Interview

EPICA (2014 - Version française) - Simone Simons (Chant) & Coen Janssen (Claviers)

Deux contre un c’est habituellement pas juste. Mais quand les deux personnes en question sont Simone Simons et Coen Janssen d’EPICA c’est plutôt une bonne affaire.
Après un grand « Retrospect », ils sont maintenant prêts à tourner la page avec « The Quantum Enigma », et je suis là pour la résoudre. Au moins je peux essayer !

SBM : Bonjour et merci de me donner un peu de votre temps. Parlons un peu de « The Quantum Enigma » que vous semblez clairement considérer comme le point de départ d’une nouvelle ère. « Requiem for the Indifferent » était très différent ; je l’aurais considéré, musicalement, comme ce nouveau départ. Pourquoi avoir choisi cet album ?


Coen : C’est une histoire de perception je pense, la différence principale, pour nous, a été la façon d’approcher la production, la composition, le procédé d’enregistrement, ça a été un peu différent de ce que l’on a fait sur les anciens enregistrements.
De plus après « Retrospect », qui était une sorte de fermeture après cette première décennie, on s’est dit « Ok commençons une nouvelle décennie » parce qu’on n’a pas fini de faire de la musique. Et musicalement aussi je pense que l’album sonne plus moderne et plus entrainant que nos précédents albums donc c’est pourquoi on a pensé ça. Mais on sait jamais, peut-être que le prochain album sera encore totalement différent, on sait jamais.

Tu dis que vous avez approché la composition différemment. Et dans notre dernière interview tu m’as dit que vous vous envoyiez des fichiers par internet parce que vous vivez dans des villes éloignées ; Comment ça s’est passé cette fois, surtout avec Rob qui a participé à sa première session de composition avec EPICA ?

Coen : C’est la principale différence ; on allait ensemble au studio, on répétait beaucoup les chansons, en peaufinant les détails, en se focalisant sur certaines parties. Et je pense qu’on a montré un son différent, les grooves sont meilleurs et ça va vraiment plus dans les détails.

On peut entendre ce travail de groupe sur l’album, il y a une grosse unité sur l’album.

Coen : Ouais !

Quand avez-vous commencé l’écriture ? Et Simone, quelle a été ton implication pendant l’écriture avec ta grossesse ?

Simone : La composition est toujours plus ou moins présente ; je veux dire les garçons écrivent tous leurs propres chansons, donc on a cinq compositeurs. Et on se réunit pour mettre les points sur les « i » en Juin ou Juillet. On a arrêté de tourner en Juin parce que mon ventre devenait énorme et je ne tenais plus sur scène et la seule chose que l’on a faite différemment a été pour moi et le chant. Sascha, Joost et Mark sont venus chez moi pour travailler sur le chant et les paroles parce que je ne pouvais pas réellement voyager et j’ai commencé à enregistrer le chant deux mois après avoir donné naissance. Donc on m’a donné du temps pour m’habituer à ce changement de vie, pour me remettre de la grossesse et la naissance.
Les gars m’ont accordé un break et pour « Retrospect » il y a eu une toute une tournée promotionnelle, donc ils ont fait tous les interviews donc j’ai pu me reposer autant qu’on peut se reposer quand un bébé ne dort pas. (Coen et Simone rient)
Mais le reste est assez similaire ; on a enregistré dans un nouveau studio, le Sandlane Recording Facilities au Pays-Bas au lieu du Gate Studio à Wolfsburg donc c’était définitivement nouveau, plus près de tous les autres membres du groupe qui vivent au Pays-Bas. Mark et moi vivons hors des Pays-Bas.
Donc on pouvait se voir, se promener ensemble, cuisiner ensemble, passer du temps ensemble ailleurs que sur la tournée, et c’est quelque chose que l’on a jamais fait dans le passé. C’était marrant d’être juste créatif et se focaliser sur l’album.

Et sur cet album on a des chœurs et orchestrations qui sont plus puissantes que jamais. Etait-ce une volonté depuis le départ de faire quelque chose de très puissant ? Peut-être pour montrer que EPICA est là et plus fort que jamais !

