Chronique
IGORRR - SPIRITUALITY AND DISTORTION / Metal Blade 2020
Après un "Savage Sinusoid" qui avait marqué les esprits, voici que Gautier Serre, multi-instrumentaliste, inspiré aussi bien par Cannibal Corpse que Chopin, le baroque ou l’électro, revient avec son groupe sous la douce appellation IGORRR.
L’offrande est nommée "Spirituality and Distortion", elle sort ce mois ci chez Metal Blade et, honnêtement, rien dans votre vie musicale, peu importe vos horizons, ne vous a préparé à ce qui va suivre. Je préconise alcool en apéritif, LSD en entré et cocaïne en dessert avec un coulant au chocolat (parce que ça c’est bon) et absinthe en digestif.
Bon non plus sérieusement je me pose la question suivante : comment appréhender un album si unique ? Et bien je vais miser le titre par titre vu qu’il est difficile de trouver dans cette richesse un schéma, hors l’intérêt porté par Gautier à l’univers désertique Nord africain.
« Downgrade Desert » se lance avec un oud superbe intreprété par Mehdi Haddad. Un riff, lourd, très lourd, limite djent par moment, qui lancera le chant arabisant de Laure Le Prunenec avant que tout soit balayé par le growl superbement caverneux de Laurent Lunoir (Öxxö Xööx). Excellente entrée en matière, et ce n'est que le début.
"Nervous Waltz", se lance logiquement comme une valse, avec un violon superbe de Timba Harris et une batterie qui tape fort sur la grosse caisse, une guitare lourde, et un slap de basse dantesque qui passerait presque pour de l'électro (ce qui arrivera plus tard sur le morceau). Puissant. Un gros blast des familles apaisé par un piano et des chœurs baroques, le morceaux change vite, très vite, mais quelle maîtrise... Ok là je vais attaquer le LSD…
Premier extrait, totalement barré avec le clip qui va avec « Noise » verse dans un morceau électro où la basse a une place cruciale. Totalement déstructuré et décomplexé, ce morceau c’est le coup de matraque qui assomme.
Clavecin et basse pour « Hollow Tree » avec le chant spirituel de Laure. Il y a un côté Meshuggah dans les temps… un déphasage qui perd l’auditeur, se raccrochant ainsi à la voix comme seul guide ; Perturbant de génie, je ne sais littéralement plus où j’habite…
Retour, comme je disais, aux sonorités arabisantes sur « Camel Dancefloor » et son son électro grave (je n’y connais rien ne me demandez pas l’influence). On a toujours ces slaps de basse qui sont là, clé de voûte des compositions pour le moment. Original à n’en pas douter, et tellement grandiose. La guitare arrive sur le tard pour enfoncer le clou avant de disparaître comme par enchantement, avec le reste du son…
Grand guest de l’album, Georges « Corpsegrinder » Fisher sur « Parpaing ». Morceau qui porte son nom comme un gant, avec une déferlante de violence totalement maîtrisée, une musique changeante et technique, en soi une œuvre d’art, mélangeant le death et de l’électro psychédélique !
« Musette Maximum » est en somme un bal musette très jovial où un métalleux un peu imbibé (pléonasme) monterait sur scène pour ajouter de la distorsion et du growl. D’où le titre de l’album je suppose.
« Himalaya Massive Ritual » et son hang d’introduction apaise… Cette sensation d’être vraiment dans un temple bouddhiste prêt à faire une introspection personnelle quand une guitare vient vous susurrer à l’oreille un black metal pure souche, 100 % sans OGM…
A ce stade j’annonce que évoluer dans l’univers de IGORRR c’est évoluer dans un labyrinthe les yeux bandés ou évoluer dans un rêve, un état second improbable où tout peut arriver.., Laure revient avec un chant plus lyrique mais toujours ces intonations baroques, pour finir sur un superbe violon… Ouaw.
Avec un titre comme « Lost In Introspection » (clin d’oeil au superbe film au titre quasi similaire?) je ne sais quoi penser. Et voilà qu’un piano me prend par la main et me fait voyager à travers de multiples univers, toujours ce côté techno et cette batterie qui semble vouloir coller au style. Les chœurs lointains, les orchestrations, on se croirait dans un film de Tim Burton. Une étrange beauté, atypique et pourtant enivrante. Merci pour cette introspection…
« Overweight Poesy », très oriental, japonais pour être plus précis (si mon oreille ne me trompe pas…) offre en effet une douceur apaisante, une méditation calme, une complainte magnifiquement chantée par Laure, les larmes sont aux portes de mes yeux, mais refoulées par la brutalité arrivante qui balaye tout. Un morceau à deux faces, quelque part n’est-ce pas là l’humain…
Comme pour « Noise », « Paranoid Bulldozer Italiano » lance du gros électro… Mais le metal revient toujours… Laurent hurle pour notre plus grand plaisir, sur un morceau toujours aussi psychédélique… Beaucoup de données à ingurgiter et pourtant ça fonctionne… à la perfection. Passer de l’électro metal au baroque, dans quel univers, si ce n’est celui d’IGORRR, cela peut-il fonctionner ? Le mot artiste prend tout son sens avec un morceau comme ça… El Bulli musical, l’alchimiste non pas des saveurs mais des sons.
