Interview
Sebastien HAMARD (Organisateur) - Festival des Nuits Carrées
A un mois des festivités, l'organisateur du festival des Nuits Carrées nous accorde quelques minutes pour nous le présenter. Cette année une soirée 100% metal français avec Pleymo, Ultra Vomit, Dagoba et Smash Hit Combo! Rien que ça et dans le Sud. Alors oui ? Où est-ce ? La réponse tout de suite!
SBM: Bonjour Sébastien et merci de nous accorder un peu de ton temps, surtout à un mois de l'ouverture du festival. Dans un premier temps pourrais-tu nous présenter le festival pour ceux qui ne le connaîtraient pas?
Sébastien Hamard: Alors le festival Nuits Carrées c'est un événement qui est né en 2007 au pied du Fort Carré à Antibes, dans les Alpes Maritimes sur la Cote d'Azur au pied d'un fort Vauban qui s'appelle le Fort Carré qui est entouré par la mer à 180°. C'est un site d'exception sur lequel on installe cet événement musical, artistique, culturel et populaire depuis maintenant bientôt douze ans.
Ça commence à faire maintenant douze ans, dans un lieu magique, je suppose que les débuts ont dû être assez difficile ?
Oui ça a été très difficile, c'est toujours difficile parce qu'on a été les premiers à installer un événement de cette envergure sur ce site qui venait d'être réhabilité en 2006 et qui représente un challenge technique et logistique énorme car il n’y a pas d’eau ou d’électricité sur place, faut tout amener et préparer un événement qui accueille 3500 personnes par soir pendant trois jours donc ça reste un énorme défi que l’on maîtrise mieux aujourd’hui par qu’on a appris à apprivoiser cet espace tout en conservant le respect de l’environnement de ce site protégé, historique et naturel.
On l’exploite mieux mais ça reste un gros challenge, ce qui rend l’aventure d’autant plus belle.
Oui rien n’est acquis, et je sais que souvent, ça a été le cas pour le Hellfest, la collectivité ou la région se sont impliqués dans le festival. Est-ce que vous aussi la région ou la ville subventionne un peu le festival ou vous aide à l’organiser ?
Alors nous on a un modèle économique qui est très transparent qui se décline en trois tiers de financement : 1/3 d’auto-financement, 1/3 de financement privé, 1/3 de financement public. Les collectivités locales, que ce soit la région, le département et surtout la ville d’Antibes qui accueille l’événement nous ont toujours suivi.
On part du principe, c’est très important pour nous, que le financement public que le festival Nuits Carrées reçoit doit revenir dans la poche du public pour appliquer une politique tarifaire qui relève selon nous d’une mission service public.
A partir du moment où on reçoit de l’argent public, la moindre des choses c’est de le rendre au public et de l’affilier exclusivement à la politique tarifaire qui nous permet depuis la création du festival de proposer des tarifs qui sont assez inédits dans le secteur parce qu’on est à 18€ la soirée en prévente pour 8h de live par soir ce qui est très bas.
Oui j’ai vu les tarifs c’est plus qu’honnête ! Surtout pour la Côte d’Azur où en général on monte les prix (Rires)
Et avec cette politique tarifaire vous arrivez à rentabiliser le festival ?
Oui parce que c’est un modèle qui après une décennie a trouvé sa viabilité, qu’on consolide, qu’on réinterroge, qui implique une prise de risque parce qu’il y a une part d’auto-financement qui est importante, une consolidation des partenaires publics ou privés à toujours conserver.
Donc oui, c’est ce qu’on appelle un modèle hybride de l’économie de la culture qu’on arrive à maintenir depuis maintenant plus de 10 ans.
Plutôt une bonne chose, d’autant plus que, comme tu dis vous axez vraiment vos actions sur la culture. Ce qui fait que vous proposez toujours une affiche éclectique pour mettre en avant des groupes que le public connaît peu ou pas et surtout de la scène française. Est-ce que ça a toujours été votre but ou ligne de conduite ?
