Interview

WITHIN TEMPTATION (2011) - Sharon Den Adel (chant)

Un grand merci à Aurélie et Olivia pour cette interview, également disponible sur leur site : http://www.metal-ways.com

Comment en êtes vous arrivés à collaborer avec Steven O’Connell pour l’élaboration d’un comics ?
Au départ, nous voulions écrire de la musique pour un film. Nous cherchions donc un bon film avec une bonne histoire, mais le problème avec les films, c’est que si quelque chose se passe mal, la sortie peut très facilement être repoussée d’un an, et nous ne voulions pas courir le risque d’avoir à retarder la sortie de notre album. Nous avons donc décidé de gérer cela nous même.
Avant tout, nous voulions une histoire sympa où tout ne serait pas soit noir soit blanc : ni trop simple, ni trop superficiel. Nous avons demandé conseil à un scénariste de comics que nous avions rencontré à l’occasion de The Heart of Everything (il avait contribué à The Chronicles of Spellborn). Il nous a présentés à Steven O’Connell. Steven est un très bon scénariste, aussi bien pour des films que pour des comics, et c’est lui qui écrit la série des X-Men aux Etats-Unis. Nous avons également rencontré Romano Molenaar, le dessinateur du comics.
Steven avait quelques idées, mais elles ne correspondaient pas à ce que l’on recherchait : on n’aime pas les zombies, on n’aime pas la fantasy, on n’aime pas blablabla... en tout cas pas pour cette histoire. On voulait quelque chose d’entièrement différent : un thriller, un polar, une histoire composée de plusieurs « couches » : ce que tu vois ne correspond pas forcément à ce que tu as au final. Quand tu lis un livre, c’est génial d’être surpris, c’est ce qu’on voulait.
Nous lui avons donc dit quel type de films nous aimions, quel type de livres nous lisions. Il a pris tout cela en considération et il nous a proposé une idée très simple, en deux ou trois lignes : le comics raconte l’histoire de gens qui ont fait des mauvaises choses au cours de leur vie, non pas parce qu’ils sont foncièrement mauvais, mais simplement parce qu’ils ont fait de mauvais choix. Ils sont recrutés par Mother Maiden qui leur offre une seconde vie et une chance de se racheter en s’attaquant aux méchants.
Nous avons donc choisi le format comics pour pouvoir garder le contrôle de la situation, mais aussi parce que nous aimons les comics. On a grandi avec.

Dans quelle mesure penses-tu que ce comics colle à l’univers de Within Temptation ?
En tant que compositeurs, nous sommes toujours à la recherche de quelque chose de nouveau. Cela fait partie de nous et c’est pour cela que ça colle bien. Mais je pense que beaucoup de gens vont devoir s’habituer à la partie graphique du projet. C’est très différent de ce que nous avons fait jusque là... Mais pour nous, il est très important d’être inspirés à nouveau.
Et puis, en tant qu’ados qui avons grandi dans les années 80, lorsque nous achetions un album, nous nous disions : « Oooh, l’album sort ! » et puis nous examinions la pochette en nous demandant : « Qu’est ce que cela peut bien signifier ? » Il y avait pas mal de choses à découvrir, et les gens attendaient la sortie de l’album avec impatience : « Plus que deux semaines... une semaine... ! ». Maintenant, la plupart des gens se contentent de télécharger, et souvent un seul morceau... Nous espérons ramener un peu de cette dimension magique en proposant non seulement de la musique, mais aussi une histoire, des courts-métrages...

Avez-vous choisi les noms des personnages ?
Nous en avons choisi certains, Sinéad par exemple. Au départ, elle s’appelait Maya et était originaire d’Amérique du Sud, ce qui était super, mais nous avions déjà un morceau nommé Sinéad, et puis j’ai dit : « je ne m’imagine pas trop chanter Mayaaaaa ». Ça le fait pas trop (rires). Nous avons donc demandé à Steven s’il était possible de plutôt l’appeler Sinéad, car c’est un très joli prénom... et Steven a dit : « Ok, c’est une bonne idée ! Amenons-la à Dublin ! » (rires)

Est-ce que certaines parties de l’histoire ou certains personnages ont été inspires par des séries TV ?
Non, pas à notre connaissance.