« Barocca Satani » se passe de description, son intitulé parle de lui même. Baroquecore ? Exactement. Une extase de sucré salé, de douce violence, de violente douceur, libre à vous de choisir. Quelle merveille… Ce clavecin, ce violon malmené par des blasts endiablés, Satan habite le baroque, déferle sa race dans une poésie musicale quasiment hors de contrôle. Une jouissance.
Et ainsi on continue dans la maîtrise… « Polyphonic Rust » sonne comme un essai dans un essai. Planant, portant l’auditeur dans des sphères insoupçonnées. Cette basse entêtante, percutante, ces chants à la portée shamanique, cet envoûtement… Un voyage initiatique.
Et on termine avec un titre un peu étrange je dois dire… « Kung-Fu Chèvre ». Chanté a capela, mélancolique (du moins au début), mais bien évidemment c’est avant que l’accordéon, le violon et la batterie, qui fait electro, ne changent tout. Malgré ce chant polonais ou autre dialecte des pays de l'est, je m’imagine sur une gondole à Venise, pilotée par un ours, le canal n’étant pas eau mais liqueur. Un monde sur mesure comme Charlie et la Chocolaterie, tout est possible, tout existe, tout cohabite dans l’osmose la plus parfaite.
Gautier Serre devient avec « Spirituality and Distortion » le Pollock de la musique, le Picasso des sons, mélangeant, déstructurant, innovant. Un magicien du son, un créateur. Il est ce chef qui mélange des saveurs impossibles et improbables et en tire la perfection, raffinée, humble et puissante.
Cet album ne laissera personne de marbre et c’est ce qui en fait sa grandeur : une ode à l’ouverture d’esprit et à l’éclectisme. Une œuvre d’art comme on en trouve peu. Un essai musical, un vrai.
L’offrande est nommée "Spirituality and Distortion", elle sort ce mois ci chez Metal Blade et, honnêtement, rien dans votre vie musicale, peu importe vos horizons, ne vous a préparé à ce qui va suivre. Je préconise alcool en apéritif, LSD en entré et cocaïne en dessert avec un coulant au chocolat (parce que ça c’est bon) et absinthe en digestif.
Bon non plus sérieusement je me pose la question suivante : comment appréhender un album si unique ? Et bien je vais miser le titre par titre vu qu’il est difficile de trouver dans cette richesse un schéma, hors l’intérêt porté par Gautier à l’univers désertique Nord africain.
« Downgrade Desert » se lance avec un oud superbe intreprété par Mehdi Haddad. Un riff, lourd, très lourd, limite djent par moment, qui lancera le chant arabisant de Laure Le Prunenec avant que tout soit balayé par le growl superbement caverneux de Laurent Lunoir (Öxxö Xööx). Excellente entrée en matière, et ce n'est que le début.
"Nervous Waltz", se lance logiquement comme une valse, avec un violon superbe de Timba Harris et une batterie qui tape fort sur la grosse caisse, une guitare lourde, et un slap de basse dantesque qui passerait presque pour de l'électro (ce qui arrivera plus tard sur le morceau). Puissant. Un gros blast des familles apaisé par un piano et des chœurs baroques, le morceaux change vite, très vite, mais quelle maîtrise... Ok là je vais attaquer le LSD…
Premier extrait, totalement barré avec le clip qui va avec « Noise » verse dans un morceau électro où la basse a une place cruciale. Totalement déstructuré et décomplexé, ce morceau c’est le coup de matraque qui assomme.
