Interview
TRUST (2018) - Norbert Krief (Guitare)
Quarante ans de carrière et toujours la même rage. Avec « Dans le même sang », Trust vient de sortir un album superbe, digne de ceux du début du groupe. Rencontre à Paris, avec le mythique Nono, un guitar-hero talentueux et un homme on ne peut plus sympathique.
« Dans le même sang » arrive dix ans après « Treize à table », c’est le disque du renouveau pour Trust ? »
« Oui, on sort un album tous les dix ans. La renaissance, non. C’était dans la logique de ce que nous faisons depuis décembre 2016 avec cette tournée pour fêter les 40 ans du groupe. Elle n’était à la base prévue que pour que quelques dates mais a duré car les salles étaient pleines. Aux balances, on s’amusait à jouer de nouveaux morceaux que l’on a commencé à jouer live à partir d’Avril 2017. On ne voulait pas faire un album studio mais retranscrire l’énergie que l’on a sur scène sur disque. On a donc enregistré cet album dans les conditions du live à la salle des fêtes de St-Ciers Sur Gironde où l’on a passé trois semaines. Et on a joué aussi fort que sur scène. »
« C’est rare aujourd’hui de produire un album de cette façon. »
« Oui mais on le voulait comme ça. Il n’y a pas de retouches, ni d’overdubs sur cet album. »
« Les critiques du disque sont très positives. Après 40 ans de carrière, c’est encore quelque chose qui vous touche ? »
« Bien sûr. On joue de la musique pour nous, on s’éclate mais il est important que notre plaisir soit partagé. Je n’ai vu aucune mauvaise critique de l’album. Dans notre carrière, on en a eu des critiques, des très bonnes comme des très mauvaises. Après, comme l’écrit Bernie dans les notes de pochette du disque, vous aimez tant mieux, vous n’aimez pas, tant pis.»
« Vous avez joué live des morceaux comme « Ni Dieu Ni maitre » ou « Démocrassie ». C’était pour les tester live ?
« Après chaque concert, nous allons à la rencontre du public et celui-ci nous a dit aimer ces titres. En les jouant live, on a pu voir s’ils fonctionnaient. »
« L’album est du pur Trust mais il y a des choses nouvelles, ce côté latino dans « Caliente » par exemple ou ces chœurs féminins sur certains titres. »
« C’est vrai mais nous ne nous sommes jamais rien interdit. Dans le premier album, il y a du piano, du synthé, du sax, des choristes déjà. Il y a aussi du sax dans le deuxième album. Dans le quatrième il y a un orchestre symphonique sur la face B. On voulait pour ce disque un côté brut de pomme mais Bernie voulait aussi des chœurs féminins. Au début, je n’étais pas complètement sûr et en fait ça fonctionne bien. Cela met un peu de miel dans le côté dur de Trust. Pour « Caliente », Bernie m’a fait écouter des trucs latino que j’ai bien aimé. On ne s’est jamais rien refusé. On avait envie de faire ce truc un peu latino, on l’a fait. »
« La reprise de Piaf « Je m’en fous pas mal » est aussi un peu à part par rapport à votre style habituel »
« On l’a faite surtout pour le texte. Bernie l’aime beaucoup. C’est vrai que c’est un texte extraordinaire. Un vrai texte d’auteur. Cette manière d’écrire, avec des mots simples est assez rare. Je l’aurais bien vu un peu plus rock avec un son à la Keith Richards mais j’aime bien cette version. »
« Sur le nouvel album, on trouve de nombreux titres qui comme par le passé montre le côté engagé de Trust, « Ni Dieu ni maitre », « Démocrassie », « Fils de pute, tête de liste », « Le gouvernement comme il respire », « F-Haine ». Avec les années, la rébellion s’émousse souvent. Pas chez vous. »
