Interview

REFUSED (2019) - Dennis Lyxzèn (Chant)

Groupe culte de la scène punk/hard-core suédoise, Refused vient de sortir un album ravageur et splendide, « War Music ». S'il y a des reformations qui se discutent, celle des Suédois a été la bienvenue. Plus de vingt ans après leur premier opus, Refused reste toujours aussi créatif. Rencontre avec leur chanteur révolutionnaire, l'emblématique Dennis Lyxzén.

« Refused avait splitté en 98 parce que tu avais dit qu'il était difficile d'être radical politiquement et d'être en même temps dans l'industrie musicale. Comment le groupe s'est reformé ? »


« Nous vivons dans la même ville avec les autres membres du groupe. On a discuté du fait de rejouer ensemble. Cela s'est passé au-delà de nos espérances. Nous avions prévu de faire dix concerts. Nous en avons fait quatre vingt deux. Quand nous avons répété, cela sonnait très bien. On s'est dit que l'on pourrait faire de nouveaux albums de Refused. On en a fait deux et voilà. »

« A cette époque tu avais déjà terminé l'aventure International Noise Conspiracy ? »

« J'ai arrêté International Noise Conspiracy en 2009. Il n'y avait pas l'idée de refaire Refused à cette époque. Ce n'est arrivé que quelques années plus tard. »

« L'album arrive quatre ans après le précédent. C'est long. »

« On a tourné durant deux ans après la sortie de l'album et cela a pris deux autres années pour écrire ce disque. En vieillissant, tu fais les choses moins vite. Et puis, j'ai mes autres projets, aussi. »

« Tu as la même rage depuis tes débuts. Comment expliques-tu cela ? »

« C'est facile d'avoir la rage. Ce qu'il faut, c'est ouvrir les yeux. Le succès de Refused n'est arrivé qu'après la séparation du groupe. Je n'ai jamais eu les tapis rouges et toutes ces choses, ce qui est une bonne chose. Avec le nouvel album, nous avons voulu mettre toute la rage qu'il y a en nous. »

« Tu te sens comme un artiste politique. »

« Oui (rires). Ce n'était pas intentionnel à mes débuts mais lorsque tu découvres le punk, le hard-core cela change ta vie. Etre punk, c'est être révolutionnaire. »

« Tu penses qu'un artiste peut changer le monde ? »

« J'ai une conscience grâce à la musique. Je ne pense pas que la musique puisse renverser le capitalisme mais qu'elle peut faire prendre conscience à des gens, ce qui est déjà beaucoup. »

« Qu'exprime le titre de l'album « War Music » ?

« Cela exprime beaucoup de choses. Nous aimerions être le soundtrack de la révolution à venir. Nous vivons une époque terrible. Le capitalisme est partout. »

« I wanna watch the world burn » a un côté black-bloc. »

« Rires. Tu peux le voir comme ça mais tu peux le voir aussi sur la façon dont le capitalisme nous façonne. Cela parle du sentiment d'aliénation, de frustration. Je ne sais pas comment les choses vont évoluer mais je sais que nous avons besoin d'un changement radical pour la société, pour le peuple. »

« Qu'évoque le morceau « Death In Vännäs ? »

« Ce titre est aussi celui d'un vieux film. C'est un morceau qui faisait sens par rapport à cette ville dont je viens. Etre punk là-bas n'était pas facile. Les gens me détestaient. En même temps, cela construit ton caractère. »

« Le morceau possède un côté metal. »

« Nous avons été des metal-kids avant de devenir punk et hard-core. Ce disque a été influencé par Morbid Angel. Nous aimons tous Slayer dans le groupe. Il y a des morceaux sur ce disque où nous avons mis en avant ce côté metal. Il y a une énergie dans le metal qui me plaît vraiment.»

« A l'époque des débuts de Refused tu étais marqué par le punk suédois, des groupes comme Ebba Grön ? »

« Pas tellement. J'étais marqué par le hard-core américain : Minor Threat, Bad Brains, Youth of Today. J'aime Ebba Grön mais ils ont un côté pop. »

« The Infamous Left » est contre les trahisons de la gauche ? »

« La plupart des gens vivent dans des conditions difficiles alors que l'extrême gauche théorise de façon intellectuelle. L'extrême-droite sait se connecter avec le peuple. La gauche intellectualise parfois trop les choses. Il y a malheureusement un gap entre les idées de gauche et la façon dont les gens les perçoivent. ».

« Tu rêves toujours d'une lune communiste ( « Communist Moon », morceau de International Noise Conspiracy NDLR)

« Rires. Parfois oui. Je ne me qualifierai pas de communiste mais oui je rêve d'une lune socialiste. »
 
Critique : Pierre Arnaud
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