Live Report

CERNUNNOS PAGAN FEST 2020 - Jour 2 - La Ferme Du Buisson - 23/2/2020

 
Dimanche 23 février, retour à la Ferme du Buisson dès le début de l’après-midi pour une nouvelle flopée de groupes à découvrir ou revoir sur scène. Le premier de la journée est une découverte pour moi, il s’agit de Frekkr, un groupe nancéen jouant du black viking, avec des paroles en français s’il vous plaît. Ce qui pour moi est un mal pour un bien, en fonction des conditions d’écoute : l’acoustique de l’Abreuvoir ne m’a pas vraiment permis de saisir plus que quelques mots par ci par là des paroles, ce qui est un peu frustrant vu que certains des titres des quatre artistes sont vraiment jolis, comme « Des cendres renaîtront les mondes » ou « Le Sort des Parjures ». Batterie, guitares, basse, chant clair et saturé en alternance, paroles vraisemblablement inspirées, il y a de bons éléments pour que le tout soit intéressant, mais l’ensemble produit quand même une impression un peu jeune et timide, et le public n’est pas encore à fond.

Après ce premier set c’est un autre groupe français qui a pris le relais dans la Halle, venu de Nantes cette fois, Infinityum, une autre découverte. Et je dois dire que j’ai été très rapidement séduite par tout ce que ces gars-là avaient à offrir : charisme, énergie, déplacements en tous sens sur la scène, lumières assez réussies qui sont venues compenser la surdose de brume initiale, sourires des musiciens qui semblaient vraiment profiter à fond du moment. Impossible de ne pas se laisser happer dans ces conditions ! Si c’est avant tout la bonne humeur et le dynamisme des nantais en jupes qui m’ont séduite, mes oreilles ont également été ravies – malgré quelques réglages un peu aléatoires du son par moments – par le combo de black, death, metal sympho et folk délivré par le groupe qui se réclame d’Ensiferum et d’Equilibrium (et pas seulement pour les noms dignes de camps romains dans « Astérix »). De l’excellent metal pagan épique qui gagne à être de plus en plus connu ! (Prix spécial pour le style automne/hiver au guitariste qui a agrémenté son kilt noir de tongs pour un look metal nonchalant.)

Troisième concert de la journée, et troisième formation française d’affilée, cocorico ! Sur la scène de l’Abreuvoir les membres de Veliocasses, de Rouen, se mettent en place. L’installation semble un peu laborieuse, et toute la petite troupe paraît stressée – malheureusement cette impression n’a fait que se confirmer pendant le set, tous les musiciens paraissent un peu fermés et froids, alors que c’est probablement le trac qui les empêche de communiquer davantage avec le public. Quoi qu’il en soit leur musique est appréciable, il faut dire qu’ils ont une bonne quantité d’instruments traditionnels pour nous faire passer un moment agréable : flûtes, violon, guitare sèche en plus des traditionnels guitare électrique, basse et batterie. Les lumières sont douces et un peu oniriques, dans les bleus et roses, les costumes d’inspiration médiévale sont soignés, le décor fleuri est plutôt chouette, c’est quand même un peu dommage que l’ensemble paraisse un petit peu éteint et manque d’ampleur. Je pense que ce groupe de pagan folk avec des accents metal n’a probablement pas livré là sa meilleure prestation et que j’aurai d’autres occasions de les revoir dans de meilleures conditions pour eux.

Jamais trois sans quatre, c’est encore un groupe français qui a enchaîné sur la scène de la Halle, et non des moindres, puisqu’il s’agissait des pirates de Toter Fisch ! (Des marins d’eau douce certainement puisqu’ils viennent de Tours, mais chuuut.) Un des concerts que j’attendais le plus de ce dimanche, et que je n’ai pas du tout pu apprécier à sa juste valeur, alors qu’il était vraiment bon… Ayant discuté dehors avec un ami, je n’ai pas pu me frayer un chemin jusqu’à un endroit où je pouvais réellement voir la scène, je n’avais que les mouvements de foule mais sans l’ambiance globale de ce qu’il y avait à voir, et j’étais donc fort déçue de ne pas pouvoir apprécier le décor pour aller avec la musique death, folk et black mâtinée d’accordéon de l’équipage : gouvernail, crânes, costumes de flibustiers, fumée… Ironiquement j’ai pris mes pires photos de tout le fest pour l’un des groupes que je voulais le plus voir, et ai dû rapidement sortir car le public très très massé commençait à m’angoisser un petit peu. Je savais que Toter Fisch avait un bon paquet de fans, mais je ne m’attendais pas à un tel barrage infranchissable ! Je resterai sur les souvenirs de leurs autres concerts dont j’ai pu davantage profiter, dont notamment leur excellente prestation au Lid Ar Morrigan en 2019, en attendant d’en refaire d’autres, car ces pirates embarquent tout sur leur passage.