La recette de programmation, le contenu artistique du festival a toujours évolué déjà. Sur les premières années on était vraiment sur une pratique pluridisciplinaire, on intégrait même la danse et le théâtre dans le festival.
Et moi ce que j’ai toujours voulu proposer c’est une expérience de live complète, j’avais pas envie de proposer sur une soirée un tête d’affiche, une première partie, et merci au revoir. Je voulais proposer un panel de programmations qui mélange découverte régionale, nationale, et même internationale et que les gens vivent une expérience de live importante.
On a une amplitude horaire qui est très large, on ouvre les portes à 18h00, on les ferme à 02h30 et les Nuits Carrées vont au-delà de la programmation.
C’est un lieu de rencontre, de retrouvailles ; il y a des gens qui peuvent venir au festival et ne pas voir un concert si ils le veulent parce qu’on a des espaces qui sont fait pour ça. En tout cas le but ça a toujours été de vivre cette expérience de découverte. Le plus beau compliment qu’on puisse nous faire c’est les gens qui nous disent : « Chaque année au festival des Nuits Carrées je ne connaissais rien, y’a des choses que j’aime, des choses que je déteste, mais qu’est-ce que je passe un bon moment ».
Et ça pour nous c’est le signe de ce pari réussi, ce mélange de tête d’affiche, de découvertes, de lieu de vie culturelle à ciel ouvert pour un festival au vrai sens du terme, on n’est pas une salle de concert en plein air.
Oui vous poussez vraiment le concept à fond. Et si les gens ne veulent pas voir de concert sur place, ils ont une zone où ils y aurait je ne sais pas, les stands, des ateliers etc... ?
Oui mais on est assez limité par la place parce qu’on ne peut accueillir que 3500 personnes et c’est une taille que j’adore travailler parce que c’est intermédiaire et ça permet de conserver un lien avec le public. Donc oui il y a cet amphithéâtre magnifique qui est face à la scène avec une fosse assez importante et tout un espace dédié aux bars, à la restauration où les gens peuvent se retrouver, se poser. Aux heures d’ouverture on voit arriver des familles avec des poussettes, des jeunes enfants et ça c’est une grande satisfaction.
Ça a toujours été comme ça ou le festival s’est démocratisé ? Comment a évolué le public ?
Dans ce type d’événement on part du principe, même après 10 éditions, que le public n’est jamais acquis et qu’il évolue. Le public qu’on avait au début a maintenant 10 ans de plus et l’offre d’un territoire évolue, les attentes du public évoluent et c’est quelque chose sur lequel on ne peut pas s’asseoir, il faut rester attentif et garder le public au centre de la réflexion et ne pas le considérer uniquement comme consommateur d’un offre événementielle musicale.
Et nous on essaye vraiment de mettre le public au centre de la réflexion, comment agir pour fédérer le public, la société autour d’événements qui ont un rôle à jouer sur le territoire, de part sa taille, de part sa date : on est à la fin du mois de juin donc avant la saison estivale pour toucher un public local. Après il y en a qui viennent d’un peu plus loin parce qu’ils vont être attiré par tel ou tel artiste. C’est quelque chose qui doit être réinterrogé chaque année.
D’où l’apparition des esthétiques rock alternatif et métal depuis l’année dernière sur le festival qui nous a permis d’ouvrir des portes.
C’est une bonne chose ça ! (Rires). Et surtout que cette année on a une soirée 100 % metal français, quatre groupes de styles différents, de renommées différentes, à commencer par le grand retour de Pleymo, Smash Hit Combo digne héritier, Dagoba LA grosse étape régionale et du fun avec Ultra Vomit.
Comment avez-vous organisé cette affiche ?
