Live Report

DIR EN GREY - Élysée Montmartre - Paris - 8/2/2020

 
Dir en grey avait donc pris d’assaut l’Elysée Montmartre en ce 8 février 2020, et oui c’était un évènement. Pour votre serviteur c’était aussi une première puisque je me suis retrouvé balancé en remplacement de notre spécialiste es Japon en titre (chacun ses manies). Mais ayant suivi la carrière des cinq d’Osaka, de loin avec un intérêt réel dû à la qualité extrême de leurs productions, cette première en live m’aura permis de conforter un sentiment déjà bien établi. Ce groupe est dingue, polymorphe, se réinventant en permanence et en gardant une force d’impact en live qui n’est pas due qu’aux hordes de fans chantant par cœur des mots dont ils ont vraisemblablement appris le sens après, la musique crée parfois des vocations de linguistes. Mais j’anticipe, je vais trop vite, je me perds.

Dans l’ordre : le show.
A l’image de la musique du groupe un show de Dir en grey c’est un spectacle total. Projections de courts métrages en mode V-J-ing de luxe, mêlant images tour à tour poétiques, inquiétantes, lugubres, toujours d’une beauté froide et contemporaine, portés par un sens du graphisme où chaque insert de mot porte à la fois la chanson et accompagne le mouvement du public et de Kyo, le chanteur, en grand ordonnateur de cette messe païenne et métallique. Rien, absolument rien n’est laissé au hasard. Kyo écrit les textes depuis le début, mais on sent aussi que chaque geste de celui qui porte aussi son spectacle par le mime et l’acting, est réfléchi pour que le public passe un moment intense et à la hauteur des ambitions du groupe. Alors oui c’est sombre, cruel et délicat à la fois, mais à l’écoute des disques on se dit que c’est juste parfait comme prolongement du support disque justement. Une leçon de live que beaucoup de groupes devraient entendre et envisager, car même pour un newbie total on ne voit pas le temps passer. Même sans connaître les chansons, on entre dedans sans se forcer. Bref le dispositif scénique déroule sa toile comme une araignée sociopathe, certes avec la spontanéité d’une machine à tronçonner les autoroutes et s’impose comme une merveille de précision et de cohérence.

Ensuite : les fans
Les fans sont en transe, pas forcément le mode « pogo-expansif-on-gueule », non il s’agit plutôt d’une communion étrange entre mysticisme ébahi (mais vu ce qui se passe sur scène c’est assez logique), connivence internationale (oui ça crie en japonais partout dans la salle avec un accent approximatif mais je ne sais pas comment on dit « à poil en japonais donc si ça se trouve c’était moins mystique que je ne le pensais) et intellectualisme rentré (les nerds qui hochent la tête d’un air entendu avec look de sortie de service informatique). Les fans se divisent en deux vraies catégories en fait, les anciens qui connaissent les paroles et les murmurent plus ou moins fort et les cosplayer qui jouent le jeu de la connivence esthétique. Il y a des degrés, certains sont là depuis des années à suivre un groupe qui les inspire au quotidien, d’autres ont pris le train en marche et appris très vite. Les bleu-bites dans mon genre sont rares. On sent que le public est à l’unisson. Vu le chef d’orchestre-chanteur-mime-grand ordonnateur sur le plateau on comprend qu’ils suivent : c’est hypnotisant. Après c’est un peu déstabilisant pour le newbie de se retrouver dans ce qui a, parfois, des airs de convention pour initiés. Mais on s’y retrouve quand même assez vite.

Pour finir : en vrac
La set list, pour un show pourtant « boulonné », n’est jamais la même, ce qui prouve qu’on peut être attentif à ses fans en proposant un objet complexe et maîtrisé sans être systématique (encore une leçon). Le groupe porte son attention jusqu’à vérifier eux mêmes les photos faites pendant le concert (oui vous pouvez aller voir les photos et vous dire que c’est Kyo lui même qui a choisi celles qu’il voulait que les fans voient de lui). Ils sont attentifs à leur image à ce point-là. Toutes, absolument toutes, les décisions sont visées par le groupe. On pourrait y voir une forme de maniaquerie du contrôle mais à la réflexion j’y vois plus une façon de continuer le spectacle et de l’accompagner pour ne donner que le meilleur, en accord avec les journalistes présents et sans chercher à les brider, plus à les faire participer au dispositif. Bref, si vous vous posez la question de l’intégrité du groupe ou du poids de la machine dans leur création… Soyez certains que ces cinq-là ne cherchent qu’une chose : donner à leur fans leur vision, personnelle, non influençable, totalement maitrisée et que oui, ça marche très bien.

Setlist
Zetsuentai
Ningen o Kaburu
Rubbish Heap
Devote My Life
Keibetsu to Hajimari
Celebrate Empty Howls
Aka
Merciless Cult
Downfall
Values of Madness
Keigaku no Yoku
Ranunculus
The World of Mercy
Encore:
Followers
THE DEEPER VILENESS
Utafumi
Encore 2:
Sustain the untruth
Source setlist.fm
 
Critique : Thomas Enault
Date : 8/2/2020
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