Interview

DEMONS & WIZARDS (2020) - Hansi Kürsch (Chant)

A l’occasion de la sortie du très attendu et sobrement intitulé « III », Les Seigneurs du Metal ont eu l’opportunité de rencontrer Hansi Kürsch pour en savoir un petit peu plus sur cet opus et sa création.

Thomas : Bonjour Hansi. J’ai tellement de questions… Vous arrivez avec un album après quinze ans. Si on t’avait dit ça tu aurais fait quoi ?


Hansi Kürsch : Quand on a terminé, il y a quinze ans, « Touched By The Crimson King », je n’aurais jamais cru que l’on mettrait quinze ans à achever cet album. Il était clair pour Jon et moi que l’on referait un album dans disons les cinq ans à venir, ce qui nous aurait mené en 2010. Et voilà, en 2010 on a vraiment commencé à parler de l’album mais Blind Guardian est très occupé, Iced Earth est très occupé. Nos emplois du temps, étonnement coïncidaient bien les premières années mais ces derniers temps, Blind Guardian était en tournée quand Jon avait du temps de libre et inversement ce qui rendait difficile l’implication dans DEMONS & WIZARDS.
Néanmoins on a recommencé à en parler sérieusement en 2016 ou 2017, on s’ est posé et on s’est dit que fin 2018, début 2019 était une bonne période pour faire l’album et après faire une tournée mais on nous a offert l’opportunité d’être tête d’affiche au Wacken et nous avons du changer l’emploi du temps et le cadre dans lequel nous voudrions Demons & Wizards pour l’avenir, juste un peu.
Et on y est, d’une certaine façon on s’est arrangé avec Jon pour sortir l’album !

Malgré les quinze ans tu as sorti cette année un album orchestral « Legacy of The Darklands », cette année a effectivement été très chargée.

Les douze derniers mois ont été assez mouvementés, l’idée que Jon et moi nous mettions ensemble sur l’album était basé sur l’idée qu’à ce moment là j’en aurais fini avec Blind Guardian Twilight Orchestra. Mais la réalité nous a encore une fois prouvé le contraire.
Quand on préparé le live de Demons & Wizards je travaillais toujours sur Blind Guardian Twilight Orchestra, c’était en 2019, et je devais finir cet album, aller voir le label pour commencer la promotion, tout en terminant bien sûr l’album de Demons & Wizards. Mais tout s’est bien passé, vingt-deux ans pour faire le Twilight Orchestra, quinze ans pour Demons & WIZARDS, donc oui ça a été une année chargée mais on peut aussi dire que j’ai été feignant vingt et un ans pour Blind Guardian et quatorze ans pour Demons & Wizards donc je paye mes dettes.

Comment avez vous fait cet album ? Vous avez longtemps attendu, beaucoup tourné, et le faire et le finir à la hâte, et j’insiste sur le finir à la hâte. Est-ce que ça vous a pris quinze ans pour y penser ?

Je suis en personne qui doit être dans les gènes de Blind Guardian, je ne précipiterai jamais un de mes projet, ce n’est pas pour moi. Quand on a commencé à travailler sur Blind Guardian Twilight Orchestra, on savait que ça serait un long projet mais malgré tout je ne pensais pas que ça durerait si longtemps. La façon d’accomplir tout cela était simplement trop difficile, écrire les orchestrations, trouver l’orchestre et les bons musiciens, et bien sûr finir mes parties de chant, nombreuses et nous devions aussi trouver le juste timbre pour la voix, ce qui était un procédé plus complexe pour moi.
Et pour Demons & Wizards je dois dire que, outre le fait qu’il soit difficile d’être ensemble, il y a une bon arrangement dans ce que l’on fait, Jon fait les arrangements musicaux, moi les arrangements vocaux, et un peu plus tard je suis en charge de 70 % des paroles, parfois 80 %, mais c’est quelque chose que je peux gérer surtout si ça définit la musique, surtout dans le contenu de « III » qui a une musique variée, précise. C’est riche pour l’auditeur en terme d’émotions, mais en profondeur il n’y a pas autant d’éléments que ce que l’on pourrait trouver dans Blind Guardian ou sur le Twilight Orchestra.
La réalisation de l’album et l’écriture étaient bien plus facile à appréhender, on savait ce que l’on attendait et ce que l’on voulait, donc il n’y avait pas besoin de se précipiter, on y a pensé très précisément, et la tolérance avec laquelle on approche le matériel donne plus d’options avec Demons & Wizards qu’avec Blind Guardian.