Clavecin et basse pour « Hollow Tree » avec le chant spirituel de Laure. Il y a un côté Meshuggah dans les temps… un déphasage qui perd l’auditeur, se raccrochant ainsi à la voix comme seul guide ; Perturbant de génie, je ne sais littéralement plus où j’habite…
Retour, comme je disais, aux sonorités arabisantes sur « Camel Dancefloor » et son son électro grave (je n’y connais rien ne me demandez pas l’influence). On a toujours ces slaps de basse qui sont là, clé de voûte des compositions pour le moment. Original à n’en pas douter, et tellement grandiose. La guitare arrive sur le tard pour enfoncer le clou avant de disparaître comme par enchantement, avec le reste du son…
Grand guest de l’album, Georges « Corpsegrinder » Fisher sur « Parpaing ». Morceau qui porte son nom comme un gant, avec une déferlante de violence totalement maîtrisée, une musique changeante et technique, en soi une œuvre d’art, mélangeant le death et de l’électro psychédélique !
« Musette Maximum » est en somme un bal musette très jovial où un métalleux un peu imbibé (pléonasme) monterait sur scène pour ajouter de la distorsion et du growl. D’où le titre de l’album je suppose.
« Himalaya Massive Ritual » et son hang d’introduction apaise… Cette sensation d’être vraiment dans un temple bouddhiste prêt à faire une introspection personnelle quand une guitare vient vous susurrer à l’oreille un black metal pure souche, 100 % sans OGM…
A ce stade j’annonce que évoluer dans l’univers de IGORRR c’est évoluer dans un labyrinthe les yeux bandés ou évoluer dans un rêve, un état second improbable où tout peut arriver.., Laure revient avec un chant plus lyrique mais toujours ces intonations baroques, pour finir sur un superbe violon… Ouaw.
Avec un titre comme « Lost In Introspection » (clin d’oeil au superbe film au titre quasi similaire?) je ne sais quoi penser. Et voilà qu’un piano me prend par la main et me fait voyager à travers de multiples univers, toujours ce côté techno et cette batterie qui semble vouloir coller au style. Les chœurs lointains, les orchestrations, on se croirait dans un film de Tim Burton. Une étrange beauté, atypique et pourtant enivrante. Merci pour cette introspection…
« Overweight Poesy », très oriental, japonais pour être plus précis (si mon oreille ne me trompe pas…) offre en effet une douceur apaisante, une méditation calme, une complainte magnifiquement chantée par Laure, les larmes sont aux portes de mes yeux, mais refoulées par la brutalité arrivante qui balaye tout. Un morceau à deux faces, quelque part n’est-ce pas là l’humain…
Comme pour « Noise », « Paranoid Bulldozer Italiano » lance du gros électro… Mais le metal revient toujours… Laurent hurle pour notre plus grand plaisir, sur un morceau toujours aussi psychédélique… Beaucoup de données à ingurgiter et pourtant ça fonctionne… à la perfection. Passer de l’électro metal au baroque, dans quel univers, si ce n’est celui d’IGORRR, cela peut-il fonctionner ? Le mot artiste prend tout son sens avec un morceau comme ça… El Bulli musical, l’alchimiste non pas des saveurs mais des sons.
« Barocca Satani » se passe de description, son intitulé parle de lui même. Baroquecore ? Exactement. Une extase de sucré salé, de douce violence, de violente douceur, libre à vous de choisir. Quelle merveille… Ce clavecin, ce violon malmené par des blasts endiablés, Satan habite le baroque, déferle sa race dans une poésie musicale quasiment hors de contrôle. Une jouissance.
Et ainsi on continue dans la maîtrise… « Polyphonic Rust » sonne comme un essai dans un essai. Planant, portant l’auditeur dans des sphères insoupçonnées. Cette basse entêtante, percutante, ces chants à la portée shamanique, cet envoûtement… Un voyage initiatique.
Et on termine avec un titre un peu étrange je dois dire… « Kung-Fu Chèvre ». Chanté a capela, mélancolique (du moins au début), mais bien évidemment c’est avant que l’accordéon, le violon et la batterie, qui fait electro, ne changent tout. Malgré ce chant polonais ou autre dialecte des pays de l'est, je m’imagine sur une gondole à Venise, pilotée par un ours, le canal n’étant pas eau mais liqueur. Un monde sur mesure comme Charlie et la Chocolaterie, tout est possible, tout existe, tout cohabite dans l’osmose la plus parfaite.
Gautier Serre devient avec « Spirituality and Distortion » le Pollock de la musique, le Picasso des sons, mélangeant, déstructurant, innovant. Un magicien du son, un créateur. Il est ce chef qui mélange des saveurs impossibles et improbables et en tire la perfection, raffinée, humble et puissante.
Cet album ne laissera personne de marbre et c’est ce qui en fait sa grandeur : une ode à l’ouverture d’esprit et à l’éclectisme. Une œuvre d’art comme on en trouve peu. Un essai musical, un vrai.
Critique : SBM
Note : 10/10
Site du groupe : Site Officiel
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