Live Report

DREAM THEATER - La Seine Musicale - 26/1/2020

 
Il y a des dimanches soirs un peu tristounets, qui sentent l’angoisse du lundi, le retour au métro-boulot-dodo à reculons, la frustration, et des dimanches soirs qui font date, plus festifs et exceptionnels, et la soirée du dimanche 26 janvier fit clairement partie de la deuxième catégorie. Et pour cause, puisque les fans de rock progressif s’étaient donné rendez-vous en nombre à l’Ile Seguin pour acclamer Dream Theater, de passage en France pour deux dates seulement, au seuil de la capitale et à Lyon, organisées par Gérard Drouot Productions. J’étais en effervescence aussi puisqu’il s’agissait d’une double première fois pour moi : la première fois que je foulais le pit photo de la Seine Musicale, et la première fois que je voyais les maîtres du metal prog sur scène.

Cette date s’annonçait déjà emblématique, sans première partie, avec deux sets bien distincts : un consacré à quelques titres issus du dernier album du groupe, « Distance over Time », et un autre plus long, entièrement dédié à l’album « Metropolis, Part 2 : Scenes from a Memory », joué en intégralité et dans l’ordre à l’occasion des 20 ans de sa sortie. Autant dire que cette tournée a le mérite de satisfaire les fans de Dream Theater de la première heure tout comme les amateurs de Dream Theater 2.0 !

Le concert a démarré pile à l’heure, avec l’arrivée assez théâtrale de Jordan Rudess aux claviers, de John Myung à la basse, de Mike Mangini à la batterie, de John Petrucci à la guitare, et enfin du chanteur James LaBrie sur scène, acclamés par une foule d’ores et déjà conquise. L’installation était plutôt sobre, hormis la batterie de Mike Mangini qui était impressionnante, l’encerclant de toutes parts, bien en vue sur une estrade. Les musiciens étaient mis en valeur, chacun dans un coin de la scène, sans nécessairement interagir beaucoup ; plutôt évoluant chacun dans leur propre jeu de scène, dans leurs propres solos. L’on peut saluer le son qui était très propre et précis, les solos de guitare se détachaient bien de l’ensemble, l’articulation de James LaBrie étaient claire, l’acoustique était ciselée – malgré un son un tantinet trop fort par moments. Des écrans géants diffusaient des extraits de clips, des boucles vidéo, des images new age, et la scène était fréquemment illuminée de faisceaux colorés. L’ensemble était esthétique mais je n’aurais pas dit non à un peu plus de décorum, dans la mesure où la scène de cette salle vaste et bien agencée le permet, et que je garde un excellent souvenir de la mise en scène fabuleuse du concert d’Alice Cooper il y a quelques mois.

Néanmoins le show est parfaitement rôdé, l’on sent qu’il est maîtrisé à la perfection et millimétré, d’ailleurs la setlist est exactement la même sur toutes les dates de la tournée, et même si visuellement l’ambiance est assez simple, cela reste très efficace : les musiciens sont apparents, leurs mouvements et leurs mains sont bien mis en évidence, l’on peut se concentrer sur le jeu virtuose des artistes. L’atmosphère est attentive, la fosse est plutôt statique, mais l’on sent que le public est captivé, et ne rechigne pas à acclamer le groupe au moindre signal du chanteur en ce sens.

Le premier set s’achève après une petite heure, soit quelques titres pour la plupart tirés de « Distance over Time », tels que « Paralyzed », « Barstool Warrior » ou « Pale Blue Dot ». C’est alors l’heure d’aller se dégourdir les jambes ou le gosier pendant une vingtaine de minutes, ou de rester profiter de la musique de fond légèrement jazzy, pour un petit côté années 20. De retour sur scène, le groupe ne se fait pas prier pour entamer le deuxième set, avec le premier titre de « Scenes from a Memory », « Act I : Scene One : Regression », sous les cris de