Ce que je voulais sur cette soirée c’était de proposer une soirée 100 % française qui proposerait un panel représentatif de plusieurs générations et de plusieurs courants actuels. C’est parti de Pleymo pour le côté légende, historique, qui devait être le point d’orgue de cette soirée ; comme tu le disais très bien le penchant moderne et nu metal et découverte sera Smash Hit Combo qui vient un peu en réponse à Pleymo.
Et entre les deux Dagoba qui est une formation de notre région PACA qui représente bien notre territoire dans leur parcours et leur carrière donc on est fier d’eux. Et Ultra Vomit qui venait se poser là d’une manière parfaite comme si on avait eu envie de dire « On peut bien rigoler de tout ça quoi ! », ce côté ‘on se prend pas au sérieux et qui décomplexe un peu tout le monde.
Pour moi c’est une recette bien équilibrée, même la soirée du 30 où il y a aussi du metal mais elle a été pensé différemment, j’essaye de raconter une histoire, que ça ait du sens.
Pour cette soirée c’est réussi ! Quand j’ai vu l’affiche je me suis dis « Putain je dois absolument y aller », et effectivement de mettre Ultra Vomit ça peut montrer à ceux qui trouveraient que Dagoba ou Smash Hit Combo sont trop violents que le metal c’est avant tout du fun et du partage.
D’ailleurs en tant qu’organisateur de festival comment perçois-tu le metal sur territoire français notamment depuis l’explosion du Hellfest ?
Je suis absolument persuadé que le public français est empreint de rock et je m’en suis vraiment rendu compte l’année dernière avec Trust et Sepultura et surpris par la typologie du public. Je pense qu’il y a des gros moteurs, comme le Hellfest qui ont énormément servis la démocratisation de ces esthétiques rock et métal qui ont toujours été incroyablement dynamique sur le territoire français, ça fait partie des styles les plus pratiqués par les amateurs ou en professionnalisation etc..
Aujourd’hui quand on annonce un groupe comme Sepultura ou Soufly, comme Dagoba on se retrouve souvent avec un public de trentenaire, quarantenaire qui n’écoute pas forcément de metal à la maison mais ça le ramène à des souvenirs, des expériences d’ados ou jeune adulte.
Pour moi c’est vraiment rentré dans les mœurs et dans l’ADN fondamental de la musique tout public.
Ensuite tu peux rentrer dans les niches plus difficiles, plus spécifiques, plus pointues. L’année dernière aux Nuits Carrées dans le concert de Sepultura on voyait des nanas en talons dans la fosse…
Ah ouais quand même…
Parce qu’elle vivait une expérience incroyable…. J’exagère un peu le trait mais c’est un peu ça. Je pense que ces esthétiques répondent aux fondamentaux du festival, pour moi ça reste un ensemble d’esthétiques musicales qui continue de toucher de plus en plus une tranche d’âge très large, un public très familial parce que tout le monde y trouve un peu son compte et je pense que les gens, de la même manière qu’il y a une explosion du rap français aujourd’hui, qui a été mis de côté pendant des années, les gens reviennent à des expériences musicales, un concert de metal c’est une expérience, ça crée quelque chose, on sort des choses lisses et convenues et c’est ce qui explique aussi selon moi le gros retour du rap français d’où sa présence sur le festival.
Je suis tout à fait d’accord, j’en peux plus de ces musiques formatées qui passent à la télé ou la radio. Ça doit changer ! Et d’ailleurs est-ce qu’il y a un groupe que tu rêverais de programmer sur le festival ?
J’adorerais, parce que ça représenterais vraiment le croisement de nos esthétiques depuis des années, ça serait Body Count, les Prophets of Rage, ces styles rock hybrides qui sont quand même bien implantés dans le hip hop. J’ai plein d’envies ! (Rires)
J’adorerais accueillir un groupe comme Architect, il y a tant de choses… Parkway Drive qui serait un monument sur les Nuits Carrées.
Ça risque de ramener du monde mais vous êtes limités par la place. Qu’est-ce qu’il se passera quand vous afficherez complet en un temps record et que de nombreuses personnes ne pourront du coup pas assister au festival ?
