Live Report

KAVE FEST 2022 - JOUR 1 - 2/7/2022

 
Le week-end des 2 et 3 juillet le Kave Fest a sorti le grand jeu avec une édition agrandie et améliorée dans un nouveau lieu plein de cachet, l'enceinte du château de Gisors, dans l'Eure. (Un lieu qui a toutefois l'inconvénient de ne pas être très accessible aux personnes non véhiculées, puisque les trains cessent tôt de circuler dans la soirée, mais c'est très beau et agréable d'y déambuler, donnant d'emblée une vraie ambiance au festival.)

C'est le groupe Harsh qui ouvre, et les quatre membres du groupe donnent la pêche avec leur glam pur jus. Le chanteur annonce que le deuxième morceau est pour son papi qui lui a donné sa voiture, ce qui permet au groupe de faire des concerts, il conclut par "merci papi", ce qui est repris par tout le monde dans le public, how cute ! La reprise de "Born to be wild" est réussie, le concert est dynamique et frais, les mecs ne se la pètent pas, sont rigolos, font chanter le public sur des titres qu'ils ne connaissent pas, c'est très agréable. Ils annoncent un dernier titre au style un peu différent, un peu plus stoner, quelqu'un dans le public crie "OH OUI", l'enthousiasme est présent ! Finalement le titre ne me paraît pas si stoner, sonnant plutôt comme une ballade glam/heavy, facon Def Leppard teinté de The Vines, avec des petites influences évoquant Jeff Buckley, un peu Gotthard. Le dernier solo plus planant sort effectivement du registre purement glam. Vers la fin du set Harsh effectué une reprise de "Maniac", dur de ne pas danser - j'avoue que je n'ai pas résisté.

Place à Balls Out. Alors déjà MENSONGE, sur les quatre musiciens il n'y en a pas un en kilt, toutes les balls sont dedans. En guise de première communication avec le public, le chanteur lance "On est Balls Out, et la fête commence maintenant !!", bah dites les mecs, ce n'est pas très sympa pour Harsh qui était là avant et a fait un concert super cool. L'heure est au hard rock, tirant sur un rock style US tradi, lourd et se voulant burné, la voix du chanteur est rauque et puissante, et dans le fond comme dans la forme il ne fait pas dans la dentelle : "On me dit souvent que je chante que des chansons de cul, bah là j'ai fait une chanson de nichons, donc les filles vous savez ce qu'il vous reste à faire", hmm partir ? Plus sérieusement c'est sympa à regarder sur scène, c'est pêchu dans un genre bourrin, ça envoie du gros son, du gras, les mecs ne donnent pas dans la finesse, ça manque un peu de subtilité dans les sons et les textes pour moi mais c'est catchy, bien qu'un peu redondant au fil des titres à mon sens. Sur la fin ils jouent un titre éponyme "Balls Out", et le public a été prié de reprendre le refrain.

Le troisième groupe du jour est Red Mourning, étiqueté southern metal, voilà qui m'intrigue. Ils sont quatre sur scène, le chanteur, qui porte un t-shirt Ukraine, joue parfois de l'harmonica (il en a toute une ceinture, c'est plutôt rigolo à voir toute cette collection), le guitariste a aussi un lapsteel, les musiciens se joignent parfois au chanteur pour des chœurs, et le tout est vraiment singulier : l'alchimie super étrange d'un metalcore bluesy, intense, avec des touches de prog, parfois les rythmes et voix tirent du côté de la country. Je pense un peu à Solstafir, A Pale Horse Named Death, A Perfect Circle, on est vraiment face à un groupe très intéressant avec Red Mourning, et avec une approche engagée et straight-edge. Il n'y a pas trop de blabla entre les morceaux, l'approche du groupe est simple et efficace, d'ailleurs ce concert marque le début des pogos et circle pits.

