Interview

RHAPSODY OF FIRE (2019) - Alex Staropoli (Clavier)

Bonsoir Alex Staropoli. Lors d'une interview en 2013 vous nous aviez dit ne plus vouloir travailler sur une autre saga, parce que vous aviez envie de passer à autre chose, or vous débutez ce nouveau chapitre avec "The Nephilim's Empire Saga". Vous pouvez nous en dire plus ?

À l’époque j’avais dit ça, mais c’était surtout une façon de ne pas s'enfermer dans un carcan, de ne pas se dire "il faut absolument que ce soit ça". Donc en composant et produisant l’album il n’y avait rien de décidé. Je dois avouer que je ne suis pas très porté sur l’écriture. Je fais beaucoup de choses : j’écris, je compose, je travaille beaucoup en studio sur les titres, mais l’écriture c’est Giacomo (n.d.l.r. Giacomo Voli, le nouveau chanteur). Il a reçu tous les titres sous forme de démos déjà assez précises pour pouvoir écrire. Il y avait des riffs de guitares avec des vraies guitares, les claviers, de la vraie batterie, il y avait vraiment un souffle pour qu’il ait le maximum de matière pour y réfléchir. Et il est arrivé avec ses paroles qui étaient vraiment les bonnes. Je sais ce que je veux lire et écouter comme paroles, j’aime que ce soit bien écrit, que ça ait un sens, que ce soit émouvant et inspirant. Là il y avait tout ça, donc c’était parfait.

The Eighth Mountain est le tout premier album écrit sans Luca Turilli ou Fabio Lione. Comment l'écriture s'est-elle passée ?

Bien, vraiment très bien. C’est un travail d’écriture qui a pris deux ans mais qui est finalement allé assez vite, j’écris et je compose en permanence, je note, une phrase musicale, un riff, une idée, une texture, je prends beaucoup de notes pour ne pas oublier, et après je rassemble le tout, c’est assez naturel comme façon de composer. Déjà en temps normal je suis inspiré, mais là je l'étais plus que jamais, c'était super stimulant, tout s'est mis en place de façon fluide et spontanée.

Comment s'est faite l'intégration de Giacomo dans le groupe, ce n'est pas trop dur de passer après Fabio Lione, de se heurter à la comparaison ?

À merveille. Quand il est arrivé dans le groupe c’était évident pour moi que ce serait lui, il avait déjà travaillé avec nous comme choriste donc je lui ai proposé de nous rejoindre et il a dit oui, il a vite trouvé sa place, c’était très naturel. Alors bien sûr, pour lui, arriver dans un groupe qui a déjà une histoire et une légitimité, ça a dû représenter une certaine pression, beaucoup peut-être, mais c’est un chanteur qui travaille constamment, donc il a produit quelque chose de vraiment spécial et qui fonctionne très bien. Bien sûr je pourrais dire qu’il est à son maximum et qu’il a tout donné, mais en fait non, je pense qu’il a encore plus à donner, et il est toujours en train d’essayer d’apprendre plus, c’est le début d’un nouveau chapitre et il s'améliore de jour en jour. Évidemment il est très différent de Fabio Lione mais il n'y a même pas lieu de comparer, on ne va pas refaire toujours la même chose, c'est une nouvelle page qui se tourne.

Vous avez choisi "The Legend goes on" comme premier single de l'album ainsi que le premier avec le tout nouveau line up, et cela fait suite à votre dernier album Into the Legend. Y a-t-il une comparaison entre le groupe et la légende ?

Alors non, pas du tout, certes c'est un mot qui revient, mais cet album est tout à fait différent, ça n'a pas vocation à être une suite, ou à définir le groupe. On aborde une phase vraiment nouvelle, et c'est juste que certains thèmes, certaines dynamiques, sont toujours présents, et vont de pair avec l'identité de Rhapsody of Fire.

Le clip de "Rain of Fury" m'évoque celui de "Unholy Warcry", dans sa réalisation, est-ce volontaire ?

Alors non, pas vraiment. Certes il y a un château dans les deux, et une atmosphère similaire, mais ce sont deux châteaux différents, en Allemagne, on a tourné le clip de "Rain of Fury" pendant qu'on était au Metal Hammer Fest, et ce n'est pas non plus le même réalisateur que pour le clip précédent, donc ça n'a rien à voir. C'est un thème et ça contribue à l'image que l'on veut donner du groupe, mais ce n'est pas une recherche de continuité.

Avez-vous passé un bon moment au Metal Hammer Fest ?

