Interview

MYRATH (2019) - Zaher Zorgatti (Chant)

Avec leur blazing desert metal, Myrath fait partie de ces groupes à avoir à eux seuls inventé un genre musical. « Shehili », leur cinquième album, est un disque passionnant qui voit les Tunisiens marier avec une grande inventivité metal et influences orientales traditionnelles. Rencontre avec le charmant Zaher Zorgatti, chanteur du groupe.

« Comment avez-vous pensé « Shehili » par rapport à « Legacy » ? »


« On ne l'a pas pensé par rapport au disque précédent. Chaque album a sa spécificité. Nous sommes cinq gars qui nous rassemblons pour faire de la bonne musique. On prend le temps qu'il faut pour bien bosser sur nos albums afin de ne pas se moquer de nos fans. On garde les bonnes idées, on jette les mauvaises. Je pense que « Shehili » est l'album le plus abouti de notre carrière. »

« Vous avez toujours mêlé metal et influences orientales. C'est encore plus vrai avec cet album. Est-ce le fait de l'apport de la section de cordes de l'Orchestre National Tunisien ? »

« On a travaillé avec un grand chef d'Orchestre : Mohamed Lassoued. Je pense qu'effectivement l'apport de cette section de cordes est l'un des facteurs qui a contribué à la réussite de l'album. »

« Vous utilisez dans le disque nombre d'instruments traditionnels, oud, darkouba. C'est pour rester fidèle à vos traditions ? »

« Il n'est pas facile de jouer de ses instruments. Par exemple, nous utilisons la clarinette orientale. Les gammes que tu joueras dessus ne peuvent pas être jouées sur une clarinette classique. Nous jouons du rabâb qui est un instrument égyptien a deux cordes qui possède une certaine chaleur. On ne change pas une équipe qui gagne. Il y a de nombreux groupes de metal oriental mais nous, nous avons crée notre propre style : le blazing desert metal. »

« Comment s'est fait le duo avec cette star de la chanson arabe qu'est Lofti Bouchnak sur « Mersal » ? Vous le connaissiez personnellement ? »

« On a grandi avec ses chansons. C'était l'un de nos rêves que de travailler un jour avec lui. Son fils l'a contacté. On lui a envoyé la chanson. C'était énorme pour nous que de pouvoir faire ce morceau avec lui. »

« Qu'est-ce qui vous a donné envie de reprendre ce classique de la musique arabe qu'est le « Lili Twil » des frères Megri ? »

« On connaissait bien ce morceau. Le boss de Verycords Mehdi aime beaucoup cette chanson. Il a pensé que c'était une bonne idée qu'on la reprenne. »

« L'album a été fait en Tunisie, France et Suède. »

« Tout cela s'est fait de manière naturelle. Le travail a été fluide. On a enregistré le disque en Tunisie, avons fait des retouches en France. Le mix et le master a été fait en Suède par Jens Borgen qui a adoré l'album. C'est un excellent producteur. Il a produit de gros noms comme Arch Enemy ou Sepultura. »

« Par rapport aux paroles et à la thématique de « Dance » qui parle d'un danseur syrien condamné par l'Etat Islamique, n'as-tu pas toi même peur d'eux en écrivant ce titre ? »

« C'est un morceau sur ce danseur de ballet syrien qu'ils ont condamné. Les paroles disent « dance or die ». Ce morceau est un hommage à ce danseur et à tous ceux qui se battent contre le fanatisme. Bien sûr que j'ai peur. On se bat contre les islamistes en Tunisie. On se bat contre eux, avec nos armes : la musique. »

« A ce niveau dirais-tu que vous êtes un groupe engagé ? »

« Je ne dirais pas cela. Nous parlons d'amour, de la jeunesse, du fanatisme. Nous sommes des gens ordinaires qui parlons de la vie. »

« Qu'illustre le clip de « No Holding Back », les Mille et Une nuits ? »

« Exactement. Il forme une trilogie avec les clips de « Believer » et de « Dance » . Il veut montrer l'aspect positif et féerique des Mille et une Nuits. »

« Qu'évoque la pochette de l'album ? »

« Elle a un côté mystique. Les éléments que tu y vois sont des symboles qui te protègent du mauvais œil. »

« Votre musique est un mélange de metal et de musique orientale. Pour la partie metal, vous semblez très influencés par le metal des années 80. »

« J'adore effectivement le metal de ces années-là, Whitesnake, Mötley Crüe. On adore le hard-rock. On a mêlé cette musique à d'autres éléments et avons ainsi trouvé notre style. »

« Vous avez joué au Festival de Carthage l'an dernier. J'imagine que cela a été une grande fierté pour vous ? »

« Clairement, surtout que nous étions le tout premier groupe de rock à s'y produire. Cela n'était jamais arrivé auparavant. Il y avait sept mille personnes. Il y avait de tout dans le public : des jeunes, des vieux, des femmes voilées. Ca était un moment magique. »

« Vous jouerez cette année au Wacken Festival. J'imagine que c'est également une fierté. »

« Ce festival est mythique. C'est un vrai bonheur que d'y jouer. On a monté tout un show qui ne sera pas que musical. Il y aura aussi des magiciens, de l'illusionnisme... »

« Des dates en France bientôt ? »

« Fin 2019. On ne sait pas encore si ce sera en tête d'affiche ou comme première partie d'un groupe. »

« Comment se porte la scène metal tunisienne ? »

« Mal. Il y avait une scène avant la révolution islamique. Il n'y en a plus aujourd'hui. Le Parti islamique Ennahdha a diabolisé le metal. C'est devenu très dur de se produire en Tunisie. »
 
Critique : Pierre Arnaud
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