Après un changement de plateau c'est le groupe Promethean qui prend place sur la scène du Kave Fest. Au programme du black brutal, rapide, extrêmement rythmé avec une batterie très présente, et un nouveau chanteur (très bon) qui nous narre sur un ton furibard des histoires lovecraftiennes. C'est très mouvementé sur scène, d'autant qu'ils sont six : un chanteur, deux guitaristes, un bassiste et un claviériste. Ils ne s'économisent pas sur les headbangs, et en retour il y a étonnamment peu de mouvement dans le public, qui écoutent assez stoïquement les mélodies et rythmes apocalyptiques.

La musique de transition funk et bossa nova d'ambiance commence à me taper un peu sur le système, il y a des gens qui aiment avoir un bruit de fond en permanence, j'avoue que pour ma part j'apprécie un peu de silence entre les concerts pour continuer à garder en tête ce que je viens d'entendre et savourer.
Quelqu'un passe en disant "C'est bien ici, il fait beau, il y a du gravier" ; un vrai critère d'appréciation pour un festival, vraisemblablement, le gravier.

Le concert de Det Var débute avec 30 minutes de retard, vraisemblablement l'installation n'a pas été simple. Il faut dire que si le projet de folk nordique est initialement monté par un duo fondateur, Thomas et Johan, les musiciens sont huit sur scène, munis d'instruments traditionnels, et les éléments de décor tels que des cornes ou peaux de bêtes revêtent une importance centrale pour installer l'univers du groupe. Det Var nous livre un set pagan folk acoustique très lent, dans une veine à la Wardruna, Skald ou Heilung. L'ambiance est rituelle, mystérieuse, les nombreux instruments traditionnels apportent un charme uncontestable. La scène est noyée de fumée de temps en temps pendant ce moment calme et solennel, rythmé par les chœurs et les tambours.

Le retard s'accumule progressivement et le concert de Scarlean débute avec 45 minutes de retard. Le groupe est composé de 5 membres, selon la formule classique chanteur, bassiste, 2 guitaristes, batteur. Scarlean mélange allègrement les genres pour livrer un assemblage très personnel de metal moderne, post-metal, néo-metal, prog, et hardcore, avec du chant clair, c'est une belle découverte, énergique, originale, stylée. Des problèmes de son empêchent un peu d'entendre la voix du chanteur au début, mais c'est vite réglé et rapidement tout le public est embarqué. Le groupe a joué plusieurs reprises, "Smack my bitch up", "What a wonderful life", évidemment revisitées à la sauce fusion metal moderne, belle claque que ce groupe, assurément à suivre.

C'est au tour d'un groupe que j'avais hâte de voir pour la deuxième fois, Fractal Universe, de faire son show : il est l'heure de se prendre une grosse mandale de prog et death technique dans la tête. Ils ne sont que quatre sur scène, avec un chanteur guitariste, un guitariste, un bassiste et un batteur, mais ils donnent l'impression d'être beaucoup plus nombreux tant ils habitent la scène. je m'étais déjà fait la réflexion au Mennecy Metal Fest en septembre 2021, et c'est toujours le cas, ils se déplacent beaucoup, headbanguent, on n'a pas le temps de s'ennuyer. Les compositions sont très élaborées, c'est bondissant, vénère mais joyeux, avec beaucoup de changements de rythme, très groovy, ainsi que des passages planants et aériens. Tous les guitaristes et bassiste donnent de la voix de temps en temps, dans de très belles harmonies. Le chanteur, aussi bon au chant clair qu'au chant saturé, passe même un petit peu au saxophone à plusieurs reprises et c'est toujours très réussi. Il y a eu un slam sur quelques personnes seulement, il y en a qui ont confiance ! Le chanteur lance "On était au Hellfest le WE dernier, il ont fait un énorme wall of death, est-ce que vous pouvez faire mieux que le Hellfest ?", l'espoir fait vivre ! Le public invente un nouveau type de slam : au lieu de faire passer une personne sur tout le public, c'est un petit groupe de gens qui se déplace en portant une personne à différents endroits du fest, une nouvelle sorte de chaise à porteurs est née grâce au Kave Fest. Le chanteur et le guitariste sont venus jouer dans le public, les spectateurs étaient conquis, décidément c'est toujours aussi bon en live Fractal Universe, une valeur sûre.