Coen : Quand on a décidé de travailler avec ce studio, il y avait aussi un besoin de chœurs différents et une approche différentes de tout le truc parce que c’est un lieu différent et on avait un chœur qui était quelque chose comme trois fois plus grand que ce que l’on avait sur les précédents albums, donc le son est plus gros bien sûr. Et aussi en ce qui concerne les chansons, on a décidé d’utiliser de nouveau de vrais musiciens à cordes donc ça rend instantanément le son meilleur et beaucoup plus symphonique ; donc tous ces éléments combinés font que l’album sonne plus épique ou grandiloquent.

Et la plupart des chansons durent environ cinq minutes, des chansons très directes. C’était aussi une volonté de faire surtout des chansons courtes avec un ou deux morceaux épiques ?

Coen : Hum c’est quelque chose de naturel. Quand on était ensemble au studio et qu’on parlait des chansons, tu en arrives vraiment à des chansons plus courtes qui sont un petit peu plus… Rondes, structurées. Bien sûr nous sommes EPICA donc on a quelques chansons longues ou plus longues comme « The Quantum Enigma » et « Omen » ou « Sense Without Sanity » mais sur la plupart des chansons on s’amusait plus sur la composition donc les chansons deviennent un peu plus courtes. Mais c’est toujours trop long. (Rires)

Simone : (Rires) Non c’est vraiment plus de temps passé sur la composition et ça donne des choses qui ont du sens donc on s’est dit « Ok ! ».
Mais en étant ensemble comme un groupe tu as une interaction plus rapide pendant l’écriture parce que ça ne va pas par email. Parfois les gens ne peuvent pas vérifier leurs emails tout de suite. Ou parfois tu as une idée sur le moment, tu dois immédiatement travailler dessus, mais là c’est de l’échange de créativité, qui est différent chaque jour pour chaque personne. C’est comme ça qu’un groupe devrait fonctionner mais dû au fait que l’on soit éloignés les uns des autres et qu’on ait tourné et tourné et tourné a été dur. Mais maintenant on est de retour aux bases !

On peut entendre ça sur l’album, une sorte de nouvelle bouffée d’air, on a des sons tout à fait nouveaux comme par exemple les sons asiatiques sur « The Fifth Guardian » ou les mélodies celtiques de « Natural Corruption ». Comment en êtes vous venus à ça ?

Coen : Et bien pour les sonorités chinoises ou asiatiques c’est juste à cause de la mélodie de « Chemical Insomnia », qui rappelle ces sonorités asiatique avec ces mélodies toniques. Quand tu entends de telles mélodies tu lies immédiatement ça à la Chine ou quelque chose comme ça donc ça vient naturellement d’écrire une intro comme ça, avec cette atmosphère parce que quelque part ça colle bien. Et je pense que le passage celtique de « Natural Corruption » est aussi une mélodie qu’Isaac a écrite, et quand la mélodie est là tu cherches un son et effectivement ça sonne comme « Riverdance », ces éléments celtiques et ensuite tu trouves les bons instruments pour le jouer et ça vient naturellement.

Simone : On aime intégrer d’autres cultures dans notre musique et sur chaque album, apporter quelque chose de nouveau, mais tout le monde ne l’entend pas. Mais j’aime bien ça et c’est un beau plus sur « The Quantum Enigma ».

Coen : Il y a aussi plus de… trucs de l’Est dedans, la sitar sur « Unchain Utopia » et aussi sur la chanson « The Quantum Enigma », il y a ces chœurs indien en fond au début. On voulait aller un peu plus loin que l’Europe de l’Est et aller plus dans le cœur de l’Asie.

Il faudra que je réécoute alors, c’est très riche et je n’ai pas encore entendu tous les détails mais j’essayerai ! La chanson « The Quantum Enigma » est la seconde partie de « Kingdom of Heaven » initié sur « Design Your Universe ». Pourquoi avez-vous choisi de l’inclure sur cet album là ?