« On est un groupe engagé. Bernie n’a pas envie de faire des chansons d’amour. On est en réalité avec le monde dans lequel on vit. Bernie veut parler de ce qui le bouleverse. Cela a toujours été comme ça et ce sera toujours comme ça. On dit des choses pour sensibiliser les gens. Il convient de rester vigilant. La société évolue en bien mais en mal aussi. »
« Vous vous sentez comme les héritiers de la chanson libertaire des années 60 ? »
« Je ne sais pas. En partie, sans doute. »
« Lorsque vous êtes apparus, la scène rock française était un peu un désert. A part vous, Telephone, Bijou et Starshooter, il n’y avait pas grand-chose. »
« Avant Trust, j’étais fan d’un groupe français, les Variations. Ils avaient un vrai potentiel international et un super look. Jo Leb était un pur chanteur, Marc Tobaly un super guitariste et Petit Pois un super bassiste . Ils existaient bien avant nous et Téléphone. A notre époque, il y avait quand même des groupes mais c’est vrai qu’à part nous et eux, il n’y en avait pas qui vendait des millions d’albums. Après de par notre succès et le leur, les maisons de disques ont commencé à signer des groupes français. »
« Tu pensais que « Anti-Social » deviendrait un hymne intemporel lorsque tu l’as composé ? »
« Pas du tout. Je l’ai composé très vite. En deux prises, le morceau était dans la boite. Pour nous, c’était juste un titre parmi d’autres de l’album « Répression ». On ne ressentait pas la force du morceau. C’est le PDG de CBS qui en a senti le potentiel. Le titre a traversé les décennies. On est pris par deux sentiments face à « Anti-Social », Bernie et moi. La fierté bien sûr mais aussi la tristesse que le texte soit encore d’actualité. Le morceau a été repris par Anthrax, Children of Bodom, Metallica l’a joué à Bercy. Cela a été un bonheur de la jouer live avec Anthrax l’an dernier durant un festival. Je ne dirai rien sur la version de Florent Pagny. Il y a aussi un groupe espagnol qui a cartonné avec. Je m’amuse à collectionner toutes les versions de « Anti-Social » de par le monde. »
« Vous étiez à cette époque l’un des rares groupes français à être amis avec des groupes étrangers comme AC/DC ou Maiden, à tourner à l’étranger. »
« Oui, nous étions l’un des rares groupes français à avoir une carrière internationale. On a joué trois fois à l’époque en Angleterre dont la troisième en tête d’affiche. On a aussi raté des choses comme des tournées US en première partie de Rainbow ou Aerosmith mais l’important, c’est le présent. On va rejouer à l’étranger l’année prochaine. »
« Il y a un côté très AC/DC d’ailleurs sur le nouvel album. »
« C’est ce que l’on aime. On est fans d’AC/DC depuis toujours. On a partagé des moments extraordinaires avec eux. On voyait Bon Scott tous les jours à une époque. »
« En 81, vous chantiez « Angleterre, Angleterre, Thatcher te coûte cher ». On assiste aujourd’hui à une thatchérisation de la société. En quarante ans, rien n’a changé ? »
« C’est vrai. Il y a des choses qui régressent. Je ne vais pas rentrer dans un débat politique. Les anglais ont choisi. On a les dirigeants qu’on mérite. En France, le seuil de pauvreté est toujours plus haut, des gens dorment dans les rues. »
« Vous avez écrit « F-Haine » pour cet album. Malgré les titres contre eux, ils continuent de monter. »
« Le FN continue de monter parce que plus rien n’est axé sur l’humain. Mitterand avait dit après moi il n’y aura plus que des comptables. C’est vrai. Aujourd’hui tout est axé sur la finance. »
« De « La Grande Illusion » en 81 à « Ni Dieu Ni maitre » aujourd’hui, Trust ne change pas. »
« C’est la signature de Bernie. C’est sa touche. Il est né avec un stylo dans la main. Il écrit constamment. Je suis ravi de l’avoir rencontré. La fusion fonctionne, l’osmose se passe. »
« Tu as des projets en dehors de Trust ? »
