Chronique

THE LAST INTERNATIONALE - SOUL ON FIRE / Autoproduction 2020

Si on vous demande ce qu’il est arrivé de cool en 2020, je me doute bien que vous serez quand même relativement emmerdés. A froid comme ça, c’est un peu le sujet qui fâche. Allez on va vous aider : dans les trucs bien, il y aura eu la sortie (re-sortie en fait, la vie d’un disque est parfois aussi compliquée que la vie des gens) de « Soul on Fire » par The Last Internationale. Alors est-ce que cet album a les épaules pour sauver toute une année ? Peut-être pas, mais quand même pas loin. Pas loin au sens où rétrospectivement je vous garantis que dans 3 ans vous préférerez vous souvenir de ça déjà. Mais aussi pour d’autres raisons.

D’abord ce groupe c’est un peu un conte de fée populaire. Si je dis populaire c’est au sens qui vient du peuple, pas pour dire que c’est le chainon manquant entre Julio Iglesias et Sum 41 (avouez que plus pop que ce grand écart-là ce serait dur). Populaires, ils le sont comme le blues l’était, comme le hardcore l’était, comme le rock’n roll ou la New Wave of British Heavy Metal l’étaient : la musique et leurs vies se touchent, sentent la vie, la poussière et la sueur, les poches vides et les rêves d’ailleurs. Leur parrain de cœur, Tom Morello -après les avoir pris sous son aile à leurs débuts- produit ici un brûlot splendide où le talent du duo est ciselé pour que chaque titre soit entendu comme le single potentiel d’une révolution cool qui groove à en faire perdre la tête.

Ensuite, dites vous que si Karl Marx avait joué le blues avec Nina Simone ça aurait peut être sonné comme ça. Si Patty Smith avait 20 ans et un t-shirt d’Audioslave aussi. On navigue dans ce genre d’eaux qui pourraient de prime abord sembler incompatibles et qui pourtant, une fois le disque lancé, prennent corps, sens, s’imposent comme une vraie logique non programmatique. Delila et Edgey ne calculent pas, se mettent à chanter et scander quand on les interviewe, pourraient parler politique internationale et histoire du blues pendant des heures sans même lasser un néophyte (alors imaginez si vous aimez ça). Alors bien sûr, ce n’est ni du hardcore, ni du rock pur ni du Metal. C’est de la « protest soul » aux relents punks dans la brutalité crue qui faisait les premiers disques de blues. Rauques, acerbes, hurlantes et murmurantes, les nuances d’un même cri de revendication s’enchainent, se déchainent plutôt. Il n’y a pas de genre en soi, rien de « choisi comme carcan créatif pour imposer un langage comme solution ». Il n’y a qu’un cri, porté par des guitares qui suivent les inflexions d’une voix magique, clashant, taillant coupant miaulant. Piochant aussi bien dans l’intensité brute du hip hop que dans la sobriété d’un gospel épuré ils ne s’interdisent rien. Le résultat est à la hauteur du pari, au-delà, ailleurs.

A noter que n’ayant pas de batteur titulaire, ils ont ce coup-ci débauché Joey Castillo, utilisant la frappe de colosse de l’ex-Queen of the Stone Age comme ils s’étaient nourris sur le précédant opus de celle de Brad Wilk, cogneur en titre de RATM (quand on vous dit que tonton Tom les aime) pour répondre à leur musique de façon singulière.

Je ne crois pas en grand’chose, eux pensent qu’on peut sauver le monde avec de la musique. Ils ne sont pas loin de me convaincre. Comme quoi, la révolution peut prendre de nombreuses formes. Celle d’un disque de ce calibre n’étant pas la plus désagréable.
 
Critique : Thomas Enault
Note : 9/10
Site du groupe : Page Facebook du groupe
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