L’après-midi avance et on continue avec un cinquième groupe français… Ah non pas du tout, ça y est les gaulois laissent la place au reste du monde, et dans l’Abreuvoir je découvre les musiciens, plutôt nombreux, d’Ymyrgar, le premier groupe pagan d’Afrique s’il vous plaît, originaire de Tunisie. Leur look se situerait quelque part entre Conan le Barbare, Rahan et Manowar (avec plus de peaux de bêtes que de slips en cuir et de torses huilés, heureusement), et je suis bien curieuse de ce qu’ils vont nous interpréter. Les sept artistes (un chanteur, une claviériste, un violoniste, un batteur, un bassiste et deux guitaristes) ne tardent pas à mettre la salle en ébullition, car ils ont de l’énergie à revendre, le chanteur roule des yeux, fait de grands gestes, tous semblent vraiment investis dans le show et ils semblent pousser les murs de l’Abreuvoir, tant ils pourraient chanter devant dix fois plus de personnes avec cette même pêche. Leur musique me plaît plutôt, mais se compose de tellement d’influences que j’ai un peu de mal à faire la synthèse du tout pour une découverte : des sonorités folk, du chant saturé, des passages plus clairs, des petits effets orientalisants, des incursions très épiques, des parenthèses plus mélodiques… Au bout d’un moment le son assez moyen de la salle finit par me casser un peu la tête et je pars un peu avant la fin du set, parce que je sature un peu, mais en ayant quand même beaucoup apprécié ce concert, comme la très grande majorité des spectateurs.

Place au groupe le plus cosmopolite de ce fest à présent avec Sojourner, dont les membres sont originaires de Suède, d’Italie, de Nouvelle Zélande et d’Ecosse ! Le public est nombreux pour prendre sa dose de metal folk atmosphérique, et le concert est très bien accueilli, pourtant en ce qui me concerne je ne parviens pas du tout à entrer dedans. J’ai un peu de mal avec l’attitude scénique du chanteur, je trouve les musiciens un petit peu froids et en retrait par rapport à la déferlante de sourires et mimiques à la quelle on a eu droit avant, il faut dire que le style s’y prête moins car beaucoup plus sombre et viscéral, mais justement, même en termes d’intensité je n’arrive pas trop à y trouver mon compte. J’avais déjà vu Sojourner en première partie de Harakiri for the Sky et Draconian au Petit Bain et j’avais déjà rapidement oublié leur set. Cette fois le son un peu approximatif donne un côté répétitif et étouffé aux chansons que je ne connais pas suffisamment pour pouvoir profiter de ce qui se passe, les voix ne sont pas toujours très en accord, la machine à brume a un peu trop fait son job, donc même si le show délivré est de bonne qualité quand on est friand de ce genre de prestation, je sors assez rapidement pour aller faire un tour et prendre un verre d’hydromel.

