Live Report

MOTOCULTOR 2019 - JOUR 2 - 6/9/2019

 
C’est à 12h45 que démarre la deuxième journée du Motocultor 2019, avec les Bordelais de Mars Red Sky, qui ne chôment décidément pas, puisqu’ils ont déjà joué la veille sur la scène du camping. Je suis contente de ne pas être contrainte de les louper, contrairement à certains groupes qui ne se produisaient que sur la scène du camping, pendant que d’autres sets avaient lieu sur le site – toujours des dilemmes… Je déplore un peu de ne pas pouvoir profiter du jeu de scène et des mimiques du batteur, très expressif, que j’avais pu apprécier quelques mois auparavant à la Maroquinerie, sur une scène ô combien moins élevée que la Dave Mustage, aka le piédestal des enfers. La setlist ne fut pas une grande surprise pour moi puisque leurs 6 titres, « Way to Rome », « Collectors », « Hovering Satellites », « The Light Beyond », « Apex III » et « Strong Reflection » figuraient au programme de leur concert parisien de mai, ce qui m’a permis de me laisser porter par l’ambiance aérienne et éthérée de leur musique m’étant déjà familière – alors que certains amis avaient du mal à accrocher, moins rompus à leur style et plus friands d’hymnes accrocheurs. En ce qui me concerne je reste toujours séduite par la voix singulière du chanteur un peu lunaire et dans son monde, par ce trio (chant et guitare, batterie et basse) rock psyché calme et puissant à la fois, porteur d’un univers bien typé.

Après cette introduction douce et agréable pour commencer la journée du bon pied, changement de scène pour aller voir ce qui se passe du côté de la Massey Ferguscene : Oak’s Crown. Le trio nous vient de Vannes, et se définit comme un groupe de stoner sludge élevé en fût de chêne, principalement influencé par Down, Red Fang et Eye Hate God (plutôt cool de jouer dans le même festival qu’une de ses influences majeures) ; on est loin de l’ordre de la Couronne de Chêne, un ordre honorifique fondé par Guillaume II en 1841. Les attitudes des trois larrons sont franchement sympathiques, tous les membres du groupe ont une présence scénique correcte, des mélodies entraînantes, un certain talent, et pourtant leur prestation ne me reste pas longtemps en mémoire – peut-être pas assez particulière de prime abord. Je me repencherai sûrement sur la question à l’occasion.

Troisième formation du jour, cette fois sur la scène principale : les Suédois de Mustasch, qui sont visiblement venus avec leur fanbase, car autour de moi j’entends parler avec beaucoup d’enthousiasme de ce groupe. J’aime déjà bien leur nom, alors je suis plutôt curieuse de les découvrir. Et je ne suis pas déçue par ce que je me prends de plein fouet : un mélange de heavy metal, de hard rock et de rock’n’roll old school, avec un côté badass à la Motörhead. Les quatre musiciens (un chanteur guitariste, un guitariste, un bassiste et un batteur) ont une énergie super communicative, ils se donnent à fond et semblent s’éclater comme des fous, tout comme le public qui est bien décidé à slammer autant que possible. Sur scène c’est une super ambiance sans chichis, avec grimaces, poses de rockstars, crachats de Jack Daniel’s (la version au miel, mes cheveux peuvent en témoigner), redneck style quoi. Je ne vois pas le temps passer devant ce groupe qui n’était pas un petit nouveau du Motoc’ puisqu’il avait déjà été programmé en 2013, je serais facilement restée écouter deux ou trois titres de plus.

Changement radical de style avec Au-Dessus qui, comme leur nom ne l’indiquent pas, sont Lithuaniens. Dans la mesure où le groupe fait partie de l’écurie des Acteurs de l’Ombre, je sais déjà que je peux m’attendre à un show très solennel, froid et assez désincarné. Et effectivement, les quatre musiciens de black metal débarquent encapuchonnés, dans une brume relative, et nous offrent un show assez statique de post black tirant un peu sur le doom. Leur jeu de scène est volontairement distant, ils échangent assez peu de regards avec le public, mais c’est clairement leur credo, allant avec la description qu’ils font de leur style musical : « The sound composition is being developed in order to destroy social attitudes, to cause the state of discomfort, to encourage cognitive dissonance and self-destruction. » Joie de vivre, gazouillis et arcs-en-ciel donc. C’est le genre de groupe que je préfère vraiment écouter sur album plutôt que voir sur scène, mais cela n’engage que moi.