On ne pourra pas déménager, l’ADN est trop liée au site. Ça s’appelle Nuits Carrées parce qu’on est au pied du Fort Carré. Si on devait arriver à une situation comme ça, ce qu’on souhaite avec le temps, je pense que ça serait un peu ce qu’on a fait l’année dernière en rajoutant une troisième soirée.
Si nous ajoutons une quatrième soirée, qu’est ce que cette soirée nous propose comme histoire dans le festival pour ajouter une vraie plus-value artistique ?
Ou pourquoi pas rajouter des éditions sur d’autres périodes de l ‘année tout en conservant cet ADN des Nuits Carrées.
Je vois que vous y avez déjà pensé donc l’aventure va continuer un moment. Pourrais -tu nous raconter un bon souvenir et ton pire souvenir sur le festival ?
La plus belle anecdote vient du nom du festival. C’est un sacré souvenir. On a découvert le site au pied du Fort Carré, on voulait l’appeler « Les Nuits du Fort Carré » mais ça sonnait pas trop donc on a décidé d’appeler ça les « Nuits Carrées » et c’est sous ce nom que l’on a présenté ça aux institutions. Et un truc qu’on a pas vu venir c’est le soulèvement d’une population d’un certain âge, sur le nom du festival.
On était assez étonné et pour la simple et unique raison qu’en vieux français « Les Nuits Carrées » c’est des partouzes…
Ah oui je vois le problème !
Donc voilà, on disait les parties carrées, les soirées carrées, les nuits carrées etc.
Donc c’est hyper cocasse quoi. On se prend ça de la part d’une population, c’est défendu mais c’est resté comme ça, on est resté dans notre orgie musicale.
Après dans les bons souvenirs artistiques il y a la découverte alors qu’ils étaient encore peu connus, en 2012 de Asaf Avidan qui a été une énorme claque dans la tête du public, ça a été un moment incroyable et deux mois plus tard ils devenaient ce qu’ils sont aujourd’hui.
En gros souvenir de public, de frissons ça a été la venue d’IAM en 2015 pour le côté hip hop parce dans un site comme ça à taille humaine un concert d’IAM ça devient quelque chose de complètement magique quoi ! Il y a aussi voir la réaction du public devant Sepultura l’année dernière, ça c’était extraordinaire !
Et pour les pires souvenirs, j’en ai pas vraiment, en tout cas artistiques. Il y a des petites déceptions, des artistes peu impliqués dans ce qu’ils font, mais pour être franc avec toi, des mauvais souvenirs, en 12 ans d ‘éditions j’en ai pas. Il faut savoir que quand on organise le festival et bien… j’évite les connards en fait (Rires).
On essaye de savoir avec qui on va travailler parce que c‘est une aventure qui doit être partagée avec les artistes donc on évite les gens trop compliqués.
Pour que ça continue dans de bonnes conditions c’est nécessaire. D’ailleurs comment vois-tu le festival dans la décennies à venir ?
Alors les dix prochaines années je pense qu’on les fera. Mais pour être franc je pense que j’arrêterai le jour où je programmerai des choses qui me font chier, le jour où tu ne programme que pour une rentabilité. Ce jour là j’arrêterai parce que je me serais trop écarté de ce pourquoi je fais les choses.
Maintenant en dix ans il peut se passer énormément de choses, sur le territoire ou dans l’offre globale, sur la Côte d’Azur il y a de plus en plus de territoire, de tous les styles, de tous les prix mais il n’y en a pas beaucoup qui passent les dix ans.
Je pense que tant qu’il y aura des gens sur le festival et qu’on programmera des choses qui nous excitent on continuera, et je pense que dans dix ans ça sera le cas.
J’espère pour toi que ça sera le cas ! Je pense être arrivé à la fin de mes questions donc je te laisse les derniers mots si tu veux conclure ou passer un message.