Oui, bien sûr, c'était génial. C'est fantastique parce qu'en Allemagne, chaque pays est différent vous savez, que ce soit la France, l'Italie, l'Espagne, il y a des gens qui sont plus à fond et d'autres qui le sont un peu moins, et j'ai trouvé que les Allemands cette fois-ci étaient incroyables, j'étais vraiment surpris. Certains publics aiment écouter mais ne le montrent pas physiquement, mais en Allemagne au Metal Hammer c'était vraiment cool, il y avait une bonne énergie de la part de nos fans.

Les places pour le concert de ce soir se sont vendues très vite. Vous pensez que le public va être dynamique et démonstratif ?

J'espère, je pense oui ! Le lieu est super, le son est bon, plein, avec des bonnes basses. J'ai hâte de voir la salle remplie.

Vous êtes claviériste, producteur, compositeur, et artiste live, aussi le son est quelque chose qui a construit votre carrière et fait votre réputation, comment vous vous saisissez de cet aspect sur cet album en particulier, et au cours de votre carrière en général ?

J'ai toujours été obsédé par le son, je construisais mes propres haut-parleurs, même dans ma voiture j'ai un gros sound system parce que je voulais écouter parfaitement la musique. Cela a toujours été quelque chose d'important pour moi, c'est pourquoi je choisis avec soin les personnes qui mixent nos musiques. Et je dois dire que je suis content, parce qu'au cours de notre carrière on a toujours travaillé avec des personnes très douées, très professionnels, qui se sont investies pour nous procurer le meilleur son possible, ce qui n'est pas facile avec notre musique, pleine de tellement d'éléments... En live c'est peut-être un peu plus simple, là on a un nouvel ingé son, qui vient de Rome, et il est fantastique, il saisit tout de suite l'esprit de la musique, ce qu'on attend. Malheureusement je ne peux pas entendre moi-même le son de l'extérieur, donc je suis bien obligé de lui faire confiance ! *rires*

Lorsque vous réécoutez vos précédents albums, il y a des choses que vous feriez différemment maintenant ?

Absolument, surtout le premier, qui date de 1997, je veux dire, la technologie était très différente, ce n'était pas il y a si longtemps, mais en termes de technologie, si. Certaines personnes n'ont pas compris pourquoi on avait fait l'album Legendary Years, ce n'était pas seulement pour présenter le nouveau line up, mais aussi pour rafraîchir les anciennes chansons avec de nouveaux sons, et je pense que c'était une démarche intéressante.

Comment les nouvelles chansons se mélangent-elles avec les anciennes que vous pourriez jouer ce soir ?

Elles se mélangent bien, vraiment, et déjà pendant les répétitions ce fut une grosse surprise de réaliser à quel point le son des nouvelles chansons était bon.

Vous êtes content des retours du public sur ce nouvel album ?

Jusqu'à présent, oui, et je sais que ce n'est pas facile parce que l'album est sorti le 22 février alors que la première date était le 21, cela ne nous était encore jamais arrivé vous savez ! Maintenant, concert après concert, les gens ont eu plus de temps pour écouter l'album, mais en tout cas en Espagne les réactions étaient super. De toute façon on joue aussi des chansons qui sont déjà sorties, comme "Rain of Fury", "The Legend goes on"...

Qu'est-ce qui arriverait d'après vous si vous décidiez de ne pas les jouer ?

Il n'y aurait pas de tournée. Je ne voulais pas partir en tournée pour jouer les anciennes chansons, que l'on a déjà jouées tant de fois. Donc les nouvelles chansons doivent être intégrées parmi les anciennes, bien entendu on jouera "Dawn of Victory", "Holy Thunderforce", mais c'est un nouveau chapitre que l'on entame, et c'est encore mieux de pouvoir mélanger ces différents matériaux, c'est une valeur ajoutée.

Vous souvenez-vous de votre premier instant de musicien, celui où vous vous êtes dit "Je veux que ce soit ça ma vie" ?

Hmm je ne sais pas. C'est arrivé un peu différemment, je jouais de la musique, et j'ai rencontré Luca par hasard, en fait sa mère me l'a présenté. J'étais dans la spiritualité, ce qui tournait autour de la relaxation, et la mère de Luca l'y a traîné. Donc voilà, il était là et on a commencé à parler, de musique notamment, et on a décidé de faire quelque chose ensemble. On ne savait pas encore quoi, mais on avait quelques idées, et on a commencé à faire de la musique pour le plaisir de faire quelque chose que d'autres personnes que nous puissent apprécier, évidemment.

La scène metal italienne est très vivante...