Retour devant la scène principale pour voir Not Scientists, des Lyonnais qui font un punk rock indie carrément sympa, qui n’est pas sans évoquer, curieusement, quelques influences de The Cure. Ils ont de vraies têtes de gentils, un air abordable, des looks d’informaticiens, et leur musique dégage quelque chose de tout à fait sympathique également, il y a des bonnes ondes qui émanent de leurs titres. Je ne saurais pas dire pourquoi, mais je ne m’attendais pas du tout à ce rock indie associé à ce nom de groupe, je le trouve un peu inclassable dans la programmation du fest – et tant mieux, ils sont rafraîchissants. Le son n’étant pas très bon devant la scène, j’ai préféré m’éloigner pour aller profiter un peu plus loin d’une meilleure acoustique : ce fut le problème pendant tout le fest, pour beaucoup de groupes, il fallut choisir entre voir et écouter…

Retour à du stoner heavy psyché, pas mal représenté au Motocultor, avec 1000mods, qui nous viennent de Grèce. Le quatuor ne mise pas sur une grosse mise en scène, qui se limite à des mimiques et des petits headbangs, mais sans plus, c’est surtout la rythmique lente et lourde, répétitive, portée par deux guitares, une basse, une batterie et un chanteur, et des harmonies tirant sur le heavy, qui font tout le travail. Le public est plutôt calme, pas de slams ou de pogos, et se laisse plutôt porter par le son… et quelques gros joints. Je suis un peu frustrée par le son qui n’est pas très bon et ne fait pas honneur aux trois titres issus de leur album que j’adore, « Super Van Vacation » (sur un set de seulement quatre titres, typiquement stoner et prog ça), et qui m’apparaissent là moins ciselés et efficaces, plus brouillons. C’est quand même tristounet de se rendre en festival pour préférer des artistes qu’on aime sur galette plutôt qu’en live, tout cela parce que le son laisse à désirer. (Il paraît que le son était parfait à condition de se placer près de la régie, mais même en étant balaises aux pyramides humaines on voit bien que tous les festivaliers ne pourront pas s’y mettre.)

Nouvel aller-retour en pataugeant dans la gadoue saint-nolfienne due au temps pour le moins « changeant », jusqu’à la scène Dave Mustage, pour assister au concert de Death Angel, groupe de thrash originaire de San Francisco dont la réputation n’est plus à faire : depuis plus de 30 ans qu’ils se produisent et après 10 albums, ils font partie des références du genre. Il est indéniable qu’ils sont dans leur élément sur scène, easy peasy, ils enchaînent les poses, les sourires, les grimaces en jouant avec le public et les photographes, tout en assurant une prestation musicale millimétrée. Leur setlist était intéressante car parfaitement équilibrée : 7 titres, chacun issu d’un album différent, offrant ainsi un assortiment de leur discographie en accéléré en 45 minutes.

Retour sous le chapiteau de la Massey Ferguscene pour voir de mes yeux un groupe phénomène et complètement atypique, Ange – aka Association Naturelle des Grands Esprits. J’avais découvert ce groupe existant depuis 1969 en farfouillant dans les CD si variés de mon paternel – car avouons-le il semblerait bien qu’Ange puisse figurer, à l’échelle du Motocultor, dans la catégorie « groupes de darons », vu que presque tous mes amis voulant voir Ange me disent « J’ai découvert ce groupe grâce à ma mère », « Mon père est fan », et j’en passe ! Mais c’est loin d’être un point négatif, bien au contraire je trouve ça vraiment très plaisant que la gamme d’artistes programmés dans ce fest soit si vaste et qu’il y ait un côté intergénérationnel dans le public de certains concerts. Quid de la prestation du groupe farfelu aux 24 albums ? Eh bien, digne de sa réputation… C’est-à-dire que c’est surprenant, difficile à comparer à quoi que ce soit d’autre, déroutant, inclassable. Cet OVNI de la chanson française aux textes lettrés, inspirés de textes médiévaux fantastiques (et par des substances illicites et amusantes, c’est quasiment certain, à la Hubert-Félix Thiéfaine parfois – d’ailleurs le concert est en odorama), sur de la musique progressive très différente d’un titre à l’autre, pour un résultat à la fois mystique, barré, érotico-barge, décomplexé, imprévisible. Le chanteur, Christian Décamps, doit avoir 70 ans, a une dégaine de Père Noël en costume et haut-de-forme, a parfois une chouette empaillée à la main, les musiciens ont un peu tous l’air de faire partie d’un groupe différent en termes de look et d’attitude scénique, a l’air dans son petit truc à lui, le rendu global est gentiment excentrique. Et pourtant, même si tous les ingrédients sont là pour offrir un spectacle vraiment positivement bizarre, la qualité du son me bloque, et je finis par aller faire un tour, intriguée que je suis par Tribulation, qui joue en même temps sur la Suppositor Stage.