Si je devais donner un message au public, c’est un peu ce que je te disais tout à l’heure, c’est de prendre conscience de l’importance des événements intermédiaires, des événements qui sont attachés à leur territoire, qui sont fait pour les publics du territoire, et que l’on doit continuer à soutenir.
SBM: Bonjour Sébastien et merci de nous accorder un peu de ton temps, surtout à un mois de l'ouverture du festival. Dans un premier temps pourrais-tu nous présenter le festival pour ceux qui ne le connaîtraient pas?
Sébastien Hamard: Alors le festival Nuits Carrées c'est un événement qui est né en 2007 au pied du Fort Carré à Antibes, dans les Alpes Maritimes sur la Cote d'Azur au pied d'un fort Vauban qui s'appelle le Fort Carré qui est entouré par la mer à 180°. C'est un site d'exception sur lequel on installe cet événement musical, artistique, culturel et populaire depuis maintenant bientôt douze ans.
Ça commence à faire maintenant douze ans, dans un lieu magique, je suppose que les débuts ont dû être assez difficile ?
Oui ça a été très difficile, c'est toujours difficile parce qu'on a été les premiers à installer un événement de cette envergure sur ce site qui venait d'être réhabilité en 2006 et qui représente un challenge technique et logistique énorme car il n’y a pas d’eau ou d’électricité sur place, faut tout amener et préparer un événement qui accueille 3500 personnes par soir pendant trois jours donc ça reste un énorme défi que l’on maîtrise mieux aujourd’hui par qu’on a appris à apprivoiser cet espace tout en conservant le respect de l’environnement de ce site protégé, historique et naturel.
On l’exploite mieux mais ça reste un gros challenge, ce qui rend l’aventure d’autant plus belle.
Oui rien n’est acquis, et je sais que souvent, ça a été le cas pour le Hellfest, la collectivité ou la région se sont impliqués dans le festival. Est-ce que vous aussi la région ou la ville subventionne un peu le festival ou vous aide à l’organiser ?
Alors nous on a un modèle économique qui est très transparent qui se décline en trois tiers de financement : 1/3 d’auto-financement, 1/3 de financement privé, 1/3 de financement public. Les collectivités locales, que ce soit la région, le département et surtout la ville d’Antibes qui accueille l’événement nous ont toujours suivi.
On part du principe, c’est très important pour nous, que le financement public que le festival Nuits Carrées reçoit doit revenir dans la poche du public pour appliquer une politique tarifaire qui relève selon nous d’une mission service public.
A partir du moment où on reçoit de l’argent public, la moindre des choses c’est de le rendre au public et de l’affilier exclusivement à la politique tarifaire qui nous permet depuis la création du festival de proposer des tarifs qui sont assez inédits dans le secteur parce qu’on est à 18€ la soirée en prévente pour 8h de live par soir ce qui est très bas.
Oui j’ai vu les tarifs c’est plus qu’honnête ! Surtout pour la Côte d’Azur où en général on monte les prix (Rires)
Et avec cette politique tarifaire vous arrivez à rentabiliser le festival ?
Oui parce que c’est un modèle qui après une décennie a trouvé sa viabilité, qu’on consolide, qu’on réinterroge, qui implique une prise de risque parce qu’il y a une part d’auto-financement qui est importante, une consolidation des partenaires publics ou privés à toujours conserver.
Donc oui, c’est ce qu’on appelle un modèle hybride de l’économie de la culture qu’on arrive à maintenir depuis maintenant plus de 10 ans.
Plutôt une bonne chose, d’autant plus que, comme tu dis vous axez vraiment vos actions sur la culture. Ce qui fait que vous proposez toujours une affiche éclectique pour mettre en avant des groupes que le public connaît peu ou pas et surtout de la scène française. Est-ce que ça a toujours été votre but ou ligne de conduite ?
La recette de programmation, le contenu artistique du festival a toujours évolué déjà. Sur les premières années on était vraiment sur une pratique pluridisciplinaire, on intégrait même la danse et le théâtre dans le festival.