À la fin du premier court-métrage, Steven O’Connell et Tim Smit sont crédités pour le script, et Joeri Holsheimer comme directeur. Quelle a été votre contribution ?
Nous avons apporté nos idées... Mais c’est vraiment le fruit d’un travail d’équipe, en partant de l’histoire, jusqu’aux courts-métrages. Tim et Joeri avaient des idées intéressantes pour les films, mais ça ne collait pas toujours à l’histoire... Donc nous allions voir Steven pour lui dire : « Il faut qu’on intègre tel ou tel élément, car ce qu’ils veulent en faire peut vraiment améliorer l’histoire ». Ce processus créatif était très intéressant.

Esthétiquement parlant, le premier court-métrage est très travaillé et très abouti. Par contre, dans le clip, les plans filmés du groupe sont très simples et sobres. Était-ce un choix ?
Oui, nous avons voulu mettre tout l’argent dans les courts-métrages. On a un budget et on doit faire des choix, et, pour être complètement honnête, les chaînes du type MTV n’ont plus l’importance qu’elles avaient. Et puis, quand tu tournes un clip, on te dit : « tu ne peux pas utiliser de sang, tu ne peux pas utiliser d’armes, tu ne peux pas utiliser... » et nous, nous voulions tout : sang, armes... la totale ! rires)
L’édition spéciale de l’album proposera tout cela : les courts-métrages et les trois clips.

Vous avez tourné les trois clips durant la même semaine. Doit-on s’attendre à des ressemblances ?
Non, ils diffèrent vraiment les uns des autres. L’un se déroule dans un club et les deux autres ont été tournés dans une vieille usine désaffectée. Dans l’un des deux, il y a beaucoup d’obscurité : tout est noir...

Il y a deux façons de regarder le clip : court-métrage suivi du clip avec seulement des plans du groupe, ou bien la version du clip où sont mélangés plans du groupe et images issues du court-métrage. Laquelle est la plus naturelle selon toi ?
Si j’étais un fan, je choisirais plutôt la version longue (court-métrage + clip) car sinon, on loupe certains éléments.

Qui a écrit le discours de Mother Maiden au début du premier court-métrage ?
C’est Steven O'Connell.

En quoi ce projet vous a-t-il donné l’inspiration pour envisager votre musique différemment ?
Et bien, nous écrivons ce type de musique depuis la fin des années 80, début années 90. Cela fait donc plus de 10 ans. Et The Heart of Everything est en quelque sorte l’aboutissement de toutes ces années. Nous n’aurions pas pu faire mieux.
Nous avons toujours raisonné ainsi : « On a un but, voilà ce qu’on doit écrire » Et quand, finalement, tu finis par y arriver, tu as l’impression que tu as plus ou moins fait le tour, et que tu ne pourras rien apporter de plus. Et là, tu te dis : « Ok, on fait quoi maintenant ? »
Donc on a tout stoppé, on a levé toutes les limites qu’on s’était fixées et on a attendu de voir ce qu’il en ressortait. C’est le seul moyen que l’on a trouvé pour s’ouvrir à de nouvelles idées. Nous n’étions pas particulièrement rassurés car on ne savait pas vraiment ce qu’il allait en ressortir, et, au départ, on s’est dit : « Ouh, ça va être un album années 80 ! ». Et puis finalement, c’est devenu un mélange de vieux Within Temptation et de nouveaux éléments inspirés des années 80, la période pendant laquelle nous avons grandi.
Cet album marque donc un retour à nos racines et à des groupes avec lesquels nous avons grandi : Metallica, Iron Maiden, mais aussi Sinéad O’Connor, Frankie goes to Hollywood, Chris Isaak (non pas que j’aie été une très grande fan de Chris Isaak, je l’appréciais beaucoup, mais je l’apprécie encore davantage aujourd’hui... même si j’aimais beaucoup Wicked Games, Blue Hotel et d’autres morceaux du même genre...)

