Interview

DELIVERANCE (2020) - Etienne (Guitare) et Pierre (Chant)

Trois ans après le très bon "CHRST", Deliverance revient avec un nouvel album encore meilleur. "Holocaust 26:1-46" est un magnifique disque de post-black sombre et torturé mais aussi lumineux et transcendant. Rencontre à Paris avec Etienne et Pierre pour nous parler de cet opus qui fera date.

"Comment avez-vous pensé ce nouvel album par rapport à Chrst ?"


"Nous n'avons pas une vision particulière au départ. Sur ce disque, avec "Saturnine", nous avons su dès que nous avons écrit ce morceau qu'il donnerait la tonalité de l'album. Ce disque, comme le précédent, possède un côté sludge/black mais ce morceau a un son nouveau par rapport à celui de "Chrst" qui rend ce deuxième opus plus lumineux."

"Je trouve le disque très bon mais je n'y vois pas trop les côtés post-rock ou indie-rock dont vous parlez. Pour moi, il reste très post-black."

"On a l'impression d'avoir redistribué les cartes avec cet album dans les sonorités qui peuvent être 70's ou 80's. "The Gyres" a dans son intro un côté électro indie-rock, "Holocaust For The Oblate" un côté post-rock. Sur ce morceau il y a des effets que tu ne trouveras pas dans le post black. Il y a d'autres influences aussi : dans "God In Furs" tu trouves celle du "Echoes" de Pink Floyd."

"Le disque est très sombre."

"Nous on y voit la lumière. Il y a de nombreux passages lumineux et/ou apaisés. Notre but n'est pas d'être le groupe le plus méchant de la terre. Nous avons comme ambition d'être le plus lourd de l'univers mais avec un arc d'influence énorme allant de Tame Impala/Radiohead à Darkthrone/Morbid Angel."

"Le post-black a souvent un côté mystique. Cet album l'illustre parfaitement."

"Oui il y a de la transcendance. L'écueil de tout cela serait d'être trop intello. Tout cela vient du rock'n'roll. Il faut que cela reste un plaisir simple, que ce soit agréable. Je te citais "Echoes" du Floyd, c'est intello, peut être pompeux mais pas chiant."

"Quelle est l'ambition de Deliverance ?"

"Faire un truc qui nous plait. Il n'y a pas de volonté de plaire ou de ne pas plaire au public. Après nous pensons et espérons que cela peut plaire."

"Qu'évoque le titre de l'album ? "

"C'est dans le troisième des cinq livres de la Torah, le Lévitique. Il y est dit que si tu ne respectes pas certaines choses, il se passera ça, ça et ça. Les textes ont un lien avec l'idée de cycle mais ce n'est pas un concept album. Chaque cycle finit dans le feu. Tout est une question de cycle. C'est aussi lié à l'humain qui, ou reproduit les choses ou les casse. Les textes parlent de choses qui vont de la famille à l'Histoire avec un grand H. Le langage religieux permet une forme de pudeur pour exprimer des choses très personnelles. Que l'on soit ou non croyant, tu trouveras des choses très intéressantes dans les textes religieux. Le Christ fait écho à plein de choses de ta vie. Dans l'"Idiot" de Dostoïevski, ce dernier part d'un tableau qui représente le Christ et le dépeint sous la figure de l'Idiot. Il le voit ainsi, comme quelqu'un de trop bon, trop con mais il y a ensuite une résurrection. Les suicidés de la société de Van Gogh à Artaud ont un côté christique."

"Vos expériences musicales passées vous nourrissent-elles dans ce groupe ?"

"Oui mais de manière naturelle. Nos expériences passées nous ont fait progresser. Aujourd'hui, nous ne faisons plus que ce qui nous plait sans aucun plan de carrière. Quand tu es jeune tu peux être frustrés. Nous ne le sommes plus aujourd'hui."

"L'album possède une vraie atmosphère avec des titres longs et complexes."

"Créer une atmosphère prend du temps. "Saturnine" est long mais c'est un morceau simple. Sur certains titres, nous voulons une structure différente donc cela donne au final de très longs morceaux."

" Les morceaux ce qui est caractéristique du post-black sont très longs. C'est ce dont vous aviez envie, faire de très longs titres ?"

"Pas forcément. Jeunes, nous aimions les titres longs de Supertramp, Dire Straits ou Pink Floyd. Une fois que tu as connu cela, ce que tu découvres dans le post-black avec des morceaux très longs, tu le connais déjà. Il est rare de découvrir des groupes qui réinventent totalement la musique. Aujourd'hui, il ya King Gizzard and the Lizard Wizard."

"Vous êtes heureux d'être programmés au Hellfest en Juin prochain ?"

"Très heureux. Cela valide la qualité artistique de ce que nous faisons. C'est une fierté."
 
Critique : Pierre Arnaud
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