Simone : Le sujet vient encore de la physique quantique et sur « Kingdom of Heaven » de « Design Your Universe » la physique quantique y est vraiment impliquée. Et Mark lit des livres sur ça et il a trouvé ça intéressant et voulait mettre ceci sur l’album. Et sur le titre éponyme « The Quantum Enigma » il a ajouté les chants des moines tibétains dans l’intro, ce qui rappelle aussi « Kingdom of Heaven part 1 » et il m’a dit que ce n’était aps fait consciemment, c’est arrivé comme ça. Et il voulait lier ça à « Design Your Universe ».

Coen : Et puis à la fin ça collait bien, donc « Faisons ‘Kingdom of Heaven part 2’ ça colle !»

A propos des thèmes justement, EPICA aborde toujours le comportement humain, l’esprit humain, les connexions entre les gens, ce genre de choses. Quel est le lien avec la physique quantique ?

Coen : L’énigme quantique est un phénomène qui prouve que si on regarde quelque chose, toi en tant que personne regarde quelque chose, tu la change par le simple fait de la regarder ou l’observer. Bien sur tu peux voir ça comme quelque chose de global qui change tout : la façon dont tu expérimentes l’influence de la religion ou la politique ou quoi que ce soit ; Mark et Simone ont écrit sur ça dans le passé. C’est une manière de voir les choses, comment tu perçois ta réalité et peut-être même créer ta propre réalité, comme les gens fous dans ce monde, ils ne sont pas si fous que ça, ils ont juste créé leur propre réalité. Tu ne peux jamais savoir, tu peux philosopher infiniment sur le sujet, et c’est ce qui le rend si intéressant.

Simone : C’est la quête et la recherche de réalité, ce qu’est la vie, ce qu’est la mort, répondre aux questions de la vie. C’est très spirituel, c’est pour ça qu’on peut voir le Bouddha sur la couverture.

Merci de m’avoir éclairé. Je lis aussi des livres sur la physique quantique mais je n’avais pas vu le lien, donc merci.

Simone & Coen (En riant) : De rien !

Simone tu me parlais de la couverture, qui est jusque là la plus belle d’EPICA. Peux-tu nous expliquer un peu les détails et leur signification, comme le brin d’ADN, la courbure espace-temps, le Bouddha etc… ?

Simone : Oui bien sûr. Et bien ça commence avec la montagne et l’œil qui est le symbole de comment on voit et perçoit les choses, ce que l’on pense être la réalité. Mais la montagne descend dans la mer, ce qui représente le mystère ou un autre univers, tellement de choses inconnues qu’on essaye de trouver.
Ensuite tu as le bateau qui regarde vers le bas, ça représente la recherche, l’ADN bien sûr représente la vie, le Bouddha, le spirituel, les éléments de l’eau, du feu, de l’air et…

Coen : La terre…

Simone : Voilà, eau, feu, air et terre, merci (Rires). Qu’est ce qu’on a d’autre ?

Coen : Et bien, même la couverture est une partie d’une plus grande image que tu peux voir si tu as le dessin complet, donc ça met le concept hors du concept et le met dans un autre concept. (Rires)

Simone : C’est comme une histoire dans une histoire, mais il faut le voir dans son intégralité pour clairement comprendre.

Avez-vous choisi ces détails ou avez-vous laissé une totale liberté au designer ?

Simone : On a encore travaillé avec Stefan Heilemann et on lui a expliqué « The Quantum Enigma », quelques thèmes des paroles et c’est tout. Et ensuite on lui a dit « Tu es un artiste tu es libre de laisser ton cerveau génial cuisiner pour EPICA » et c’est ce qu’il a fait, et on aime ça, on a changé quelques petites choses et il s’est immédiatement connecté à nos idées, aux couleurs, à la composition. C’était plutôt intéressant.

Comme j’ai dit je l’adore et j’ai vraiment hâte de voir la pochette entière.
Coen, dans notre dernière interview on a parlé de ton solo de clavier sur la chanson « Infernal Warfare ». Tu m’as dit que tu ne le referais peut-être pas car tu préfère être accompagnateur plutôt que soliste.
Mais on a un nouveau solo sur « Reverence – Living in the Heart ». Est-ce finalement plus fort que toi ?


