Chronique

ZEAL & ARDOR - ZEAL & ARDOR / MVKA 2022

Révélation, révolution, consécration. En seulement deux albums, Manuel Gagneux a réussi une ascension fulgurante grâce à ce qui n’était au départ qu’une idée sur les réseaux sociaux : mélanger le black métal et le negro spiritual. Sa troupe parcours désormais le monde avec les majors du métal, remplit des salles et truste sa place dans les festivals. Cas presque unique en musique d’avant-garde. La prochaine page s’écrit avec ce troisième album, éponyme, Zeal&Ardor. Un signal fort qui n’est absolument pas anodin et rebat les cartes.


L’artwork s’inscrit dans la continuité de l’EP Wake of a nation. Pas de connotation métal, pas de symbole Lucifer ni quoi que ce soit de repoussant. Une mise en avant simple et épurée de ce qu’est Zeal&Ardor. Un militant de la cause noire. Sans étiquettes. Black lives matter. Pour revenir à la musique, la première écoute m’a fait l’effet surprise du chocolat à l’alcool. Tous les ingrédients d’origine sont bien là, mais ils se parent d’une saveur nouvelle. L’album regorge de surprises et pique au vif ma curiosité.

Dans cette boite de chocolat, il a été important de revenir à des plaisirs régressifs, au réconfort. S’il n’est pas le seul dans son genre, Death to the holy s’est avéré un véritable chocobon. Le sac de coton dans le dos, les coups de fouets que symbolise cette rythmique répétitive, et le malaise de la folie du black métal rappellent la signature du groupe tout autant que cette production faussement au rabais, pleine de saturation, de compressions et de guitare dopée à la reverb. Ce morceau, c’est la maison.

Et pourtant déjà là, il vire progressivement sur des notes nouvelles. Synthétiques, industrielles, cyber. Comme pour enfoncer le clou, Emersion prend le relai. Ce mot signifie “Brusque réapparition d'un astre qui était éclipsé ou occulté.” Autrement dit, si on l’avait loupé, 3 minutes ont été prévues pour projeter dans la face une furia électro black metal qui apporte de la lumière là où régnait la souffrance et l’esprit de vengeance. Alors qu’il y a bien un déchaînement d’énergie et de hurlement, il n'en émane pas moins une peinture colorée et rassurante, enfantine. Emersion fait basculer à lui seul les intentions du groupe, et de celui qui écoute. Zeal & Ardor 2.0

Cela ne s’arrête pas là. L’album s’ouvre à des inspirations des années 90, période de libération et de renouveau pour le métal. Le suisse new-yorkais ne manque pas de tenter des voyages US-UE pour brouiller les pistes, même s’il se sera amusé à nous tendre une grosse perche avec l’explosif Götterdämmerung. Cette tendance vire à l’exercice sur I caught you qui réussi avec brio le pari de tout mélanger : incantations terrifiantes, nu metal, punk et bon growl de bourrin. Incroyable.


En verdict, Zeal & Ardor réussi sur tous les tableaux. Il cultive son sens cinématographie avec des pièces vivantes, fortes en images et en émotions que ce soit avec guitare saturée -How your head low- ou sans -Golden Liar-. Le black métal n’est plus qu’un ingrédient parmi tant d’autres pour réussir de véritables tours de force. Au-delà de cela, tous les titres ont leur rôle à jouer et c’est véritablement le premier du groupe à être infaillible de bout en bout.
Une dinguerie de 2022.

Tracklist
1. Zeal & Ardor
2. Run
3. Death To The Holy
4. Emersion
5. Golden Liar
6. Erase
7. Bow
8. Feed The Machine
9. I Caught You
10. Church Burns
11. Götterdämmerung
12. Hold Your Head Low
13. J-M-B
14. A-H-I-L
 
Critique : Weska
Note : 10/10
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