Vous avez tous les deux dédié votre vie à un groupe, qui ont des points communs mais qui sont très différents. Vous avez malgré cela réussi à être amis et à le rester avec la distance, ce qui est assez difficile comme tu le disais avec les emplois du temps.
Est-ce que vous trouver l’approche de ce groupe différente sachant que vous êtes tous les deux le centre de vos groupes ?


Pour tous les deux Blind Guardian et Iced Earth ont été des parties importantes de nos vies et on l’a choisi donc je n’ai pas à me plaindre et je continuerai à dédier ma vie à étendre Blind Guardian et on peut dire pareil de Jon.
Il y a des différences dans la façon de maintenir les groupes bien sûr, il y a des différences musicales mais c’est ce qui est beau avec la musique. En étant ensemble dans Demons & Wizards on ne renie pas nos racines, et on y apporte les éléments qui nous définissent en tant que musiciens et peut être même en tant que personnes.
Et la magie de Demons & Wizards est ce mélange, parce que ça s’agence parfaitement ce que à quoi Jon et moi n’avons pas pensé jusqu’à ce que l’on compose la troisième chanson, « My Last Sunrise » en 1997-1998. A ce moment là on était déjà amis depuis sept ans et on n’avait jamais parlé de faire de la musique ensemble, c’est arrivé comme ça pendant une gueule de bois et qu’on avait du temps à tuer.
Dans un laps de temps très court, « My Last Sunrise » a été créé et cette qualité, cette magie de faire des chansons ensemble est toujours là quand on échange des idées comme il y a quinze ans.
Et je dirais que le laps de temps peut être de six mois, un an ou quinze ans, on pourrait refaire un album, on ne sait juste pas si ça arrivera.

Artistiquement je n’ai aucun problème à séparer les deux projets parce que c’est une approche individuelle et des réceptions personnelles des arrangements de Jon ou André. Je compose un peu quelques arrangements musicaux aussi mais qui sont plus dédiés à Blind Guardian parce que j’ai toujours eu le temps et la passion de le faire quand je suis en mode Blind Guardian. C’est la seule exception.

En écoutant l’album j’ai trouvé qu’il y avait quelque chose de brut sur le son des guitares, de direct : vous branchez et vous jouez, et pourtant le son des voix est très sophistiqué.

Tu as raison, mon impression, quand je l’ai reçu, a été de l’honnêteté pure, j’ai reçu ce sentiment de la part de Jon où oui il y a ce côté brut, il n’y a pas des centaines de pistes, il y a des choses par ci par là mais la richesse vient de l’esprit de l’instrument, la pureté de la performance. C’était comme ça dans l’écriture et on a voulu saisir ça durant la production ce qui est quelque chose de génial avec une équipe comme Jon et Jim Morris. Ils ont réussi ç capter ce moment et ça se ressent dans l’album.
Et quand j’ai fait le lien avec ma voix et mes mélodies ça a aussi été spontané et naturel, c’était intense et immédiat. C’était un réaction à ce que j’avais écouté pendant l’écriture, donc évidemment on a continué dans ce sens là, à faire quelque chose de brut.

J’essaye de polir ma voix du mieux que je peux, il y a assez de trucs dans ma voix avec la distorsion et la façon dont je maintiens un air et ça doit être précisément produit, j’ai donc fait très attention à la voix et j’ai pensé que malgré la composition d’une manière générale et malgré le son de tout le reste, le mélange serait parfait si on polissait la voix, et c’est ce qu’on a fait.

Il y a beaucoup de textures.

