Chronique

GOJIRA - FORTITUDE / Roadrunner records 2021

Ça y est, le septième album tant attendu de Gojira est là. No spoil, c'est à nouveau un bouleversement sur la planète métal. Une véritable lame de fond qui se propage même jusqu'aux grands média français qui, enfin, adoubent les béarnais devenus de véritables stars internationales. Cet engouement est également motivé par un activisme affiché sur la question écologique : "The greatest miracle is burning to the ground" résonne dans Amazonia, et parle à tous et à toutes. Fortitude sera à n'en pas douter un best-seller, et une égérie du métal pour la décennie à venir.

Qui dit best-seller, dit aussi en théorie plus mainstream, plus accessible. Ce à quoi il faut répondre à la Normande "oui et non". Certes, Gojira a bien une nouvelle fois élargi les horizons puisqu'il a poussé la présence des voix claires et des espaces aériens jusqu'à parfois sortir complètement du métal. Il n'en demeure pas moins que l'approche musicale et esthétique est celle propre au groupe. Et puis, ce qu'il gagne en espace de vie, il le prend double en espace de mort. De véritables mastodontes ont jailli des cordes et des fûts, et laissent chacun un souvenir indélébile comme quelques madeleines de Proust à ceux qui partagent une histoire commune avec le groupe.

Racines, sacrées racines
C'est en premier lieu l'histoire du métal des années 90 et à ce titre, Gojira tient la promesse qu'il avait faite avant Magma d'apporter du riffing Pantera dans leur composition. Du groove, du direct, et des effets de guitare bien grinçants. On pourra ajouter une vision Soulfly, pour ne pas dire Max Cavalera, quand Amazonia incorpore sur fond de mur de son, des instruments exotiques et des voix shamaniques. Une promesse aussi garantie par l'appui d'Andy Wallace à la production qui n'est autre que celui qui accompagné les best-sellers des best-sellers métal et alternatif de la même époque ; pour ne citer que quelques groupes : Slayer, Nirvana, Sepultura, System of a down, Korn, Linkin Park.

Le retour de la baleine volante
Ces clins d'yeux glissés ça et là restent quand même discrets, puisque la durée raccourcie des titres s'inscrit dans l'épuration radicale opéré sur l'album précédent, en comparaison avec autre commun qui fait un retour tonitruant : From Mars to Sirius. Le baleines volante a surgi d'un trou dans l'espace-temps pour balancer trois gros jets qui éclaboussent l'album d'une empreinte Gojiresque, dont l'extraordinaire Sphinx, la plus grosse pièce de l'album New Found ou encore la conclusion de l'album Grind, véritable pinacle de brutalité et de dissonance.

Dans la tempête
Au milieu de tout cela, il y a bien entendu le nouveau Gojira. Par exemple, l'interlude Fortitude suivi de The chant coupent l'album en deux avec un moment suspendu dans le temps, porté par chœur chanté, païen, primitif, spirituel, qui reprend l'idée de riffing et de chant de The shooting star et l'amène à pleine maturité ; sans oublier un solo inattendu joliment amené. Il faut parler de Into the storm, synthèse de ce que le groupe représente aujourd'hui, au travers d'un titre aux multiples facettes, qui parle de désobéissance civile, et qui s'engage sur un bruit lointain et de plus en plus pressant d'une locomotive lancée à pleine vitesse incarnée par le jeu de Mario Duplantier. Effet garanti. En parlant de synthèse, il faut évoquer The trails qui renvoi au spleen que le groupe insère dans sa tracklist depuis l'Enfant Sauvage.

D'ailleurs, et pour conclure, c'est la tracklist la véritable force de l'album, et le point sur lequel il surpasse tous ces prédécesseurs. Comme tout bon discours, la maîtrise du rythme, le respect d'un certain temps de pause, de prise de respiration, de moment de réflexion aussi, permettent à Fortitude de se faire entendre aussi bien sur le plan technique, que sur le plan esthétique et vibratoire. Fini les murs de son hermétiques, désormais Gojira vous invite lentement à plonger dans le death metal. Aller simple. Bravo.
 
Critique : Weska
Note : 10/10
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