Et là oh mon Dieu mais c’est un coup de foudre instantané, pour ces quatre Suédois absolument magiques, distillant leur talent dans une ingénieuse mixture de heavy metal, de rock goth, de death, de prog, de rock psychédélique, aux très longs solos, mais jamais ennuyeux une seconde. Tribulation, c’est l’évidence à la première note, et au premier regard : j’aime tout chez eux, leur jeu de scène, avec les styles très marqués des deux guitaristes – l’un incarnant une sorte de personnage mystérieux à la The Crow, un peu Edward aux mains d’argent, un peu pantin dégingandé, et l’autre très féminin, dansant sous les voilages de sa tenue inspirée du théâtre japonais et virevoltant sur lui-même tout en jouant sans la moindre fausse note – et les prestations un peu plus classiques pourrait-on dire du chanteur et du batteur, leurs titres qui développent une atmosphère incroyable qui me parle instantanément. C’est comme si des bribes de tout ce que j’aimais dans la musique, le cinéma, la mode, la littérature, s’était associées pour s’adresser directement à mon âme, ce groupe est absolument dingue. Je regrette un peu de ne pas avoir pu être dans le pit photo pour les voir de plus près, mais on ne peut pas être partout, et je m’estime heureuse de les avoir découverts ! Je sais déjà à ce moment que Tribulation sera une de mes révolutions de tout le fest.

C’est l’heure d’aller voir Soilwork sur la scène principale, pilier de la scène death melodique et metalcore originaire de Suède. Le chanteur est dynamique, les musiciens jouent le jeu, ça saute partout, parcourt la scène dans tous les sens, on ne peut pas dire que ça ne soit pas direct et efficace, mais j’ai un peu de mal avec le mélange brutalité des screams et mélodies un peu mielleuses par moments : j’aime bien les deux aspects, mais c’est l’assemblage que je n’arrive pas trop à apprécier plus que ça, surtout après Tribulation qui m’a fait un tel effet, si bien que je suis encore un peu dans leur concert. J’ai un peu vu sans voir ce show, comme ce n’était pas la première fois que je voyais Soilwork j’ai eu une petite impression de redite, mais toujours est-il que le public était au rendez-vous, se défoulant en slammant et pogotant comme il se doit.

J’avais hâte de revoir mes chouchous de Kadavar après ça, ce super trio berlinois au son et au look totalement ancrés dans les années 70, balançant du rock psyché stoner capable d’instaurer une ambiance à la fois festive et chill dès les premières notes. Ils sont super expressifs (peut-être même un peu trop, nota bene pour le bassiste qui peut avoir l’air carrément creepy avec ses faux airs de Jack Nicholson dans Shining), balancent les cheveux dans tous les sens (pour les deux sur trois dotés de tifs impressionnants). Ils envoient du lourd avec un minimum d’instruments – basse, guitare, batterie – mais n’ont vraiment pas besoin de plus, mais cette fois ils envoyaient même un peu trop de lourd ! En effet le son était beaucoup trop fort, même en m’éloignant, avec des bouchons d’oreilles, et même en me réfugiant dans la voiture j’entendais encore les basses qui me martelaient le crâne ! Il y a eu comme un léger problème de dosage… J’ai quand même profité de « Doomsday Machine » avant de me carapater, parce qu’il y a des chansons que je ne peux pas louper.

Petite pause repas et cidre La Mordue (inenvisageable de boire de la 8.6 qui sponsorise le fest cette année, désolée) pendant Hypocrisy
 
Critique : Elise Diederich
Date : 6/9/2019
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