Chronique

MINISTRY - MORAL HYGIENE / Nuclear Blast 2021

C’est un petit souci personnel depuis 1989 (et la sortie de « The Mind Is A Terrible Thing To Taste ») mais chaque production d’Al Jourgensen et sa bande de trublions industriels est à la fois accueillie avec enthousiasme et méfiance. Méfiance parce que régulièrement ça me coûte le prix d’un skeud et qu’à chaque fois ça me donne envie d’attendre le suivant. Oui, se faire racketter régulièrement par le même gus ça rend méfiant. Al me fait officiellement les poches sans que je dise rien depuis plus de 30 ans. On a pété des mâchoires pour moins que ça. Détail rigolo, à chaque fois aussi je me dis « oui mais c’est la même formule, il fait chier » (personne n’a jamais fait de procès à AC/DC ou aux Ramones pour ça, ok, j’abandonne les charges). Chaque fois aussi je me dis « Tiens c’est marrant ça je m’y attendais pas » et résultat ça s’annule. Le souci de Ministry c’est que si tu aimes l’Indus obsessionnel et chaotique, y a en effet de quoi bouffer à tous les étages.

Mais pour parler du disque évoquons déjà le « personnel ». Le guitariste Sin Quirin s’est vu remercier pour des affaires de mœurs qui m’ont échappé sur le vieux continent mais apparemment ne sont pas restée inaperçues du côté de l’Amérique (comme quoi même chez Ministry on fait gaffe à pas employer des salauds). Mais là encore, équilibre oblige (où hasard étrange), on trouve Dave Ellefson en guest sur deux titres à la basse (lui même viré de Megadeth pour une sombre histoire de vidéo d’auto-prise en main envoyée à une dame majeure et consentante, mais faut croire que se palucher entre adultes consentants c’est mal). Tout ça pour dire que l’hypocrisie américaine aura aussi contribué à sculpter ce disque un peu malgré lui, voir titre pour un éclaircissement sur le pourquoi du comment de cette digression. Dans le rang des guests on trouve aussi l’immense Jello Biafra, pote d’Al depuis Lard pour un « Sabotage is Sex » d’anthologie, punk, déliquescent, planant, brutal et sauvage, oui, le tout en même temps. On note aussi la présence d’un scratcheur (Arabian Prince) sur le premier titre « Alert Level », digne du Ministry de « Burning Inside», et aussi de Billy Morrison (Billy Idol, ex The Cult) à la guitare sur trois titres, dont une reprise du « Search and Destroy » des Stooges. Oui il y a aussi une version de ce classique absolu, mais alors revu et corrigé façon groove hypno-rock-cold-sexy et ça mérite de jeter une oreille. J’avoue, de prime abord je ne suis pas sûr que, à part en écoutant les paroles, même Iggy aurait reconnu son bébé… On citera aussi en vrac le Cold Wave uppercutesque « Believe in me » (and yes it’s also cute), le Metal blues concassé de « Broken System (ponctué de ce qui semble être un bout de discours du rouquin perruqué le plus pénible de l’histoire de la présidence Américaine) ou encore l’infernal zapping de « TVsong#6 » que n’aurait pas renié le Ministry des débuts, sur fond de riff hyper accéléré inhumain et glauque à souhait.

C’est donc le 15ème album de Ministry (purée, ça nous rajeunit pas mes pépés), j’en reviens pas. Le dernier « Amerikkkant » était déjà un pavé incontournable et là au fond, après avoir pris le racisme (pour faire court) pour cible Al s’attaque en frontal à la pudibonderie (le prétexte principal mais évidemment il y a plus que ça), et comme d’habitude, ça réussit à rester militant et agressif sans tomber dans le pompeux, non c’est juste, ça saigne, ça crie, ça déborde, ça fait remuer et gamberger, on garde cette furieuse impression d’un zapping sous amphétamines un soir d’insomnie dans un hôtel cyber-punk glauque éclairé par des néons clignotants. Au fond c’est un peu la BO de l’Amérique que même les Ricains doivent détester (enfin ceux qui ont des neurones, tout le problème est là).

Vous voulez une bonne nouvelle ? Si les albums de Ministry se suivent et restent dangereusement bons, c’est parce qu’ils sont nourris des horreurs que l’Amérique produit… A ce compte là, on en prend encore un « paquet » qui vont me coûter dans les 20 balles pièce… C’est mon banquier qui va être content.
 
Critique : Thomas Enault
Note : 10/10
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