La tête d'affiche du samedi est le groupe Tyr, originaire des îles Féroé, qui remplace Arkona ayant dû annuler sa venue pour des raisons tristement évidentes. J'avais déjà vu Tyr lors d'une édition du Cernunnos Pagan Fest lorsqu'il avait encore lieu à Paris, déjà en tête d'affiche si mes souvenirs sont bons, et je n'étais déjà pas transcendée. À mon sens le folk pagan tradi qu'ils jouent est un peu redondant, les quatre musiciens (un chanteur guitariste, un guitariste, un basisste et un batteur) sont un peu poseurs, je trouve ce groupe un peu surcoté par rapport à d'autres officiant dans un registre similaire. En plus de ne pas trouver leur musique plus folichonne que ça je n'ai pas du tout d'affinités avec le groupe vu que le chanteur est un fervent défenseur du grindagrap, la chasse aux baleines et dauphins, et la pratique lui-même, le groupe a même une chanson qui parle de cette chasse traditionnelle. Quelques caprices faits en coulisses avec des exigences impossibles à satisfaire complètent le tout. D'un point de vue purement musical c'est plutôt lent et pas révolutionnaire mais ça fait le job pour pas mal de fans de folk qui ne tardent pas à faire des pogos (dont avec des hommes en cotte de maille et bouclier, là pour les animations médiévales, ça c'était plutôt rigolo à regarder je dois dire) et des files pour ramer, le classique du genre.

Ensuite c'est Bukowski qui débarque, un groupe de rock/power rock de région parisienne, formé d'un chanteur, d'un guitariste, d'un bassiste et d'un batteur. Pour avoir vu le groupe au Betiz Fest en 2019 je me souvenais d'une musique qui ne me procurait pas des sensations dingues, mais qui dégageait une ambiance très sympa et avait un bon contact avec son public. Là pour le coup les interactions sont un peu lourdingues, le chanteur a demandé plusieurs fois que quelqu'un lui offre une bière, en insistant jusqu'à ce que quelqu'un lui en ramène effectivement une comme si c'était la priorité du siècle. Il y abeaucoup de monde pour le classic rock dynamique de Bukowski qui a une fanbase fidèle depuis des années, personnellement je ne suis pas très réceptive à leur son que je trouve un peu banal, et ce soir je trouve que le son du concert est brouillon et casse la tête, mais ils sont un des groupes les plus acclamés de cette journée. "Kave Fest, foutez-vous sur la gueule, dans la joie de vivre", réclame le chanteur, pendant que le concert continue avec son un peu froid et lourd, une voix déchirée, un mixage massif et des distorsions.

Puis c'est l'heure de Novelists (enfin même plus que l'heure vu que le festival a accumulé un peu plus d'une heure de retard), pour du metal moderne / metalcore. Les gars sont cinq sur scène, un chanteur, un bassiste, deux guitaristes et un batteur, avec des membres français et allemands : le guitariste nous traduit des propos du chanteur qui est désolé de ne pas parler français, alors que ça n'empêche personne de passer un excellent moment (de toutes façons on comprend rarement les paroles du metalcore quand ça braille comme ça). Il y a des moments acharnés, brutaux et rapides, et de longues plages atmosphériques instrumentales très légères et mélodieuses. L'intensité est très bien modulée et tient en haleine. Les interactions sont sympa et marrantes avec le public, en anglais et en français, pas mal de pogos ont lieu dans la fosse.

La soirée devait se terminer avec Volkor X et son électro sombre, mais malheureusement son set a dû être annulé à cause du retard accumulé, pour respecter les arrêtés préfectoraux et les engagements pris par le Kave Fest envers la commune de Gisors. Malgré cette petite touche de déception la journée fut hautement qualitative, et sachant que celle du dimanche me tente encore plus, j'ai hâte de voir ce que la suite réserve.
 
Critique : Elise Diederich
Date : 2/7/2022
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