Il y a beaucoup de textures mais je ne suis pas allé aussi loin qu’avec Twilight Orchestra où j’ai voulu être aussi précis et technique que ce que je pouvais, vu qu’un orchestre a d’autres besoins comparé à un groupe de metal. Ce qui a été aussi rafraîchissant pour moi après avoir passé dix-huit mois dans un studio a essayer d’être en harmonie avec le son organique de l’orchestre, ce qui est très ambitieux, ça m’a pris pas mal de temps d’y arriver. Ici j’ai retrouvé le confort des instruments que je joue, mais j’ai essayé d’apporter ça avec ma voix parce qu’il y avait musicalement encore tellement de choses à dire et en fin de production on a légèrement changé ce qu’on voulait faire avec les voix.

Vous avez eu l’opportunité de jouer en live avec Demons & Wizards avant que l’album ne sorte. Quel est le futur de Demons & Wizards concernant le live ?

Le plan initial était d’écrire, de sortir un album et ensuite, tout de suite après, tourner un peu. On savait qu’on aurait beaucoup de temps pour les activités de Demons & Wizards parce que Blind Guardian et Iced Earth sont en pause. Quand on travaillait sur l’album, immédiatement tous les promoteurs de festivals sont venu nous voir nous disant que pour le festival en 2019 ils nous voulaient parce que c’était un projet frais, qui n’a pas été vu depuis vingt ans.
Pour Wacken on avait le choix : soit on était au milieu d’un album et on ne serait jamais prêt, soit saisir cette chance et programmer une tournée européenne et américaine avant la sortie de l’album sachant qu’après on ne pourra pas parce qu’on doit retourner dans Blind Guardian et Iced Earth. D’un autre côté avec Demons & Wizards et sa longue abstinence, le fait d’avoir joué dans des festivals a rallumé la flammes, maintenant les gens sont au courant et savent qu’on pourra reprendre la route pour promouvoir l’album « III » mais ça sera dans cinq ou dix ans je ne peux pas le dire.

Quelle est la différence sur scène entre tes deux groupes ?

La différence entre jouer avec Blind Guardian et Demons & Wizards sur scène c’est que c’est un peu plus facile à mettre en place et à jouer avec Demons & Wizards parce qu’il y a plusieurs clé et je peux m’ajuster, avec Blind Guardian c’est un grand huit constant, je passe d’un extrême à l’autre, c’est plus facile de me laisser aller dans Blind Guardian bien que plus exigeant.

Mais la part de fun est la même, l’expérience a été très amusante mais je suis aussi content de retourner faire plaisir aux gens avec du Blind Guardian. Mon avis en qualité de chanteur serait sûrement différent si on jouait plus avec Demons & Wizards. Mon impression sur scène est qu’avec Blind Guardian ça chante tout le long du concert, les gens connaissent les paroles, techniquement j’ai pas besoin de chanter ! (Rires) Et parfois j’en abuse !
Avec Demons & Wizards c’est légèrement différent, ils se concentrent sur la chanson mais ne chantent pas forcément, ce qui fait que c’est plus important que j’ai contrôle ce que je suis en train de faire ! (Rires)

Demons & Wizards est souvent vu comme une Bête à deux têtes mais Jim Morris y joue une part importante.

Je dirais que Demons & Wizards est le bébé de Jon et moi, il n’y a aucun doute là dessus. Et quelle que soit la personne qui nous rejoint, peu importe les raisons n’est pas figé dans le temps, mais il y a un invité à long terme dans notre petite entreprise et c’est Jim Morris qui a été très utile comme co-producteur sur les trois albums, il a de très bons goûts, il partage notre amour pour les années 70, il vient plus ou moins de cette époque, même plus que Jon et moi. On a grandi dans cette époque mais sans joue sa musique, Jim Morris lui a été musicalement actif à la fin des années 70, et quand il essaye d’être un peu, disons Eric Clapton, il apporte quelque chose de très important à chaque album de Demons & Wizards, il est le lien manquant, l’invité inattendu qui parfois me surprend.
Je sais quand il va faire quelque chose mais je ne sais pas quoi, parfois il suit ce que je fais avec ma voix et parfois il suit quelque chose de totalement différent et j’aime vraiment ça.
Il est également un excellent producteur, on a parlé du côté brut et direct de l’album et c’est un compréhension profonde de sa part qui a fait ça aussi.