Et moi ce que j’ai toujours voulu proposer c’est une expérience de live complète, j’avais pas envie de proposer sur une soirée un tête d’affiche, une première partie, et merci au revoir. Je voulais proposer un panel de programmations qui mélange découverte régionale, nationale, et même internationale et que les gens vivent une expérience de live importante.
On a une amplitude horaire qui est très large, on ouvre les portes à 18h00, on les ferme à 02h30 et les Nuits Carrées vont au-delà de la programmation.
C’est un lieu de rencontre, de retrouvailles ; il y a des gens qui peuvent venir au festival et ne pas voir un concert si ils le veulent parce qu’on a des espaces qui sont fait pour ça. En tout cas le but ça a toujours été de vivre cette expérience de découverte. Le plus beau compliment qu’on puisse nous faire c’est les gens qui nous disent : « Chaque année au festival des Nuits Carrées je ne connaissais rien, y’a des choses que j’aime, des choses que je déteste, mais qu’est-ce que je passe un bon moment ».
Et ça pour nous c’est le signe de ce pari réussi, ce mélange de tête d’affiche, de découvertes, de lieu de vie culturelle à ciel ouvert pour un festival au vrai sens du terme, on n’est pas une salle de concert en plein air.
Oui vous poussez vraiment le concept à fond. Et si les gens ne veulent pas voir de concert sur place, ils ont une zone où ils y aurait je ne sais pas, les stands, des ateliers etc... ?
Oui mais on est assez limité par la place parce qu’on ne peut accueillir que 3500 personnes et c’est une taille que j’adore travailler parce que c’est intermédiaire et ça permet de conserver un lien avec le public. Donc oui il y a cet amphithéâtre magnifique qui est face à la scène avec une fosse assez importante et tout un espace dédié aux bars, à la restauration où les gens peuvent se retrouver, se poser. Aux heures d’ouverture on voit arriver des familles avec des poussettes, des jeunes enfants et ça c’est une grande satisfaction.
Ça a toujours été comme ça ou le festival s’est démocratisé ? Comment a évolué le public ?
Dans ce type d’événement on part du principe, même après 10 éditions, que le public n’est jamais acquis et qu’il évolue. Le public qu’on avait au début a maintenant 10 ans de plus et l’offre d’un territoire évolue, les attentes du public évoluent et c’est quelque chose sur lequel on ne peut pas s’asseoir, il faut rester attentif et garder le public au centre de la réflexion et ne pas le considérer uniquement comme consommateur d’un offre événementielle musicale.
Et nous on essaye vraiment de mettre le public au centre de la réflexion, comment agir pour fédérer le public, la société autour d’événements qui ont un rôle à jouer sur le territoire, de part sa taille, de part sa date : on est à la fin du mois de juin donc avant la saison estivale pour toucher un public local. Après il y en a qui viennent d’un peu plus loin parce qu’ils vont être attiré par tel ou tel artiste. C’est quelque chose qui doit être réinterrogé chaque année.
D’où l’apparition des esthétiques rock alternatif et métal depuis l’année dernière sur le festival qui nous a permis d’ouvrir des portes.
C’est une bonne chose ça ! (Rires). Et surtout que cette année on a une soirée 100 % metal français, quatre groupes de styles différents, de renommées différentes, à commencer par le grand retour de Pleymo, Smash Hit Combo digne héritier, Dagoba LA grosse étape régionale et du fun avec Ultra Vomit.
Comment avez-vous organisé cette affiche ?
Ce que je voulais sur cette soirée c’était de proposer une soirée 100 % française qui proposerait un panel représentatif de plusieurs générations et de plusieurs courants actuels. C’est parti de Pleymo pour le côté légende, historique, qui devait être le point d’orgue de cette soirée ; comme tu le disais très bien le penchant moderne et nu metal et découverte sera Smash Hit Combo qui vient un peu en réponse à Pleymo.