Mon coup de cœur du jour m’a été offert par un groupe taïwanais dont je n’avais jamais entendu parler, Bloody Tyrant, et qui venait jouer en Europe pour la première fois. En apprenant ça a posteriori je me suis sentie bien chanceuse d’avoir pu profiter d’un tel moment, car de la première à la dernière note je n’ai pas arrêté de sourire devant ces musiciens à bloc, vifs, doués, diffusant une musique tantôt agressive, tantôt festive, donnant à la fois envie de danser, de sauter sur place, de pogoter… Les circle pits et slams ne se sont pas trop fait attendre – et le social media manager du groupe gambadait au milieu de tout ça avec sa perche à selfie rotative, la petite touche asiatique en ce qui concerne la gestion de l’image, les photographes de concerts pourront le confirmer ! Le chanteur est sympathique au possible et ne se ménage pas, il est vite en nage, il faut dire qu’en plus de donner tout ce qu’il a niveau voix il parcourt toute la scène en sautant comme un gamin, c’est un plaisir de voir un show qui est à la fois aussi crédible musicalement, avec un black virulent teinté de folk et de sonorités asiatiques, et joyeux sans fausses attitudes de rock stars pédantes. À un moment un drapeau taïwanais sera apporté sur scène, le chanteur hurlant « Taiwan is not a part of fucking China ! », sous les applaudissements tonitruants du public, et le bassiste trinquera à notre santé avec une canette de bière taïwanaise. Les mecs gèrent, les solos sont accrocheurs et bien placés, le batteur a l’air venu de la Lune et est on ne peut plus expressif dans son jeu, je n’ai vraiment pas la moindre réticence avec Bloody Tyrant, je suis vraiment tombée amoureuse de ce groupe immédiatement. Après le concert ils ont pris un petit moment pour serrer des mains, remercier, distribuer des autocollants, regarder leurs fans français, même leur attitude était super cool et c’est un plaisir de pouvoir voir en live des groupes pareils.

Retour dans la grande Halle pour revoir un groupe que j’avais déjà beaucoup apprécié en première partie d’Heidevolk et Equilibrium au Divan du Monde : Finsterforst. La troupe allemande s’est spécialisée dans son propre genre thématique et géographique, à savoir le metal de la Forêt Noire ! Soit un style puissant et épique, aux paroles axées sur la nature, avec des orchestrations sophistiquées, des samples qui passent plutôt bien alors que je trouve que ça peut vite être excessif et ridicule (coucou Septicflesh), là musicalement je suis plutôt convaincue par le chant brutal du frontman, les solos, et scéniquement c’est à la fois propre et bien calibré avec des musiciens qui se déplacent suffisamment pour que tout le monde puisse les voir (malgré toute cette fumée qui ne s’évacue pas, c’est vraiment un problème récurrent ici), et propice à la déconnade, avec le chanteur qui fait des têtes pas possibles, promène son gobelet de bière, s’assied n’importe comment sur la marche devant la batterie en ayant l’air d’être au bout de sa vie… (Il me fait un peu penser au chanteur de Vulture Industries pour cette raison, le côté carré musicalement mais avec un aspect un peu nonchalant.) En revanche je n’ai pas du tout compris le concept pour leurs tenues… Les gars étaient tous en chemise à carreaux jaunes et noires, sales, avec des t-shirts troués en dessous (j’ai passé pas mal de temps à lutter contre l’envie de mettre le doigt dans le trou du t-shirt du chanteur pile au milieu du ventre quand il était juste en face de moi), et du… Je ne sais quoi sur le visage, censé évoquer du sang séché, ou de la terre ? Je ne sais pas si on devait voir des bûcherons qui auraient eu un accident en tentant de chasser un caribou, des mecs évadés de prison et qui se seraient roulés dans la terre, un boys band zadiste québécois ? Mystère. En tout cas hormis ce détail vestimentaire j’ai bien savouré le concert de Finsterforst pour toutes les raisons précédemment citées.

L’avant-dernier concert de la journée était celui de Kalevala. Je ne connaissais pas du tout le groupe russe, et on ne peut pas vraiment dire que je lui aie donné sa chance, puisque j’ai su dès le début que je n’allais pas aimer, dès les premiers hurlements stridents de la chanteuse en robe longue traditionnelle de l’Est. Le côté incantations de Baba Yaga furibarde accompagnées d’accordéon de fête au village, ce n’est juste pas possible pour moi, malgré la balalaïka et le reste des instruments, que je n’ai même pas eu trop le temps de détailler, vu que j’ai vraiment fait un rejet devant tous ces sons suraigus, et que j’ai trouvé que ce serait un très bon moment pour tenter de me ravitailler. Il faut dire aussi que tous les stands de nourriture commençaient à être au mieux à moitié vides, les ardoises n’affichaient quasiment plus que des plats barrés, et j’ai pu acheter une des dernières galettes du stand de crêpes après un long moment d’attente. Entre la qualité et la quantité de la nourriture au Cernunnos Pagan Fest, il y a vraiment des améliorations qui pourraient être apportées, quand on se retrouve à payer relativement cher des plats où il y a plus de gras que de viande, presque pas de garniture dans les galettes, des plats végétariens qui sont au même prix que les versions carnistes en enlevant juste la viande, on sent bien qu’on se fait avoir, même si c’est toujours un peu le deal en fest.