« Je vais sortir un album avec mon fils, David Sparte, « Father and son » qui est prévu pour la fin de l’année. Il sort aussi un album de son côté cette année. »
« Dans le même sang » arrive dix ans après « Treize à table », c’est le disque du renouveau pour Trust ? »
« Oui, on sort un album tous les dix ans. La renaissance, non. C’était dans la logique de ce que nous faisons depuis décembre 2016 avec cette tournée pour fêter les 40 ans du groupe. Elle n’était à la base prévue que pour que quelques dates mais a duré car les salles étaient pleines. Aux balances, on s’amusait à jouer de nouveaux morceaux que l’on a commencé à jouer live à partir d’Avril 2017. On ne voulait pas faire un album studio mais retranscrire l’énergie que l’on a sur scène sur disque. On a donc enregistré cet album dans les conditions du live à la salle des fêtes de St-Ciers Sur Gironde où l’on a passé trois semaines. Et on a joué aussi fort que sur scène. »
« C’est rare aujourd’hui de produire un album de cette façon. »
« Oui mais on le voulait comme ça. Il n’y a pas de retouches, ni d’overdubs sur cet album. »
« Les critiques du disque sont très positives. Après 40 ans de carrière, c’est encore quelque chose qui vous touche ? »
« Bien sûr. On joue de la musique pour nous, on s’éclate mais il est important que notre plaisir soit partagé. Je n’ai vu aucune mauvaise critique de l’album. Dans notre carrière, on en a eu des critiques, des très bonnes comme des très mauvaises. Après, comme l’écrit Bernie dans les notes de pochette du disque, vous aimez tant mieux, vous n’aimez pas, tant pis.»
« Vous avez joué live des morceaux comme « Ni Dieu Ni maitre » ou « Démocrassie ». C’était pour les tester live ?
« Après chaque concert, nous allons à la rencontre du public et celui-ci nous a dit aimer ces titres. En les jouant live, on a pu voir s’ils fonctionnaient. »
« L’album est du pur Trust mais il y a des choses nouvelles, ce côté latino dans « Caliente » par exemple ou ces chœurs féminins sur certains titres. »
« C’est vrai mais nous ne nous sommes jamais rien interdit. Dans le premier album, il y a du piano, du synthé, du sax, des choristes déjà. Il y a aussi du sax dans le deuxième album. Dans le quatrième il y a un orchestre symphonique sur la face B. On voulait pour ce disque un côté brut de pomme mais Bernie voulait aussi des chœurs féminins. Au début, je n’étais pas complètement sûr et en fait ça fonctionne bien. Cela met un peu de miel dans le côté dur de Trust. Pour « Caliente », Bernie m’a fait écouter des trucs latino que j’ai bien aimé. On ne s’est jamais rien refusé. On avait envie de faire ce truc un peu latino, on l’a fait. »
« La reprise de Piaf « Je m’en fous pas mal » est aussi un peu à part par rapport à votre style habituel »
« On l’a faite surtout pour le texte. Bernie l’aime beaucoup. C’est vrai que c’est un texte extraordinaire. Un vrai texte d’auteur. Cette manière d’écrire, avec des mots simples est assez rare. Je l’aurais bien vu un peu plus rock avec un son à la Keith Richards mais j’aime bien cette version. »
« Sur le nouvel album, on trouve de nombreux titres qui comme par le passé montre le côté engagé de Trust, « Ni Dieu ni maitre », « Démocrassie », « Fils de pute, tête de liste », « Le gouvernement comme il respire », « F-Haine ». Avec les années, la rébellion s’émousse souvent. Pas chez vous. »
« On est un groupe engagé. Bernie n’a pas envie de faire des chansons d’amour. On est en réalité avec le monde dans lequel on vit. Bernie veut parler de ce qui le bouleverse. Cela a toujours été comme ça et ce sera toujours comme ça. On dit des choses pour sensibiliser les gens. Il convient de rester vigilant. La société évolue en bien mais en mal aussi. »