Coen : Et bien je n’avais pas l’intention de faire un solo avant la fin. Sur « Retrospect » il y a aussi un solo de clavier, ça arrive, et toutes les parties solos étaient du remplissage, sauf celui de « Reverence » et on avait pensé à un grand guest, un guitariste pour faire un solo. Mais ensuite on s’est dit « Faisons un solo à deux », pour avoir un autre type de solo et c’est donc devenu guitare avec encore un clavier. C’était marrant de faire ça et depuis que j’ai ce clavier Revo qui me permet de marcher, je me suis dit qu’on pourrait peut-être l’utiliser sur cette chanson.

Simone : C’est un très bon showman donc…

Coen : Tu sais beaucoup de fans sont habitués à de voir au fond et non devant la scène.

Simone : Mais tu fais un excellent boulot avec ton nouveau clavier, on l’a intégré dans le show quand j’étais enceinte ; Coen venais devant et le posait sur mon ventre, ça s’imbriquait parfaitement sur mon ventre donc c’était marrant, c’est un instrument cool.

Sur ce DVD, « Retrospect » vous avez invité tous les anciens membres sur « Quietus ». Est-ce que vous avez pensé à en inviter un comme guest sur l’album, par exemple Ad quand vous cherchiez le guest pour le solo ?

Coen : Ça n’aurait pas de sens je crois. C’est bien d’avoir ça sur scène parce que les gens peuvent vraiment voir et sentir qu’ils sont là, mais sur l’album si Ad avait joué une partie de guitare ça n’aurait pas beaucoup eu d’effet. Ça aurait pu être bon s’il avait fait un solo ou truc comme ça, mais c’est quelque chose qu’Ad n’aima pas vraiment faire. (Rires)

En parlant de guests, Simone, tu as participé, comme guest, au nouveau Timo Tolkki’s Avalon. C’était comment cette expérience ?

Simone : Timo m’a appelé et écrit des emails il y a de années pour travailler avec lui mais ça ne s’est pas fait parce que… temps et espace et toutes les questions de la vie… (Rires) Non je plaisante.
Et pour ce nouvel album d’Avalon il m’a de nouveau écrit, il m’a envoyé la chanson et a j’ai dit « Ok on le fait » donc j’ai enregistré le chant au Sandlane Recording Facilities, où on a enregistré « The Quantum Enigma » et c’était très rapide, très tranquille. Je ne sais pas quand l’album va sortir…

Il sortira début mai.

Simone : Oh super ! J’espère que j’aurai une copie ! (Rires)

Et quels sont les plans pour EPICA en 2014 ? Tourner je suppose, mais on n’aura pas la chance de vous voir au Hellfest en France…

Coen : Non… On voulait le faire mais apparemment ils n’ont pas voulu nous réserver… Dommage ! (Prononcé en français)

Simone : On sautera probablement cette année…

Coen : J’adore le Hellfest !

Je vous y ai vu en 2007, mais je sais pas si vous êtes revenu depuis.

Coen & Simone : On a joué deux fois…

Je suppose que j’ai manqué une fois ! A côté du Hellfest vous avez déjà des dates prêtes pour la tournée qui vient ?

Coen : Ouais on commence la tournée le 30 avril pour la fête de la sortie de l’album et ensuite on va faire quelques festivals, malheureusement pas le Hellfest cette année. Après ça la tournée mondiale va commencer, ce n’est pas encore annoncé mais ça va venir, on finalise les détails, et on sera surement de retour en France à la fin de l’année et en Janvier à Paris avec un show spécial Paris dans…

Simone : Une énorme salle…

Coen : Ça sera super !

J’espère !

Coen : La tournée nous amènera seulement à Paris parce qu’on veut se focaliser sur Paris en janvier.

Je suppose que je fais devoir essayer de venir !

Coen : Ouais ça serait sympa !

Merci… Et encore merci pour ce moment, je crois qu’on arrive à la fin, donc je vous laisse les derniers mots si vous voulez dire quelque chose aux fans français.
Simone : Continuez de boire du bon vin en écoutant EPICA ! On vous verra très bientôt.

Coen : (Parlant en français) Merci beaucoup pour toutes ces années !
Je recommence à parler français !

Tu te débrouilles bien Coen !

Simone &Coen : Merci ! Bye !

Bye !
 
Critique : SBM
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