Comme tu disais tu écris 80 % des paroles et tout le monde sait que tu t’orientes énormément vers la fantaisie et tu as aussi travaillé avec d’autres personnes, comment tu te vois en tant qu’écrivain ?

Si on parle de ma contribution hormis mon implication dans les mélodies et les tons, les paroles sont très importantes pour moi. J’essaye de faire le lien entre ce que je chante et l’expression individuelle du créateur de la musique, Markus, André, Jon, peu importe et j’essaye de refléter une émotion perçue à un moment de la période d’écriture . C’est le point de départ de ma recherche pour les paroles et le sujet.
Et si c’est une chanson narrative, m’intéressant énormément à la littérature, je pars dans cette direction assurément. Et la chanson a un lien avec la réalité, j’essaye d’y coller. Quoi que je fasse j’essaye de le faire de mon propre point de vue et à travers les années j’ai en quelque sorte créé un genre des style que tu peux deviner sauf quelques fois où si je ne dis rien tu ne pourras pas. Par exemple : « L’inspiration de « Final Warning » vient d’un livre de Brandon Sanderson « The Stormlight Archives » » mais je ne vais pas trop loin dans l’histoire ou comment je vois le scénario mais plus dans l’idée de prendre des petits moments de l’histoire.
Ce que j’ai découvert récemment et j’en ai parlé hier, parce que quelqu’un me l’a dit : j’ai entamé une réflexion sur ma carrière passée, ce que j’ai fait et ce que Jon a fait, et avec Demons & Wizards ça s’est lié aux paroles, je suis revenu dans l’imagination, mais parfois je me perds. Un fan m’en a parlé, à propos d’une chanson de « Nightfall In The Middle Earth », mais c’était il y a vingt ans, à moins de me replonger dans mes notes je ne sais plus pourquoi j’ai écris cette chanson.

En écoutant l’album j’ai eu une révélation avec « Midas Disease », de quoi parle -t-elle ? C’est vraiment pour moi, c’est une question personnelle.

« Midas Disease » a été une des dernière chanson de l’album, c’est sûr, une des dernière que m’a apporté Jon bien qu’une partie de celle-ci a initialement été composé pour Iced Earth. Il l’a mise de côté et n’a jamais vraiment pensé au chant à mettre dessus. Donc quand on a commencé la pré-production il me l’a envoyé pour voir si je l’aimais et voir si il devait continuer pour composer le refrain.
Je l’ai aimé, et comme pour « Children Of Cain », j’ai immédiatement su comment la mettre en forme, et sans qu’il en fasse mention, AC/DC s’est directement imposé dans ma tête, en grosses lettres, donc mon approche vocale a été « Comment rendre hommage à Brian Johnson et Bon Scott » que j’adore, tout autant qu’ AC/DC. J’ai donc modulé ma voix en mémoire à ces deux là c’était vraiment mon impression sur comment ils l’auraient chanté mais en y incorporant un petit peu du style narratif à la Hansi Kürsch et je me suis orienté vers Alice Cooper ou Jon Oliva. Et c’est comme ça que les pièces se sont assemblées, Jon a aimé, il a composé un riff assez cool pour le refrain, on a fini le morceau qui a des sensations, disons , menaçantes, et donc j’ai pensé à un thème pour les paroles, et j’ai directement pensé aux présentateurs télé qui manipulent les gens et comment ils atteignent leur but. Peu importe leur propre le ridicule ou le ridicule du sujet, ils réussissent à la fin, et c’est ça le sujet de « Midas Disease », tout le monde à la fin va croire ce qui est dit : tout ce que ces gens touchent devient de l’or.


 
Critique : SBM
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