À ce sujet, Faster sonne un peu comme Wicked Games…
C’est vrai, c’est le même type d’atmosphère. Les accords sont très proches, tout en étant différents... Quant on a eu fini de la composer, on s’est dit : « Argh, on a réécrit Wicked Games », puis « Mais non... l’enchaînement des accords est différent, on ne doit pas s’inquiéter... Une nouvelle chanson de terminée ! » (rires) « Yay ! »

Tu as dit que la diversité des morceaux venait du concept lui-même. Est-ce que tu peux nous l’expliquer ?
Ça ne vient pas seulement du concept, mais aussi du fait que nos sources d’inspiration sont assez variées. Iron Maiden, par exemple, c’est totalement différent de Chris Isaak ! Et le morceau Fire and Ice a plutôt été inspire par Frankie goes to Hollywood.

En puisant votre inspiration dans le métal, le rock et les hits pop des années 80, vous n’avez pas laissé beaucoup de place à la dimension symphonique qui a toujours fait partie intégrante de Within Temptation. Vous faites un grand pas, certains diraient même que vous prenez un gros risque. Est-ce que cela vous inquiète, ou est-ce que c’est simplement naturel ?
Oui, c’est naturel, et libérateur, mais je ne pense pas que nous ayons délaissé l’orchestre tant que ça. Il est moins présent, la manière de mixer est différente. Je pense que de cette façon, le résultat est plus heavy. C’est très difficile de gérer d’un côté les cordes, l’orchestre, et de l’autre les guitares. La fréquence est toujours la même. Donc il faut choisir et, par le passé, nous nous sommes souvent dit : « Ok, bye bye les guitares », et l’orchestre était « BOOOW » très imposant... Mais c’est quelque chose que l’on a toujours regretté, et maintenant nous avons des guitares et beaucoup de solos !

Sur l’ensemble de l’album, tu as délaissé ta voix de soprano pour adopter un style plus rock et plus agressif qu’avant. Est-ce seulement parce que ça correspond davantage au concept, ou est-ce tout simplement plus sûr pour ta voix ?
Non, c’est vraiment parce que c’est ce qui correspond le mieux aux émotions que je veux exprimer sur certains morceaux.

Ta voix est très douce dans Sinéad car « for the first time, life is gonna turn around » et elle est bien plus sombre dans Murder (style méchante Ice Queen). Tu as atteint un point où tu parviens parfaitement à moduler ta voix pour exprimer les sentiments des personnages. Est-ce quelque chose de réfléchi ou est-ce que ça vient naturellement ?
Non, c’est venu naturellement. Je pense que Murder est une chanson de dérangé, donc j’avais besoin d’une voix qui fait peur, comme si c’était une malade mentale qui chantait. Et cette chanson parle d’un meurtrier. Quant à Sinéad, c’est un morceau lyrique et puissant. Au départ, c’est très doux et ensuite c’est... la fête ! (rires)... ce que j’apprécie beaucoup car c’est bien d’avoir des morceaux qui réchauffent le cœur ! Habituellement, c’est très sombre...

Puisque nous avons le temps de parler de certains des morceaux, je ne vais pas y aller par quatre chemins : mais d’où est ce que vous avez bien pu nous sortir In The Middle Of The Night ?
In The Middle Of The Night… (elle commence à la chanter…) J’adore cette chanson, c’est l’une de mes préférées. C’est juste venu comme ça... Nous avons toujours eu du mal à écrire des morceaux rapides, rythmiquement parlant. Quelque part, ça a toujours été plus facile de partir de morceaux au tempo moyen et de les rendre heavy... Mais je n’ai jamais laissé tomber, et j’ai toujours essayé de créer un morceau heavy... et finalement je me suis assise avec Daniel (NdSDM : Daniel Gibson) et nous avons essayé, sans désespérer, et c’est finalement arrivé ! Et j’adore ! Je suis très fière de ce morceau !