Une fois (un peu) rassasiée, je me hâte de retourner dans la Halle pour voir, last but not least, les Finlandais de Turisas. Je ne les ai jamais vus, j’aurais pu les voir au Motocultor mais j’avais assisté à un autre concert, on m’en a beaucoup parlé depuis et je me dis que ce sera une bonne séance de rattrapage, je suis plutôt curieuse. Et là, dégringolade : on n’est pas sûrs qu’ils jouent car leur matériel a été perdu à l’aéroport, finalement il semblerait que ce soit bon, ils empruntent du matos à d’autres groupes mais comme si c’était un dû et sans politesse, les consignes au sujet des photos sont à la fois surréalistes et floues, leur attitude sur scène est pédante et assez irrespectueuse vis-à-vis de l’ensemble des spectateurs comme des photographes… En plus de ça l’atmosphère dans la salle devient vraiment très bizarre comme si le public n’était pas du tout le même que pour les concerts précédents, l’ambiance se tend, les slams deviennent vraiment ingérables, l’effet du « battle metal » peut-être, avec des gens qui sont lancés sur le public plutôt que portés doucement, on se prend des coups de rangers par surprise dans la tête ou des personnes nous tombent dessus de tout leur poids, pendant que le chanteur fait une remarque comme quoi la scène est sa zone et que le public doit rester de son côté. Un vrai moment d’osmose et de bonne entente dites donc, ça fait chaud au cœur. En plus ils ont tellement l’air d’être sur scène contraints et forcés et d’assurer le show mécaniquement que vu qu’on n’a ni envie de se faire prendre de haut ni envie de sortir en miettes d’un concert pas très incarné nous sommes nombreux à partir, photographes et chroniqueurs en première ligne. Ce n’est pas parce qu’on est en tête d’affiche qu’on doit avoir la grosse tête.

Malgré cette douche froide finale, l’ensemble de la journée fut riche en découvertes, bonnes surprises et retrouvailles, et c’est ce qu’il vaut mieux garder en tête. Néanmoins, dans la liste des améliorations potentielles, il serait bon de revoir un peu la nourriture en termes de qualité et de quantité, de prévoir des plats qui soient vraiment végétariens et pas des adaptations soustractives, et peut-être aussi de revoir la jauge de spectateurs, car il était vraiment difficile de circuler dans les salles cette année, ce qui n’était pas le cas l’année précédente, qui avait été nettement améliorée par rapport à l’édition de 2017, la première à la Ferme du Buisson. Idéalement un pit photo serait le bienvenu, avec des crash barrières, afin de ne pas se retrouver assommée ou avec l’appareil éclaté sur le rebord de la scène… Ou une priorité aux photographes pour les premiers titres et qu’ils libèrent les premiers rangs ensuite, afin que tout le monde y trouve son compte ? Et le fait qu’il n’y ait pas du tout de sécu de part et d’autre de la scène m’a paru un peu problématique vu la dangerosité de certains mouvements de foule qui viraient vraiment en bastons par moments, sans aucune possibilité d’intervention pour calmer le jeu et rappeler un peu les personnes violentes à l’ordre. Je sais bien que quand on est un viking, le but de notre vie entière est d’accéder au Valhalla, mais pas tout de suite s’il vous plaît.

Coups de cœur du jour : Infinityum, Bloody Tyrant, Finsterforst.

Merci mais non merci : Kalevala, le melon de Turisas.
 
Critique : Elise Diederich
Date : 23/2/2020
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