joie d’un public semblant plus en phase avec cet album millésimé qu’avec « Distance over Time », au style bien différent. Le chanteur parcourt un peu la scène, les musiciens restent assez statiques, sauf à de rares moments où ils se rapprochent légèrement les uns des autres pour jouer ensemble, mais ce sont surtout les solos qui retiennent l’attention. Le guitariste John Petrucci est un vrai guitar hero, rejoint dans la vitesse et la précision par le claviériste Jordan Rudess, qui a aussi fait un petit interlude plaisant au keytar, et le bassiste John Myung. Quelques petits passages avec Mike Mangini seul à la batterie sont également remarquables de technicité. J’essaie de suivre mais suis parfois distraite par mes voisins de derrière, qui semblent assister à un match de foot dans un stade, voire devant leur téléviseur, puisqu’ils hurlent, se lèvent, tapent dans mon siège, commentent l’action, encouragent les musiciens comme s’ils ne pouvaient pas jouer sans leurs cris… J’ai l’impression d’avoir des Nelson Monfort du metal ivres obligés de commenter un couplet sur deux derrière moi. Et un petit indice pour tous les chanteurs amateurs du fond de la salle, qui entonnent faux les hymnes plus fort que le groupe : si vous avez l’impression que c’est aussi agréable de vous entendre vous que le chanteur sur scène, vous avez généralement tort. Rester calme et attentive… S’enchaînent « Strange Déjà Vu », « Through my Words ». Les passages instrumentaux sont les plus impressionnants à mon sens car ils ne laissent vraiment pas droit à la moindre erreur – et cela tombe bien, il n’y en a aucune, la maestria de Dream Theater est réellement bluffante. De plus, James LaBrie semble chanter avec une telle facilité, sans effort ! Il y a quelque chose de très nonchalant chez lui, tant dans son allure, sa tenue, que dans son air de se balader sur scène comme s'il virevoltait dans son salon, baladant son pied de micro orné d'un crâne.

Place à la douceur pour « Through her Eyes », le public tape dans ses mains, et je suis étonnée de ne pas voir de briquets ou au moins, en version modernisée, de téléphones secoués de droite à gauche pour le petit interlude quart d'heure américain, qui sonne un peu plus ballade hard FM, moins identifiable comme du Dream Theater, mais qui donne un petit répit entre deux avalanches de notes techniques et cavalcades d’accords. LaBrie chante assis sur un tabouret haut, ce qui crée une ambiance un peu plus "intime" (dans la mesure du possible dans une salle de 6200 personnes). Les noms de Bowie, Cornell, Zappa et d’autres apparaissent écrits sur des tombes en arrière-plan. La ballade devient un hommage à des artistes disparus, et prend alors un autre sens, sous les applaudissements du public.

Vers 21h, le chanteur prend la parole pour la première fois. Il demande à la cantonade qui était là lors de la tournée pour « Scene from a Memory », souligne que pour leur première fois en France ils passaient à 23h et ont joué jusque 2h du matin, mais que le public avait quand même « botté des culs ». Après avoir chaleureusement remercié le public pour l'accueil de leur premier album conceptuel, il a lancé une petite répétition pour faire chanter et crier le public avant d'entamer le titre suivant, démarrant par une intro orientalisante, la superbe chanson « Home », parmi les mieux accueillies par la salle, entonnée également par le guitariste. Les titres s’égrenèrent dans l’ordre jusqu’au titre final de l’album « Finally Free », puis le rappel refit une petite incursion du côté de « Distance over Time » avec « A Wit’s End ». Après 2h45 de live le quintette prit congé du public en liesse : sacrée performance que ce spectacle duel, entre nostalgie et modernité !

Setlist :

Acte 1 – Distance over Time :


1) Untethered Angel
2) A Nightmare to Remember
3) Paralyzed
4) Barstool Warrior
5) In the Presence of Enemies, Part I
6) Pale Blue Dot

Acte 2 – Metropolis, Part 2 : Scenes from a Memory

7) Act I : Scene One : Regression
8) Act I : Scene Two : I. Overture 1928
9) Act I : Scene Two : II. Strange Déjà Vu
10) Act I: Scene Three: I. Through My Words
11) Act I: Scene Three : II. Fatal Tragedy
12) Beyond This Life
13) Through Her Eyes
14) Home
15) The Dance of Eternity
16) One Last Time
17) The Spirit Carries On
18) Finally Free

Rappel :

19) At Wit's End
 
Critique : Elise Diederich
Date : 26/1/2020
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