Et je suppose que ton cou est définitivement remis… parce qu’il va devoir assurer !
Ouais ! (rires) Je vais laisser les autres headbanguer pour moi parce qu’il faut que je chante parfaitement, et ce n’est pas une chanson très facile au niveau des respirations. Je n’ai pas beaucoup de temps pour reprendre mon souffle.

Il y a une autre chanson très heavy sur l’album : Iron, qui fait très power metal. Comment en êtes vous arrivés là ?
Et bien, c’est plutôt à Robert et Daniel qu’on la doit. Robert est un très grand fan d’Iron Maiden, Ruud aussi bien sûr, et les garçons nous ont écrit un superbe solo de guitare pour l’occasion. Cette chanson, c’est un peu ce dont on parlait tout à l’heure : un retour aux sources. C’est très difficile d’écrire une bonne chanson à ce tempo, mais ça fonctionne !

Et c’est marrant d’entendre ta voix sur ce type de musique, car même au début, quand WT sonnait plus metal, c’était du gothic metal, doux, triste...
Et maintenant c’est plus du genre : kick your balls (rires) (NdSDM : on vous laisse le soin de traduire)

Et c’est super !
J’aime aussi parce que j’aime la nouvelle moi ! (rires)

Puisque il y a une grande diversité musicale dans cet album, y a-t-il une ou deux chansons que tu apprécies plus que les autres ?
J’aime tout, et c’est parce que je n’apprécie pas qu’un seul type de musique. J’aime In The Middle Of The Night parce que ça sonne très metal et que ça envoie ! J’aime Fire and Ice parce que c’est très beau et très triste, une émotion pure... Mais chaque chanson a quelque chose de spécial. J’aime Sinéad car elle fait chaud au cœur : « Peu importe ce qu’il m’arrive, je vais reprendre ma vie en main »... ce type d’émotion.

Comment pensez-vous raconter l’histoire de cet album sur scène ?
Et bien, le truc positif c’est que je suis enceinte ! (rires) Donc nous avons du temps pour y penser. Nous allons essayer d’apporter l’histoire du comics et des courts-métrages avec nous sur scène. Je ne suis pas encore sûre de la manière dont on va s’y prendre... Peut-être avec des projections... Il faut qu’on y réfléchisse.

Et, de façon à respecter l’ordre de l’histoire, est-ce que vous prévoyez de jouer les chansons dans l’ordre dans lequel elles s’enchaînent sur l’album ?
Non, parce qu’alors, ça donnerait un concert très court, une petite heure seulement… Donc nous jouerons aussi d’autres chansons… Peut-être que l’on jouera d’abord le nouvel album, et ensuite d’anciens morceaux, ou alors on intégrera les anciens aux nouveaux... Rien n’est encore sûr.


Et, puisque la notion de concept est très importante, est-ce que vous prévoyez des concerts spéciaux pendant lesquels vous joueriez l’album entier tel qu’il a été enregistré ?
Peut-être... C’est peut-être une idée à creuser...

Pour conclure, sur votre site Internet, vous avez publié un article intitulé « À partir de maintenant, rien ne sera plus pareil ». Était-ce seulement un moyen de titiller notre curiosité, ou est-ce vraiment ce que vous ressentez ?
Je pense que nous avons fait un grand pas dans une nouvelle direction. Nous n’abandonnons pas tout derrière nous, nous ajoutons simplement un nouvel ingrédient à nos chansons.
 
Critique : Secret Sfred
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