Live Report

MOTOCULTOR NIGHT FEVER - Le Gibus - Paris - 29/3/2019

 
Vendredi dernier a eu lieu au Gibus la 5ème date de la tournée Motocultor Night Fever Tour 2019, une série de 7 dates décalées et 100% metal dans 7 villes françaises, réunissant deux groupes aux styles complètement différents, Tranzat et Angelus Apatrida. Chaque soirée était un peu plus qu’un concert puisque chaque ticket d’entrée faisait office de billet de tombola, permettant à des spectateurs de gagner des goodies, du merch’ officiel, et même des pass pour un ou plusieurs jours pour le Motocultor Fest cet été.

Ce sont les Bretons de Tranzat qui ont ouvert le bal, dans un Gibus d’abord bien désert, la plupart des spectateurs étant vraisemblablement venue pour Angelus Apatrida – c’est le risque, que le public soit un peu divisé, lorsqu’une affiche est audacieuse et fait le grand écart entre des univers très différents. Pour ma part, c’était bien le quatuor brestois que j’avais hâte de revoir, puisque le groupe avait été ma découverte coup de cœur du Motocultor 2018. Cette formation originale est assez difficile à enfermer dans une seule catégorie, combinant avec talent des influences prog, heavy rock, fuzz, stoner, doom ou encore sludge – en ce qui me concerne quand je dois recommander Tranzat à des potes je résume en disant qu’ils font du stoner prog de l’espace en cols roulés (un genre qui a de l’avenir, si si). L’ambiance a été un peu timide au début : le public était clairsemé, ne connaissait pas forcément le groupe et ne savait pas à quoi s’attendre, les interventions un peu barrées du guitariste Benj basées sur le comique de répétition de type « Bonjour, ça va ? On est Tranzat, on vient de Brest » en boucle entre les morceaux n’ont pas pris tout de suite… Mais la salle s’est remplie petit à petit, et les musiciens ont su imposer leur style bien personnel tout en mettant l’ambiance : gros riffs fuzz, solos cosmiques, Manu au chant passant habilement du chant clair au growl death, une alternance bien menée de passages mélodiques totalement psychédéliques et d’accords super lourds, bref ce qu’il faut de créativité et de maîtrise pour se laisser embarquer. Le tout servi par une mise en scène improbable : le guitariste se contorsionnait et a fait des grimaces surréalistes non stop, les musiciens ont un peu dansé une version revisitée du French cancan, ils nous ont fait chanter des « lalala » en chœur et « Joyeux anniversaire » pour un vampire laissé tout seul pour son anniversaire. Et sur l’écran derrière le batteur se sont succédés des images kitsch dignes de la meilleure soirée diapos puisque les gars de Tranzat, jamais les derniers pour se tourner en dérision, ont fait défiler des photos d’eux en espèces de cosmonautes cheap, en beaufs des années 70, en train de jouer à la Bonne Paye sapés comme le Joueur du Grenier… Le dernier morceau, « Nothing but dust », une pépite de 11 minutes, fut le point d’orgue de leur set. Un moment hors du temps avec Tranzat, l’alliance d’une musique solide et d’une mise en scène potache pour un groupe ultra sympathique qui n’est pas près de prendre la grosse tête.
En règle générale le changement de plateau permet aux spectateurs d’aller prendre une pinte ou de fumer une clope, mais il y avait un enjeu supplémentaire pour cette soirée warm up du Motocultor, et Yann Le Baraillec, le fondateur du festival, est monté sur scène pour procéder au tirage au sort désignant les petits chanceux.

Le public était au taquet dès le début du set des Espagnols d’Angelus Apatrida – qui est beaucoup moins ma came, je dois l’avouer, n’étant pas vraiment friande de thrash j’ai un peu l’impression que tout se ressemble. Néanmoins j’ai profité du show, et trouvé qu’ils étaient franchement efficaces et carrés, pas étonnant puisqu’ils n’en sont pas à leur galop d’essai et totalisent à ce jour 19 ans de carrière et 6 albums studio. Leur dernier en date s’appelle Cabaret de la Guillotine, et c’est avec un titre issu de cet opus qu’ils ont ouvert, « Sharpen the guillotine », le ton était donné ! Les spectateurs n’ont pas tardé à se rentrer dedans, à faire valser leurs cheveux – et leur bière – le plus loin possible, c’était bien mouvementé sur scène comme dans la fosse. L’influence de Pantera, de Megadeth ou d’Overkill se fait bien sentir à certains moments, le quatuor est extrêmement rôdé et joue ensemble sans le moindre couac, enchaînant les titres piochés dans toute leur discographie comme « Fuck you », « Betrayed », « End Man », « Violent Dawn » sans temps mort. La batterie est omniprésente, les solos de guitare sont impitoyables, le chant tantôt rude tantôt saturé du frontman Guillermo Izquierdo est bien bourrin, les changements de rythme dynamisent les morceaux. Les quatre musiciens sont à la fois redoutables et détendus, forts de leur expérience scénique.

Niveau mise en scène, c’est sobre (autant que du thrash puisse l’être) et carré : déplacements sans fioritures, écran passant en revue les visuels gore de leurs artworks – pas de blagounettes ou de transitions rigolotes pour les Ibères, sympa mais quand même pas là pour se marrer, mais plutôt pour envoyer du lourd. Pas mal de spectateurs connaissaient les chansons par cœur, scandaient les refrains, pogotaient comme des fous, au point de confondre parfois l’art subtil et délicat du pogo avec la liberté de ton du MMA, et de donner des coups de poings pleins de bagues ou d’empoigner par le col des personnes non concernées par le maelström… Après avoir manqué de tomber sur la scène plusieurs fois et m’être pris quelques coups dans la tête, n’ayant pas envie que mon appareil photo se fasse fracasser, je profite d’une pause entre deux morceaux pour me faufiler dans une zone un peu plus calme. Au bout de deux morceaux mon super pouvoir nul de concert s’active et on me renverse de la bière dessus : baston, frénésie et fringues baptisées à la bière, un concert de thrash classique quoi. Après plus d’une heure de show les musiciens sont sollicités pour le rappel, et reviennent pour nous interpréter une reprise de Pantera, avant de partir se reposer en vue des deux dates restantes de la tournée Motocultor Night Fever. Un concert bien dynamique et convaincant, même sans être rompue à ce genre de musique.

Un joli petit avant-goût de festival avec ce concert programmant deux groupes incarnant le metal chacun à leur façon, et qui donne envie d’être vite en été et au Motocultor pour découvrir encore bien d’autres formations talentueuses qui s’évertuent à lui donner vie et le réinventer sans cesse.
 
Critique : Elise Diederich
Date : 29/3/2019
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