Chronique

VISAVIS - WAR MACHINE / Season Of Mist 2019

Attention, toi qui pratiques « le jeunisme » ces lignes ne sont pas pour toi, toi qui n’aimes pas les punks, qui n’aimes que le nouveau et le trendy et qui as peur de passer le périf’ (quelle que soit la ville entourée par ce genre de ceinture de chasteté de la curiosité). Je blague un peu mais pas trop. On a tous dans notre discothèque des groupes de notre village, ou du village d’à côté, des concerts où on allait dans le pub à musique de la région, avec des formations tellement implantées localement qu’elles font partie des légendes locales, comme Bigfoot, la bête du Gévaudan ou Ginette Taboui (les Creusois nés en 1916 savent qui c’est). Visavis est un groupe corrézien qui s’accroche depuis trente ans, avec des hauts, des bas, des drames et des victoires, dans ce qu’on appelle la scène indé française, faisant ce qu’ils savent faire, du rock bien musclé quelque part entre les deux premiers Maiden, Mötorhead pour l’esprit et Ian Dury pour la voix. Certains cherchent la gloire. Très clairement, ce trio cherche juste le bruit et le cambouis et, si au passage la bière pouvait être vaguement fraîche, je pense que ça suffirait.

Visavis sont à peu près le portrait robot du rock sans âge qui cherche juste à faire son truc en se foutant des modes. Des refrains faits pour être beuglés dans des ambiances où la clope sentait bon la pression ambrée et vice versa. C’est pas parfait bien sûr, l’accent anglais laisse clairement à désirer et il s’en fout pas mal, les guitares sont parfois un brin nasales en lead, la faute à la prod qui est quand même pas si mal, et le tempo ne cherche pas à briller par la vitesse à tout prix mais carbure plutôt à la régularité en mode coups de poings assénés pour faire mal. Ce groupe, c’est un camion qui roule depuis un moment et assume ses rayures. Et si ça sent l’asphalte chaud c’est parce qu’ils ont vu leur vie et qu’elle est autant derrière que devant eux, plus rien à se prouver, juste de l’envie et la certitude qu’il y a qu’un seul type de baffes à donner, celles qu’on envoie au présent. Visavis a la beauté de ses imperfections, les rides ne sont pas refaites, elles sont là, visibles mais pas usées, comme des cicatrices qu’on montre fièrement après s’être battu pour rester debout.

Le trio corrézien n’a pas inventé la poudre, mais ils savent s’en servir, pour le plaisir goguenard de faire péter des trucs. Et c’est déjà pas mal. Ce neuf titres est à ce jour leur production la plus longue et, grâce au financement participatif, un peu plus que leur œuvre à eux, car c’est aussi celle de leurs fans, potes, familles et magnifiques inconnus conscients que pour faire les choses il faut s’entraider. Ça donne un truc généreux et simple qu’on a envie de soutenir tout en sachant que ça ne marchera pas et au fond qu’importe : l’important c’est de se lever, pas d’être vu debout. Visavis est debout… et c’est bien.
 
Critique : Thomas Enault
Note : 6.5/10
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