musique glauque pour instaurer le malaise. Vient ensuite Glitters in Hell (qui pourrait être le sous-titre de tous leurs concerts, pour l’enfer pour nettoyer après leur passage), dont j’adore le début un peu eurodance, avec les jolis chantonnements de Charlie, sur une mélodie que je verrais bien pour un jeu vidéo – une course de karts avec des ratons laveurs et des requins mignons comme passagers –, qui me fait penser à du t.A.T.u. moins dépressif et plus excité. (Je te vois toi, oui toi, le métalleux élitiste, me montrer du doigt en ricanant parce que j’ai écouté des choses si peu trve bl4ck metôl, mais j’ai été ado moi aussi, non mais oh.) Les courts passages où la voix se fait plus douce sont très réussis, le contraste entre la ritournelle envoûtante et les lignes de basse et les riffs de guitare fait que l’effervescence de la chanson ne redescend jamais une fois lancée, et elle reste sacrément bien dans la tête – autant que des paillettes sur votre peau, sur vos fringues, dans vos draps, jusqu’à votre âme. J’apprécie beaucoup l’équilibre entre le chant hyper véner et plus évanescent, on sent que la chanson pourrait partir en vrille d’un instant à l’autre au cœur de cette bipolarité musicale. Crosses est tout aussi entêtant, avec un refrain très efficace, mené par la voix enjouée de Charlie avec un petit ton insolent façon Garbage, pour chanter sa volonté de sacrifier quelqu’un sur une croix (la base). Le titre progresse vers une plage plus calme et aérienne, et la fin du titre nous offre même un pont instrumental doux et onirique, presque recueilli, auquel je ne m’attendais pas du tout.
Mais l’accalmie est de courte durée puisque le cinquième titre, Evil Raccoon Party, démarre à toute vitesse, et met en valeur la voix protéiforme et expressive de Charlie, tantôt lyrique, tantôt énervée, quelque part entre Kate Bush et Nina Hagen. Les instrus énigmatiques ponctuées de chuchotements me font penser aux premiers albums de Deathstars, et sont encadrées par des refrains convaincants dans lesquels il est question de fête pour ratons laveurs diaboliques, pourquoi pas après tout (je vous juste que ça prend toute sa signification sur scène). Début éloquent et torride pour Sex me, un titre qui va faire monter la température, avec ses cris et coups de fouet en fond sonore. La voix est assurée, la guitare et la basse sont voluptueuses, impossible de ne pas avoir envie d’onduler sur cette mélodie. Je pense encore pas
mal à Shirley Manson sur ce genre de chanson sensuelle, cet hybride pop/rock/électro décomplexé, mettant en valeur une chanteuse badass. Je dis oui. Le septième titre, Snakeskin, est à la fois motivant et un peu triste, accrocheur et varié avec ses changements de tempo et de tonalité, passant d’un début électro à un chant langoureux et un peu sombre, qui m’évoque cette fois les influences de Beth Ditto et de Siouxsie. Le titre phare Daddy is the Devil offre un rythme très prononcé, indus/EBM un peu tribal, et part ensuite en petite bombe électro/pop, j’aime beaucoup le mixage qui met en relief certaines sonorités subtiles qui s’entendaient peu sur scène. La tension est toujours présente même dans les passages calmes, et la capacité de Charlie à monter autant dans les aigus sans fausse note (et c’est la même chose en concert) impressionne. Les incantations « Oh Daddy » sur les beats électro produisent un effet délicieusement malsain. Place ensuite à Monster Town, une chanson pleine d’inventivité, avec des passages d’une voix stridente à plus grave, des moments très pop/rock, d’autres électro/dubstep, qui propose un vrai contraste entre la voix habitée de Charlie et certaines sonorités électro synthétiques. Ces freaks peuvent prendre n’importe quels ingrédients musicaux pour en faire un cocktail personnel et détonnant et c’est un plaisir que de laisser complètement balader.