« Vous vous sentez comme les héritiers de la chanson libertaire des années 60 ? »
« Je ne sais pas. En partie, sans doute. »
« Lorsque vous êtes apparus, la scène rock française était un peu un désert. A part vous, Telephone, Bijou et Starshooter, il n’y avait pas grand-chose. »
« Avant Trust, j’étais fan d’un groupe français, les Variations. Ils avaient un vrai potentiel international et un super look. Jo Leb était un pur chanteur, Marc Tobaly un super guitariste et Petit Pois un super bassiste . Ils existaient bien avant nous et Téléphone. A notre époque, il y avait quand même des groupes mais c’est vrai qu’à part nous et eux, il n’y en avait pas qui vendait des millions d’albums. Après de par notre succès et le leur, les maisons de disques ont commencé à signer des groupes français. »
« Tu pensais que « Anti-Social » deviendrait un hymne intemporel lorsque tu l’as composé ? »
« Pas du tout. Je l’ai composé très vite. En deux prises, le morceau était dans la boite. Pour nous, c’était juste un titre parmi d’autres de l’album « Répression ». On ne ressentait pas la force du morceau. C’est le PDG de CBS qui en a senti le potentiel. Le titre a traversé les décennies. On est pris par deux sentiments face à « Anti-Social », Bernie et moi. La fierté bien sûr mais aussi la tristesse que le texte soit encore d’actualité. Le morceau a été repris par Anthrax, Children of Bodom, Metallica l’a joué à Bercy. Cela a été un bonheur de la jouer live avec Anthrax l’an dernier durant un festival. Je ne dirai rien sur la version de Florent Pagny. Il y a aussi un groupe espagnol qui a cartonné avec. Je m’amuse à collectionner toutes les versions de « Anti-Social » de par le monde. »
« Vous étiez à cette époque l’un des rares groupes français à être amis avec des groupes étrangers comme AC/DC ou Maiden, à tourner à l’étranger. »
« Oui, nous étions l’un des rares groupes français à avoir une carrière internationale. On a joué trois fois à l’époque en Angleterre dont la troisième en tête d’affiche. On a aussi raté des choses comme des tournées US en première partie de Rainbow ou Aerosmith mais l’important, c’est le présent. On va rejouer à l’étranger l’année prochaine. »
« Il y a un côté très AC/DC d’ailleurs sur le nouvel album. »
« C’est ce que l’on aime. On est fans d’AC/DC depuis toujours. On a partagé des moments extraordinaires avec eux. On voyait Bon Scott tous les jours à une époque. »
« En 81, vous chantiez « Angleterre, Angleterre, Thatcher te coûte cher ». On assiste aujourd’hui à une thatchérisation de la société. En quarante ans, rien n’a changé ? »
« C’est vrai. Il y a des choses qui régressent. Je ne vais pas rentrer dans un débat politique. Les anglais ont choisi. On a les dirigeants qu’on mérite. En France, le seuil de pauvreté est toujours plus haut, des gens dorment dans les rues. »
« Vous avez écrit « F-Haine » pour cet album. Malgré les titres contre eux, ils continuent de monter. »
« Le FN continue de monter parce que plus rien n’est axé sur l’humain. Mitterand avait dit après moi il n’y aura plus que des comptables. C’est vrai. Aujourd’hui tout est axé sur la finance. »
« De « La Grande Illusion » en 81 à « Ni Dieu Ni maitre » aujourd’hui, Trust ne change pas. »
« C’est la signature de Bernie. C’est sa touche. Il est né avec un stylo dans la main. Il écrit constamment. Je suis ravi de l’avoir rencontré. La fusion fonctionne, l’osmose se passe. »
« Tu as des projets en dehors de Trust ? »
« Je vais sortir un album avec mon fils, David Sparte, « Father and son » qui est prévu pour la fin de l’année. Il sort aussi un album de son côté cette année. »
Critique : Pierre Arnaud
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