Maintenant oui ! Mais à l'époque c'était un désastre, la scène heavy metal était une zone sinistrée en Italie, donc espérer devenir le nouveau Helloween ou Blind Guardian ou je ne sais quel groupe célèbre, c'était loin de nous. On avait envie de réaliser quelque chose mais on n'envisageait pas d'avoir du succès, ni même de monter sur scène. Pour nous composer les chansons, les créer, aller en studio, les enregistrer, c'était déjà quelque chose, c'est tout ce qu'on voulait ! Puis il y a eu tous ces aspects sur lesquels on était assez naïfs en fait : "Ah on doit partir en tournée ? Ok, allons-y !" Donc c'était vraiment pour la musique et pour le plaisir de faire quelque chose d'agréable, qui trouverait peut-être un public quelque part. On n'avait jamais fantasmé sur le fait de devenir des rockstars ou quoi que ce soit du genre...

Et pourtant ce soir vous êtes à Paris.

Oui, et j'en suis bien content vous savez, parce que c'est ce que j'adore faire.

Vous avez travaillé avec un orchestre, avec plus de vingt choristes sur cet album. Comment allez-vous adapter les chansons pour les interpréter en concert ?

Eh bien, on a des bandes son, des chœurs, des orchestres... C'est sûr que quand on joue cette musique avec un orchestre, avec six claviéristes, on a besoin d'un support. C'est important pour nous, on s'est toujours dit qu'on pourrait jouer sans playback, mais ce ne serait pas pareil, ce serait plus normal en termes de méthode, mais on veut vraiment transmettre de l'émotion, et au final, l'énergie qui se dégage du groupe est tellement forte que le playback est juste un élément qui reste en fond vous savez. Parfois on utilise de la narration, parfois l'orchestre, la flûte de mon frère qui s'élève, émotionnellement tout cela fonctionne ensemble. Sinon ce serait trop normal, trop sec.

Justement, puisqu'il est question d'émotion, on peut entendre la voix de Christopher Lee à la fin de "Tales of a Hero's Fate", or il est mort en 2015. Quel est votre secret, avez-vous utilisé une machine à remonter le temps ?

*rires* Le secret, eh bien, j'ai un ami, Neil Johnson, qui est producteur et qui a réalisé certaines de nos vidéos depuis nos débuts, qui m'a envoyé un fichier MP3 un jour en me disant "Qu'est-ce que tu penses de ça ?", et il m'a aussi envoyé le texte, pour un projet qu'il souhaitait réaliser, et il m'a dit "Si tu veux, tu peux l'utiliser". J'étais sous le choc, parce que Roby (n.d.l.r. Roberto de Micheli, le guitariste) et moi travaillions alors sur une histoire, et la narration de Christopher Lee y était parfaitement connectée ! J'ai dit "Oh mon Dieu", j'ai laissé Roby écouter, et il était aussi choqué que moi. Je me suis dit "Ok, c'est comme un cadeau du ciel", c'est une narration très courte, mais il n'y a pas besoin de plus vous savez. C'est une belle présence à avoir pour la toute dernière fois, en totale connexion avec nos idées, c'était dingue, vraiment...

On est heureux de vous avoir à Paris ce soir.

Moi aussi, je peux sentir l'énergie, et c'est si beau ici, cette vue !

Vous avez manqué à Paris.

*rires* Oui, c'est toujours formidable d'être là, en plus on est arrivés hier et on a eu un jour de repos, on a pu se détendre, profiter de la ville, de la nourriture...

Ce pont est réputé pour être le plus beau de Paris. (n.d.l.r. Le Flow se trouve juste au pied du pont Alexandre III.)

Oui, il est magnifique. J'aime beaucoup le lieu, j'ai beaucoup voyagé, mais ici c'est vraiment spécial...

Vous partez tôt demain ?

On part ce soir en fait, juste après le concert, on doit partir le plus tôt possible à cause du couvre-feu. On commence à jouer à 21h, on termine vers 23h, on fait nos affaires et on repart.

Cela devient de plus en plus difficile d'écouter de la musique live ici, est-ce pareil en Italie ? C'est une vraie guerre ici, plein d'endroits ferment, à cause du bruit... Du coup les salles sont obligées de respecter le couvre-feu pour ne pas risquer d'être fermées.

Ah oui, vraiment ? Wow, je ne savais pas... En ce qui me concerne je n'aime pas jouer trop tard, alors ça me va. *rires* Merci pour votre temps, j'espère que vous passerez un bon moment ce soir.

Merci à vous, ce sera le cas, bon concert !

Interview réalisée par Elise Diederich et Thomas Enault
 
Critique : Elise Diederich
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