Avec un titre pareil, Nothing without you pourrait-il être la ballade mélo de l’album, le slow romantique incontournable ? Eh bien pas trop, et tant mieux, s’il y a certes plus de délicatesse et moins d’hystérie que dans d’autres titres et quelques vocalises enjôleuses, le refrain reste dynamique, les instruments se détachent bien les uns des autres, du coup je vois d’ici Hector derrière ses fûts, Kevin en train de sauter à pieds joints dans un kigurumi requin ou panda à moitié enlevé, Fernand se tordre à droite et à gauche avec des mimiques de mime possédé, Charlie s’égosiller en dansant… Ensuite Sex Voodoo & Rock’n Roll (une devise plus honnête que « Liberté, Egalité, Fraternité », non ?) repart dans la rapidité, avec une voix parfois dédoublée, un peu de chanté-parlé, et des bruitages renforçant un sentiment d’urgence. Le début sombre, un peu goth et minimaliste, du titre final Muse Maléfique, me fait un peu penser à The Creatures, et surprend avec quelques paroles en français pour un résultat esthétique et sophistiqué, c’est un titre à la fois frénétique et suave qui clôt l’album avec maestria.
Après ces douze pistes je suis enchantée par ce bijou explosif et élégant, par la qualité de la production, par la belle tessiture de Charlie qui joue comme elle veut avec ses cordes vocales, et je suis plus que jamais convaincue que Freak Injection est un groupe à suivre absolument et qui fait preuve de brio aussi bien sur scène qu’en studio, qui est capable de nous livrer un show calibré à l’aide d’un semi-remorque d’accessoires pour divertir un public en transe tout comme de nous ensorceler avec leur seul son ciselé et atypique – bref qui excelle à nous embarquer tête la première dans leur univers délicieusement barré. N’essayez même pas d’échapper à ce tourbillon électrique et sexy à la personnalité multiple, assez inclassable, et au peps imparable !
Une intro intrigante, bourdonnante et urbaine nous met en condition pour Freaky Doll : s’il m’est d’abord étrange d’entendre la voix de Charlie un peu lissée, un peu moins brute qu’en concert, le temps de replacer un peu tous les instruments et de m’habituer à l’ensemble et je me mets à apprécier davantage le son. Le titre est impertinent, électro-pop à la Dead Sexy, avec un ton légèrement provoc’, vers le milieu les cris répétés puis les effets électroniques m’évoquent Prodigy, avec cette musique super rapide en fond, tandis que la voix susurrée un peu creepy à la fin du titre me rappelle certaines outros des Tétines Noires. Il ne manquerait plus qu’une petite mélodie de boîte à musique glauque pour instaurer le malaise. Vient ensuite Glitters in Hell (qui pourrait être le sous-titre de tous leurs concerts, pour l’enfer pour nettoyer après leur passage), dont j’adore le début un peu eurodance, avec les jolis chantonnements de Charlie, sur une mélodie que je verrais bien pour un jeu vidéo – une course de karts avec des ratons laveurs et des requins mignons comme passagers –, qui me fait penser à du t.A.T.u. moins dépressif et plus excité. (Je te vois toi, oui toi, le métalleux élitiste, me montrer du doigt en ricanant parce que j’ai écouté des choses si peu trve bl4ck metôl, mais j’ai été ado moi aussi, non mais oh.) Les courts passages où la voix se fait plus douce sont très réussis, le contraste entre la ritournelle envoûtante et les lignes de basse et les riffs de guitare fait que l’effervescence de la chanson ne redescend jamais une fois lancée, et elle reste sacrément bien dans la tête – autant que des paillettes sur votre peau, sur vos fringues, dans vos draps, jusqu’à votre âme. J’apprécie beaucoup l’équilibre entre le chant hyper véner et plus évanescent, on sent que la chanson pourrait partir en vrille d’un instant à l’autre au cœur de cette bipolarité musicale. Crosses est tout aussi entêtant, avec un refrain très efficace, mené par la voix enjouée de Charlie avec un petit ton insolent façon Garbage, pour chanter sa volonté de sacrifier quelqu’un sur une croix (la base). Le titre progresse vers une plage plus calme et aérienne, et la fin du titre nous offre même un pont instrumental doux et onirique, presque recueilli, auquel je ne m’attendais pas du tout.