Et entre les deux Dagoba qui est une formation de notre région PACA qui représente bien notre territoire dans leur parcours et leur carrière donc on est fier d’eux. Et Ultra Vomit qui venait se poser là d’une manière parfaite comme si on avait eu envie de dire « On peut bien rigoler de tout ça quoi ! », ce côté ‘on se prend pas au sérieux et qui décomplexe un peu tout le monde.
Pour moi c’est une recette bien équilibrée, même la soirée du 30 où il y a aussi du metal mais elle a été pensé différemment, j’essaye de raconter une histoire, que ça ait du sens.
Pour cette soirée c’est réussi ! Quand j’ai vu l’affiche je me suis dis « Putain je dois absolument y aller », et effectivement de mettre Ultra Vomit ça peut montrer à ceux qui trouveraient que Dagoba ou Smash Hit Combo sont trop violents que le metal c’est avant tout du fun et du partage.
D’ailleurs en tant qu’organisateur de festival comment perçois-tu le metal sur territoire français notamment depuis l’explosion du Hellfest ?
Je suis absolument persuadé que le public français est empreint de rock et je m’en suis vraiment rendu compte l’année dernière avec Trust et Sepultura et surpris par la typologie du public. Je pense qu’il y a des gros moteurs, comme le Hellfest qui ont énormément servis la démocratisation de ces esthétiques rock et métal qui ont toujours été incroyablement dynamique sur le territoire français, ça fait partie des styles les plus pratiqués par les amateurs ou en professionnalisation etc..
Aujourd’hui quand on annonce un groupe comme Sepultura ou Soufly, comme Dagoba on se retrouve souvent avec un public de trentenaire, quarantenaire qui n’écoute pas forcément de metal à la maison mais ça le ramène à des souvenirs, des expériences d’ados ou jeune adulte.
Pour moi c’est vraiment rentré dans les mœurs et dans l’ADN fondamental de la musique tout public.
Ensuite tu peux rentrer dans les niches plus difficiles, plus spécifiques, plus pointues. L’année dernière aux Nuits Carrées dans le concert de Sepultura on voyait des nanas en talons dans la fosse…
Ah ouais quand même…
Parce qu’elle vivait une expérience incroyable…. J’exagère un peu le trait mais c’est un peu ça. Je pense que ces esthétiques répondent aux fondamentaux du festival, pour moi ça reste un ensemble d’esthétiques musicales qui continue de toucher de plus en plus une tranche d’âge très large, un public très familial parce que tout le monde y trouve un peu son compte et je pense que les gens, de la même manière qu’il y a une explosion du rap français aujourd’hui, qui a été mis de côté pendant des années, les gens reviennent à des expériences musicales, un concert de metal c’est une expérience, ça crée quelque chose, on sort des choses lisses et convenues et c’est ce qui explique aussi selon moi le gros retour du rap français d’où sa présence sur le festival.
Je suis tout à fait d’accord, j’en peux plus de ces musiques formatées qui passent à la télé ou la radio. Ça doit changer ! Et d’ailleurs est-ce qu’il y a un groupe que tu rêverais de programmer sur le festival ?
J’adorerais, parce que ça représenterais vraiment le croisement de nos esthétiques depuis des années, ça serait Body Count, les Prophets of Rage, ces styles rock hybrides qui sont quand même bien implantés dans le hip hop. J’ai plein d’envies ! (Rires)
J’adorerais accueillir un groupe comme Architect, il y a tant de choses… Parkway Drive qui serait un monument sur les Nuits Carrées.
Ça risque de ramener du monde mais vous êtes limités par la place. Qu’est-ce qu’il se passera quand vous afficherez complet en un temps record et que de nombreuses personnes ne pourront du coup pas assister au festival ?
On ne pourra pas déménager, l’ADN est trop liée au site. Ça s’appelle Nuits Carrées parce qu’on est au pied du Fort Carré. Si on devait arriver à une situation comme ça, ce qu’on souhaite avec le temps, je pense que ça serait un peu ce qu’on a fait l’année dernière en rajoutant une troisième soirée.
