Chronique

SLIPKNOT - THE END, SO FAR / Roadrunner Records 2022

Par quel bout prendre ce 7ème album studio du groupe qui, à une époque, était « juste un groupe de métal conceptuel natif de l’Iowa » ? Peut-être par là justement, par ce rêve complètement dingue de Shawn Crahan et d’une bande de types de Des Moines cherchant à faire les choses à leur façon, pour faire de l’art qui fédère et dérange. Le truc le plus fou et rassurant étant que ça a marché, démontrant que chercher à surprendre et choquer est encore quelque chose qui rassemble, constat somme toute plus rassurant que la lobotomie pop que des types en costard -qui pourtant n’écoutent pas de soupe eux même- cherchent à vendre « comme du savon à barbe » pour reprendre un terme de Léo Ferré.

7 albums plus tard, le groupe a changé, la nouvelle section rythmique est totalement adoubée (le Britannique Alessandro Venturella et le batteur natif du New Jersey Mark Weinberg signent leur troisième contribution sur album) et on a vu aussi Chris Fehn disparaître aux percussions pour être remplacé par Michael Pfaff, qui, pour l’instant en tout cas, ne semble pas avoir beaucoup plus participé au processus créatif de l’album que son prédécesseur à long nez. Les faits sont là, Slipknot n’est plus le groupe qu’il était et donc la musique s’en trouve forcement changée.

On a cru voir dans le titre « The End So Far » un acte de décès du groupe, sauf que tous les albums de Slipknot contiennent des références directes à la mort (en général et du groupe par « capillarité » également ) ; après tout, dans le même registre de pensée « Only one » sur le premier album aurait pu laisser penser qu’il n’y aurait qu’un album, « Everything ends » sur Iowa (no comment), « A liar ‘s Funeral » sur We are not your kind ». Et j’en passe… Chaque album de Slipknot aurait pu être le dernier et a vraisemblablement été composé avec cette ombre dans un coin des neuf têtes impliquées. Peut-être parce que le sentiment d’ « éphémérité » fait partie des constantes de l’écriture du groupe, peut-être aussi parce qu’on ne peut pas faire cette musique sans avoir conscience que tout peut s’arrêter un jour, le succès inclus.

Les albums de Slipknot ressemblent à leurs masques, toujours en évolution, toujours liés, jamais totalement les mêmes et avec des variations plus ou moins marquées d’un membre à l’autre.

Celui-ci est donc à la fois très diffèrent et très similaire, il y a du vrai « old-school-brutal-Slipknot » (« Warranty » par exemple, mélangeant scratching furieux, mur de guitares hachées et percussions tribales avec en topping des voix hurlées, avec contrechant choral en forme de sursauts de haine pure) et des nouveautés qui font office d’ovnis magnifiques (le premier titre « Alderal » étant le premier morceau tenu par une basse mélodique et nappes de clavier avec voix claire de l’histoire du groupe qui, pourtant, a défoncé depuis longtemps les codes de la ballade angoissante mélodique et trouve une nouvelle façon d’appréhender l’exercice).

Composé pendant le covid et enregistré et mixé par Joe Barresi (qui avait mixé le précédent et dont la discographie sort largement du spectre Metal) cet album ne pouvait de toute façon ressembler à rien ayant précédemment existé de par sa conception même. Fabriqué en forme de questions-réponses à distance, incluant sûrement plus l’ensemble des membres que l’album précédent qui reposait quasi-exclusivement sur les épaules de Jim Root, ce septième opus est un hybride choral.

Le précédent opus se nourrissait d’une cold wave hypnotique pour réinventer le groupe. Ici, on a l’impression que le groupe essaye (et réussit) à inventer le Pop-Metal déliquescent. Si vous aimez Slipknot pour leur capacité à se réinventer, cet album est un bijou, sinon de toute façon vous avez décroché à Vol.3 avouez ? Quant aux autres ? Ceux qui n’ont jamais accroché ou jamais essayé ? Peut-être que « Yen », « Medecine for the dead » ou « de Sade » seront les déclencheurs adéquats (chacun dans des genres très éloignés). A titre personnel, je reste vraiment séduit par ce que Venturella propose aussi bien à la basse (pas facile de sortir de l’ombre de l’irremplaçable Paul Gray pour proposer quelque chose de diffèrent) qu’au piano (il y a désormais trois claviers dans le groupe et ça s’entend). Peut-être que la couleur en plus vient aussi de son implication beaucoup plus importante sur ce disque en particulier.
 
Critique : Thomas Enault
Note : 9/10
Site du groupe : Page Facebook du groupe
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