Chronique

DANIELE LIVERANI - WORLDS APART / Autoproduction 2019

Daniele Liverani est un garçon prolifique, logorrhéique même, dirais-je. Génie autoproclamé, le garçon est une sorte de version italienne de Malmsteem. Le « modeste » suédois fait d’ailleurs partie de ses influences, mais aussi des musiciens chez qui il a parfois pioché ses comparses, chanteur notamment. Comme beaucoup d’Italiens, il parle avec les mains (ce qui est un atout avec une guitare) et comme beaucoup de représentants de la scène Métal italienne il aime le symphonique, être un virtuose et les mélodies qui font verser une larme au coucher du soleil. Sa majesté Daniele a aussi un niveau d’autosuffisance, hélas ou tant mieux, qui dépasse de très loin la moyenne. En effet il est littéralement virtuose en… à peu près tout ce qu’il touche. Et ça, qu’on aime ou qu’on n’aime pas, ça vous en troue néanmoins un deuxième (je vous dirai pas quoi, je pense qu’on est raccord). Alors ce garçon donc, bosse dur et mérite qu’on parle de lui, certes. Mais à un moment, comment dire à quelqu’un qu’il serait peut-être bien de se tourner vers ailleurs que son propre nombril ?

On pourrait presque appeler ça le syndrome Malmsteem en fait. Ok t’es super bon, mais le monde a changé et c’est plus suffisant depuis que Shrapnel records a mis la clef sous la porte en… On me souffle que le label de Mike Varney existe encore mais bon, vu que la dernière newsletter sur leur site a 3 ans, je me permettrais d’annoncer sa mort clinique en 2016, mais sa mort réelle bien avant, mettons à la sortie, pas assez remarquée, en 2000 du « Alligator Farm de Paul Gilbert ». Daniele Lerani est-il un vrai génie-né au mauvais moment ou un maniériste italien comme ce merveilleux pays en a porté pléthore ? Cet album riche en musique (vraiment au point de faire passer le menu gastronomique de n’importe quel restaurant du sud ouest pour un truc facile à digérer par un vegan) est-il un tour de force ? (Oui). Indigeste ? (Un peu aussi). Pompé sur l’intégrale des albums de rock intrus des années 80 et de la musique de films inspirés par Debussy et Stravinsky en moins aventureux ? (Encore oui). Alors voilà, j’ai un énorme respect pour les mecs capables de jouer aussi bien, aussi intelligemment et d’avoir une vraie vision globale de la musique. Et c’est le cas, mille fois le cas, dix mille fois le cas. Mais quand j’ai l’impression d’entendre un morceau de Jason Becker (que j’admire) sans le côté surprenant qu’avait sa musique, suivi d’un mauvais Brahms poussif et pompeux tout droit sorti d’un film romantico-napolitain, j’avoue, je crie à l’indigestion. Tout l’album est construit sur cette dichotomie Métal instrumental ringard et classique éventé.

Daniele, ce n’est pas parce qu’on peut le faire qu’il faut le faire. Oui tu es doué, mille et une fois plus que la plupart des musiciens de ton pays (mais même pas forcément de tous donc calmons-nous un peu), oui tu as fait le conservatoire (et appris dans ta chambre aussi bien sûr) mais j’ai envie de dire…. Comme la plupart des musiciens qui dépassent 5 accords dans une chanson et trois arrangements de cordes en majeur…
Mais la quantité et la qualité ont beau être là, j’ai juste le sentiment d’une succession d’exercices de styles façon rodomontade pour musicien. Je ne sais pas quel film pourrait contenir toute cette musique, mais on sent définitivement qu’un téléfilm autobiographique sur Daniele Liverani produit par la Rai 1 serait le format le plus adapté.
On alterne vraiment systématiquement et sans transition les trucs rock Métal et le pseudo flonflon orchestral et dans les deux cas on reste dans le classique (années 80 et début 20ème siècle maximum d’un point de vue stylistique). Donc on se demande si le garçon a la radio, ou s’il ne rêve que d’être diffusé sur la version transalpine de Nostalgie… J’ai à la fois mal à mon Van Halen et à mon Beethoven, les deux sont autrement plus modernes et rock’n’roll. Toi qui aimes le classique passe ton chemin, toi qui aimes le Métal symphonique, refugie toi ailleurs, attention, gloubilboulga.
 
Critique : Thomas Enault
Note : 4/10
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