Si nous ajoutons une quatrième soirée, qu’est ce que cette soirée nous propose comme histoire dans le festival pour ajouter une vraie plus-value artistique ?
Ou pourquoi pas rajouter des éditions sur d’autres périodes de l ‘année tout en conservant cet ADN des Nuits Carrées.
Je vois que vous y avez déjà pensé donc l’aventure va continuer un moment. Pourrais -tu nous raconter un bon souvenir et ton pire souvenir sur le festival ?
La plus belle anecdote vient du nom du festival. C’est un sacré souvenir. On a découvert le site au pied du Fort Carré, on voulait l’appeler « Les Nuits du Fort Carré » mais ça sonnait pas trop donc on a décidé d’appeler ça les « Nuits Carrées » et c’est sous ce nom que l’on a présenté ça aux institutions. Et un truc qu’on a pas vu venir c’est le soulèvement d’une population d’un certain âge, sur le nom du festival.
On était assez étonné et pour la simple et unique raison qu’en vieux français « Les Nuits Carrées » c’est des partouzes…
Ah oui je vois le problème !
Donc voilà, on disait les parties carrées, les soirées carrées, les nuits carrées etc.
Donc c’est hyper cocasse quoi. On se prend ça de la part d’une population, c’est défendu mais c’est resté comme ça, on est resté dans notre orgie musicale.
Après dans les bons souvenirs artistiques il y a la découverte alors qu’ils étaient encore peu connus, en 2012 de Asaf Avidan qui a été une énorme claque dans la tête du public, ça a été un moment incroyable et deux mois plus tard ils devenaient ce qu’ils sont aujourd’hui.
En gros souvenir de public, de frissons ça a été la venue d’IAM en 2015 pour le côté hip hop parce dans un site comme ça à taille humaine un concert d’IAM ça devient quelque chose de complètement magique quoi ! Il y a aussi voir la réaction du public devant Sepultura l’année dernière, ça c’était extraordinaire !
Et pour les pires souvenirs, j’en ai pas vraiment, en tout cas artistiques. Il y a des petites déceptions, des artistes peu impliqués dans ce qu’ils font, mais pour être franc avec toi, des mauvais souvenirs, en 12 ans d ‘éditions j’en ai pas. Il faut savoir que quand on organise le festival et bien… j’évite les connards en fait (Rires).
On essaye de savoir avec qui on va travailler parce que c‘est une aventure qui doit être partagée avec les artistes donc on évite les gens trop compliqués.
Pour que ça continue dans de bonnes conditions c’est nécessaire. D’ailleurs comment vois-tu le festival dans la décennies à venir ?
Alors les dix prochaines années je pense qu’on les fera. Mais pour être franc je pense que j’arrêterai le jour où je programmerai des choses qui me font chier, le jour où tu ne programme que pour une rentabilité. Ce jour là j’arrêterai parce que je me serais trop écarté de ce pourquoi je fais les choses.
Maintenant en dix ans il peut se passer énormément de choses, sur le territoire ou dans l’offre globale, sur la Côte d’Azur il y a de plus en plus de territoire, de tous les styles, de tous les prix mais il n’y en a pas beaucoup qui passent les dix ans.
Je pense que tant qu’il y aura des gens sur le festival et qu’on programmera des choses qui nous excitent on continuera, et je pense que dans dix ans ça sera le cas.
J’espère pour toi que ça sera le cas ! Je pense être arrivé à la fin de mes questions donc je te laisse les derniers mots si tu veux conclure ou passer un message.
Si je devais donner un message au public, c’est un peu ce que je te disais tout à l’heure, c’est de prendre conscience de l’importance des événements intermédiaires, des événements qui sont attachés à leur territoire, qui sont fait pour les publics du territoire, et que l’on doit continuer à soutenir.
Critique : SBM
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