Mais l’accalmie est de courte durée puisque le cinquième titre, Evil Raccoon Party, démarre à toute vitesse, et met en valeur la voix protéiforme et expressive de Charlie, tantôt lyrique, tantôt énervée, quelque part entre Kate Bush et Nina Hagen. Les instrus énigmatiques ponctuées de chuchotements me font penser aux premiers albums de Deathstars, et sont encadrées par des refrains convaincants dans lesquels il est question de fête pour ratons laveurs diaboliques, pourquoi pas après tout (je vous juste que ça prend toute sa signification sur scène). Début éloquent et torride pour Sex me, un titre qui va faire monter la température, avec ses cris et coups de fouet en fond sonore. La voix est assurée, la guitare et la basse sont voluptueuses, impossible de ne pas avoir envie d’onduler sur cette mélodie. Je pense encore pas
mal à Shirley Manson sur ce genre de chanson sensuelle, cet hybride pop/rock/électro décomplexé, mettant en valeur une chanteuse badass. Je dis oui. Le septième titre, Snakeskin, est à la fois motivant et un peu triste, accrocheur et varié avec ses changements de tempo et de tonalité, passant d’un début électro à un chant langoureux et un peu sombre, qui m’évoque cette fois les influences de Beth Ditto et de Siouxsie. Le titre phare Daddy is the Devil offre un rythme très prononcé, indus/EBM un peu tribal, et part ensuite en petite bombe électro/pop, j’aime beaucoup le mixage qui met en relief certaines sonorités subtiles qui s’entendaient peu sur scène. La tension est toujours présente même dans les passages calmes, et la capacité de Charlie à monter autant dans les aigus sans fausse note (et c’est la même chose en concert) impressionne. Les incantations « Oh Daddy » sur les beats électro produisent un effet délicieusement malsain. Place ensuite à Monster Town, une chanson pleine d’inventivité, avec des passages d’une voix stridente à plus grave, des moments très pop/rock, d’autres électro/dubstep, qui propose un vrai contraste entre la voix habitée de Charlie et certaines sonorités électro synthétiques. Ces freaks peuvent prendre n’importe quels ingrédients musicaux pour en faire un cocktail personnel et détonnant et c’est un plaisir que de laisser complètement balader.
Avec un titre pareil, Nothing without you pourrait-il être la ballade mélo de l’album, le slow romantique incontournable ? Eh bien pas trop, et tant mieux, s’il y a certes plus de délicatesse et moins d’hystérie que dans d’autres titres et quelques vocalises enjôleuses, le refrain reste dynamique, les instruments se détachent bien les uns des autres, du coup je vois d’ici Hector derrière ses fûts, Kevin en train de sauter à pieds joints dans un kigurumi requin ou panda à moitié enlevé, Fernand se tordre à droite et à gauche avec des mimiques de mime possédé, Charlie s’égosiller en dansant… Ensuite Sex Voodoo & Rock’n Roll (une devise plus honnête que « Liberté, Egalité, Fraternité », non ?) repart dans la rapidité, avec une voix parfois dédoublée, un peu de chanté-parlé, et des bruitages renforçant un sentiment d’urgence. Le début sombre, un peu goth et minimaliste, du titre final Muse Maléfique, me fait un peu penser à The Creatures, et surprend avec quelques paroles en français pour un résultat esthétique et sophistiqué, c’est un titre à la fois frénétique et suave qui clôt l’album avec maestria.
Après ces douze pistes je suis enchantée par ce bijou explosif et élégant, par la qualité de la production, par la belle tessiture de Charlie qui joue comme elle veut avec ses cordes vocales, et je suis plus que jamais convaincue que Freak Injection est un groupe à suivre absolument et qui fait preuve de brio aussi bien sur scène qu’en studio, qui est capable de nous livrer un show calibré à l’aide d’un semi-remorque d’accessoires pour divertir un public en transe tout comme de nous ensorceler avec leur seul son ciselé et atypique – bref qui excelle à nous embarquer tête la première dans leur univers délicieusement barré. N’essayez même pas d’échapper à ce tourbillon électrique et sexy à la personnalité multiple, assez inclassable, et au peps imparable !
Critique : Elise Diederich
Note : 9/10
Site du groupe : Page Facebook du groupe
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